La marchandisation de l’université avance à grands pas !

« Tous les services d’intérêt collectif, notamment l’enseignement, la santé, […] sont transférés à la sphère marchande du secteur privé. Les secteurs en plein essor de la santé, de l’enseignement et de l’assurance étant aux mains d’entreprises privées, les contraintes budgétaires devraient diminuer, d’où une baisse des taux d’intérêt et de ce fait, des charges financières moindres pour les investisseurs privés » (Les technologies du XXIe siècle, OCDE, Nov.98, p25).

Article paru dans l’Egalité n°90

Les étudiants qui entrent en fac aujourd’hui comprennent assez mal ce que signifie la privatisation de l’enseignement universitaire. De nombreuses et multiples filières se sont créées alors que la fac voyait son nombre d’étudiants sans cesse augmenter. A cette époque fin des années 80 et années 90, l’enjeu politique à l’université était de dépenser le moins d’argent possible face à la croissance massive du nombre d’étudiants. Les cours surchargés, l’absence de suivi pédagogique faisaient pour beaucoup dans le découragement des étudiants qui, pour près d’un tiers, abandonnaient les études dès la première année. Aujourd’hui, les enjeux économiques et politiques sont encore de rentabiliser l’enseignement mais pas seulement pour économiser dans le service public d’Education nationale. Il s’agit de rentabiliser pour, ensuite, pouvoir faire du profit sur les enseignements dispensés. L’université française mais aussi européenne est donc en pleine mutation.

Le complexe de responsabilité du chômage

L’université est à l’origine un lieu d’enseignement dispensant un savoir dans diverses matières. Depuis une dizaine d’années, l’Etat coupe ses budgets alloués aux universités en essayant de développer le financement régional et privé. Un prétexte de ce rapprochement fac / entreprise serait l’inadaptation à la réalité du marché du travail de l’Education nationale. Perçue comme responsable du chômage des jeunes elle devrait donc devenir une formation à un savoir-faire et non plus un savoir. Les entreprises peuvent littéralement faire leurs courses dans ces nouvelles filières et choisir celles sur lesquelles parier. Mais les organisations patronales nationales et internationales ne veulent pas en rester là. Quant au complexe du chômage, les patrons, eux, n’en ont pas en accusant la fac publique pendant qu’ils multiplient les licenciements !

Les objectifs du patronat : Flexibilité

Les entreprises voient un marché juteux dans la professionnalisation de la fac. Les entreprises pourraient prendre à leur charge la formation de leur personnel à l’évolution des technologies. Mais ceci est trop onéreux selon eux. Autant le faire prendre en charge par les facs !

Les lobbies industriels et les banques poussent alors, avec l’aide des gouvernements à travers le monde, à plus de flexibilité. Ils veulent « réviser les programmes et les méthodes de l’enseignement de base de manière à préparer les travailleurs aux diverses situations professionnelles » qu’ils devront rencontrer dans leur vie professionnelle.

Adaptabilité

Le conseil Européen en 1997 a recommandé aux membres de l’Union européenne « d’accorder la priorité au développement des compétences professionnelles et sociales pour une meilleure adaptation des travailleurs aux évolutions du marché du travail ».

La commission européenne estime « que le temps de l’Education hors de l’école est venu et que la libération des processus éducatifs, rendue possible, aboutira à un contrôle par des offreurs d’éducation plus innovants que les structures traditionnelles ».

Ils considèrent la fac comme lieu de formatage directe des jeunes à leur demande et comme lieu de recherche. Alors, ils proposent de la financer et même de la commercialiser. Par l’intermédiaire des nouvelles technologies, on propose d’étudier à domicile. Ces services ne sont pas gratuits et n’équivalent pas à une inscription universitaire. Des agences d’universités sont créées depuis ces trois dernières années pour mettre leurs cours sur le marché. Les facs sont désormais concurrentes !

La fac est-elle réellement menacée par la privatisation ?

Cette privatisation n’est pas directe, les gouvernements s’en prennent à l’aspect qualitatif déjà malmené par les manques budgétaires. On ne transforme pas en fac privée chaque site universitaire,mais on rentabilise les filières les plus efficaces. l’Etat est la courroie de transmission de l’entrée du privé dans les facs en votant des lois comme celle sur l’innovation de 1998 qui permet aux professeurs de fac d’être en même temps chefs d’entreprise et d’utiliser leurs recherches à des fins commerciales, et qui crée les licences professionnelles.

Aujourd’hui, un nouveau stade est passé avec l’Accord général sur le commerce des services. Créé en 1995, il s’inscrit dans la structure juridique de l’Organisation Mondiale du Commerce. Près de 140 pays (dont la France) en sont membres. Ils se sont engagés à ouvrir, totalement ou partiellement, leur marché national des services à la concurrence internationale. Le secteur de l’éducation publique est particulièrement visé.

Déjà plusieurs luttes se sont développées à travers l’Europe : en Grèce, avec des grèves générales, en Angleterre contre une hausse exorbitante des frais d’inscriptions… Nous refusons de mettre aux oubliettes les connaissances générales, nos savoirs, ce qui peut nous permettre de porter un regard critique sur le monde et donc de lutter contre ce système du profit !

Par Leïla Messaoudi et Cabira