Voyous ou pas, les patrons nuisent gravement aux travailleurs !

Tout le monde a en mémoire ces usines déménagées pendant les congés des salariés mis devant le fait accompli ou encore ce P.D.G. licenciant son personnel par fax depuis sa villégiature en Thaïlande.

Article paru dans l’Egalité n°110

Devant de telles violations des droits des travailleurs, même nos gouvernements réactionnaires sont obligés de parler de patrons voyous. Quand les chefs d’entreprise se contentent de fermer leurs boîtes déclarées déficitaires ou insuffisamment rentables en respectant scrupuleusement la légalité et avec de bonnes manières, faut-il dire : « merci patron »?

Le cas de TTAD

TTAD (Traitements Thermiques Ateliers de la Défense) est une petite entreprise des Hauts de Seine. Au milieu des années 80, elle emploie jusqu’à 60 personnes dont une vingtaine en 3×8 et en équipes de week-end. Au début des années 90, la branche connaît une crise consécutive à la première guerre du Golfe. Les effectifs de TTAD chutent à plusieurs reprises et en 94, c’est le dépôt de bilan puis la reprise par le groupe Thermi-Lyon. Dans le traitement thermique notamment, beaucoup d’entreprises ont changé de mains et de nombreux sites ont fermé pour rentabilité insuffisante. D’après le Gérant de Thermi-Lyon, malgré les réductions d’effectifs et l’abandon des filières les plus déficitaires, l’usine de Nanterre perd de l’argent chaque année et il n’y a plus d’espoir de retrouver l’équilibre vu l’état des lieux qui ne permet pas de rationaliser le travail. De plus, avec la désindustrialisation de l’Ile-de-France, les clients sont maintenant pour la plupart disséminés en Picardie, Haute et Basse Normandie et Sarthe. Or, l’autre unité de production du groupe dans le Bassin Parisien à St-Maximin, près de Creil dans le sud de l’Oise, perd aussi de l’argent avec d’autres sortes de traitements thermiques dans des locaux neufs et sous-employés.

Que peut-on reprocher à ce chef d’entreprise qui propose aux 21 salariés de Nanterre de rejoindre le site de Creil le 10 janvier prochain en conservant tous leurs avantages acquis? En économie socialiste aussi, ce serait du gâchis de conserver une unité de production obsolète mal située par rapport à ses partenaires.

Mais en économie socialiste, il y aurait le plein emploi et la fermeture d’une petite boîte (et même d’une grande!) n’obligerait pas les gens à choisir entre le chômage à Nanterre et le déménagement vers une autre région où rien ne garantit qu’il n’y aura pas un licenciement et la difficulté de retrouver du boulot. Sans parler de l’emploi du conjoint. Sans parler de la période transitoire avant de trouver un logement à Creil où il faudra faire tous les jours 2 fois 70 km sans que le patron rembourse plus de la moitié des frais de transports en commun (130 euros par mois) ni aucun trajet en voiture…

Aux dernières nouvelles, ça ne se bouscule pas pour aller à St-Maximin. Et c’est bien le but de la manoeuvre. Outre la revente du terrain de Nanterre, l’opération permet de remplacer des salariés ayant des payes encore correctes et pas mal d’ancienneté par des smicards. Evidemment, il faudra payer les indemnités de licenciement prévues par la Convention Collective (mais pas un sou de plus pour ne pas encourager les gens à refuser de suivre la boîte!). Rien ne sera payé aux derniers embauchés (déjà nettement moins payés) qui ont dû signer une clause de mobilité et qui seront virés pour faute grave s’ils ne vont pas à Creil.

Il n’y a pas de bon patron !

Patrons voyous, patrons qui licencient proprement, patrons qui exploitent raisonnablement leurs salariés, il est illusoire de faire un classement moral des employeurs. Certains salariés de TTAD évoquent parfois avec nostalgie le fondateur de la boîte: » Avec lui, ça ne se serait pas passé comme ça! ». Certes, il payait mieux, il rétribuait ceux qui venaient travailler le samedi ou le dimanche en cas de besoin (avant les équipes de week-end) mais les marges des sous-traitants étaient confortables à l’époque. Et l’effectif en fixe n’a jamais dépassé 49: A partir de 50 salariés, il aurait eu davantage de charges et n’aurait pas pu refuser un Comité d’Entreprise avec tout ce que ça implique et notamment des élections de délégués. Alors il y avait jusqu’à 10 ou 12 intérimaires ! « L’âge d’or » n’est pas derrière nous mais devant nous. Dans la société socialiste que nous voulons, il n’y aura plus ces personnages qui nous manipulent comme des objets en fonction de leurs intérêts. Les patrons ont besoin de nous, nous n’avons pas besoin de patrons !

Par Jacques Capet