Face aux licenciements, aux privatisations, à la casse des acquis sociaux. Quelle stratégie pour les luttes ?

Malgré deux débâcles électorales successives, le gouvernement Raffarin continue à appliquer sa politique d’attaques et de régressions contre les travailleurs. Même s’il se montre prudent, comme sur la Sécu, il continue à avancer. En même temps, les licenciements continuent, la pauvreté et la précarité augmentent comme le montrent les 1,2 millions de personnes au RMI, soit une augmentation de 10% en un an.

Article paru dans l’Egalité n°108

Malgré une profonde désorganisation du mouvement ouvrier, l’absence d’un encadrement de masse au niveau politique et syndical, un certain repli individualiste, dus à des années de désillusions et de trahisons, les travailleurs ripostent dans tous les secteurs, dans le public, mais aussi dans le privé. Luttes, grèves, manifs se sont succédé pendant toute cette année. Mais ces luttes restent isolées, se suivent sans se rassembler pour converger vers un mouvement unitaire interprofessionnel qui seul peut instaurer le rapport de force nécessaire pour faire plier le gouvernement et le patronat. Après la défaite de l’an passé sur les retraites, certains secteurs ont commencé à redresser la tête, comme dans l’Education Nationale ou d’autres services publics. Dans le privé, les luttes se multiplient contre les licenciements, la dégradation des conditions de travail, la diminution des revenus salariés. Ce sont avant tout des luttes défensives, y compris les grèves pour des augmentations de salaire, après le gel des salaires accompagnant les 35h et les augmentations de productivité. La lutte des travailleurs d’EDF-GDF pour sauver le statut public de l’entreprise et de ses travailleurs s’amplifie et se durcit. Mais les directions nationales des organisations syndicales ont tout fait pour que ces mouvements ne convergent pas. Les journées d’action, grèves, manifs ont émaillé les mois de mai et juin, sans que jamais l’ensemble des travailleurs ne se retrouve autour d’objectifs et d’actions communs, malgré la prise de conscience et les pressions de la base. Face à cette absence de perspectives immédiates, les luttes prennent souvent un caractère radical, voire désespéré, mais ce n’est pas ça qui permettra de construire un mouvement de masse puissant.

Alors, comment s’organiser ?

Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. La réussite électorale du PS ne saurait cacher qu’il n’offre aucune perspective aux travailleurs, ayant définitivement choisi le camp du capitalisme. A nous de créer nos structures de lutte, en nous auto-organisant, avant tout en Assemblées Générales de grévistes, avec un fonctionnement et un mode de représentation démocratiques. Tout en s’organisant dans leur entreprise de manière démocratique et indépendante, les travailleurs doivent rechercher systématiquement l’appui des autres secteurs, tout en cherchant à étendre leur lutte. Dès maintenant, il faut reprendre le mot d’ordre d’une journée de grève interprofessionnelle, seul moyen d’amorcer un mouvement d’ensemble. Avançons ce mot d’ordre sur notre lieu de travail, dans nos organisations syndicales, en nous appuyant sur les actions existantes. Reprenons les mots d’ordre des secteurs les plus avancés dans les luttes, parce qu’ils permettent d’avancer dans l’intérêt de tous (on pense en particulier à EDF). Organisons la solidarité entre les travailleurs, les précaires, les chômeurs, les jeunes, en montrant que les mêmes intérêts les rassemblent dans un même camp, celui de la classe ouvrière.

Dans les entreprises, les salariés en lutte doivent s’assurer le contrôle de leur outil de travail. Ce n’est qu’en pesant sur la production et les outils de cette production qu’ils peuvent faire reculer le patronat. C’est un enjeu vital, à tel point que le patronat ne peut le supporter, comme à l’usine ST Microelectronics : les travailleurs en lutte, virés par leur patron bloquaient les machines que celui-ci voulait délocaliser vers la Thaïlande et ce sont les flics, en cognant les salariés, qui ont permis aux camions chargés des machines de quitter l’usine. Il faut donc que les travailleurs se donnent les moyens de ce contrôle, en renforçant leurs liens entre différentes entreprises et différents secteurs, en se réappropriant les forces de l’outil syndical pour l’organiser (le glissement actuel des organisations syndicales vers un règlement judiciaire des conflits n’est qu’une impasse). Mais cela ne suffira pas encore. La seule voie pour que les luttes aboutissent, pour battre en brèche ce système basé sur le profit, c’est que les travailleurs se construisent un nouveau parti. Seul celui-ci peut permettre une organisation solide et massive, démocratique et indépendante pour défendre nos intérêts face au patronat, reconstruire l’outil syndical, définir nos propres mots d’ordre avec des objectifs clairs.

C’est une exigence immédiate, parce que les bureaucraties syndicales et les partis de gauche, anciens représentants de la classe ouvrière, ont fait la preuve de leur faillite, et que les attaques actuelles menacent le mouvement ouvrier dans ses fondements mêmes. Et c’est un impératif à plus long terme, car les luttes des travailleurs tourneront en rond si elles se circonscrivent dans le système capitaliste, sans avoir pour objectif son renversement. Cet objectif ne peut être atteint qu’en se basant sur un programme socialiste, qui doit être le socle sur lequel va se construire ce nouveau parti.

Par Pascal Grimbert