Union européenne : Il y a 18 ans, le « Non » au référendum sur le traité constitutionnel européen

Le dimanche 29 mai 2005, le traité constitutionnel européen était rejeté par référendum en France. Le TCE était un projet porté par les gouvernements capitalistes d’Europe, en premier chef par la France avec Chirac et l’Allemagne de Schröder puis Merkel, pour niveler par le bas les droits sociaux arrachés dans les luttes et grèves du 20ème siècle. Les partis de droites nationalistes et réactionnaires comme le FN avaient appelé à voter Non. Mais chose nouvelle, une partie de la gauche s’était unie (le PCF, une partie du PS avec Mélenchon à l’époque et la LCR (ancêtre du NPA), rejetant ce qu’ils appelaient l’Europe libérale.

La campagne avait été animée et militante. Une partie importante des travailleurs avait décidé de voter Non à ce nouveau traité entraînant davantage d’attaques coordonnées des capitalistes contre les salaires et les conditions de travail. Et parmi les jeunes beaucoup rejetaient l’hypocrisie de l’Union européenne, véritable Europe forteresse, menant une politique raciste, qui expulsait les sans papiers, tout en se vantant de faire « tomber les frontières » pour les européens. En France, le « Non » a affaibli la présidence de Chirac. Mais de ce Non de « gauche » clairement opposé à cette Union européenne faite pour les capitalistes a modifié le paysage politique à gauche. Mais politiquement, il n’a pas servi à avancer un programme combatif contre les capitalistes autour duquel s’unir et s’organiser dans les luttes et les grèves ensuite. Les gouvernements successifs ont pu passer outre le rejet en France ainsi qu’aux Pays-Bas et finalement imposer un TCE bis en 2007 avec le Traité de Lisbonne.

A un an des prochaines élections européennes en 2024, la Gauche révolutionnaire a décidé de republier certains de nos articles de l’époque.


Constitution européenne : une nouvelle offensive capitaliste

Certains ont eu l’air surpris (notamment au PS) par le contenu « libéral » de cette constitution. Mais celle-ci est bien dans la continuité de la construction européenne. Et pour y trouver un contenu « libéral », « réactionnaire », il n’est nul besoin de s’acharner sur la partie III qui définit les politiques et le fonctionnement de l’Union.

Article paru dans l’Egalité n°113 en mai 2005

En effet, la partie I permet déjà de comprendre quels sont l’idéologie et les intérêts qui ont conduit ses rédacteurs approuvés par les gouvernements européens (qui ont la maîtrise de cette élaboration).

Ainsi, dans la « définition et les objectifs de l’Union » nous pouvons voir ce que l’Union offre à ses citoyens (article I-3) : « un espace de liberté, de sécurité, et de justice où la concurrence est libre et non faussée ». Ceux qui soutiennent cette partie ou omettent volontairement d’en parler dans leur campagne admettent donc d’amblée les privatisations, les démantèlements des services publics mais aussi la concurrence entre les travailleurs. La gauche capitaliste ne reviendra donc certainement pas sur les privatisations déjà effectuées.

L’Europe promeut « la cohésion économique, sociale et territoriale ». Les capitalistes ont bien l’intention de coordonner, d’harmoniser leurs politiques. Du Raffarin à l’échelle européenne pourrait-on dire…

Une Europe de paix ?

Mais l’Europe c’est au moins la paix, elle n’a pas vocation à être « impérialiste » comme les Etats-unis. « Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts ». Quelqu’un va devoir passer beaucoup de temps à nous expliquer la différence. Concrètement, vous aviez aimé la Françafrique vous adorerez l’Eurafrique. Elle n’est pas militariste ? « Les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires » et une Agence est créée afin de « mettre en oeuvre toute mesure utile pour renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense » (article I-41-3). Quant à la « résistance » aux Etats-Unis, elle est « compatible avec la politique de sécurité et de défense arrêtée dans le cadre de l’OTAN » (article I-41-2).

Des droits et des libertés nouveaux ? Nous entrons dans l’innovation avec l’article I-4 (« les libertés fondamentales et non-discrimination ») car il précise que la circulation des marchandises et des capitaux sont des libertés fondamentales. Splendide, non ? Les capitalistes montrent bien ce qu’ils sont en mettant sur le même plan la liberté de circulation des personnes et celle du fric.

Constitution et progrès social

Mais on nous vend aussi cette constitution comme un progrès social. Article I-15 : « l’Union prend des mesures pour assurer la coordination des politiques de l’emploi ». Et dans quel sens vont-ils aller ? Modèle allemand (Hartz IV), français, anglais ? Comptons sur nos gouvernements pour faire le contraire de ce qu’ils font au niveau national.

Mais nous opposera-t-on, il y a la charte des droits fondamentaux ! Et nous répondrons vent et papier musique. En effet, avant même d’aller dans une critique de celle-ci, il faut bien avoir en tête qu’elle n’a aucune valeur réelle (article I-111) puisqu’elle ne peut être opposée aux tâches de l’Union donc de la mise en place d’une concurrence libre et non faussée. Et c’est dans cette charte que l’on aurait la sauvegarde des services publics ? Mais ceux-ci sont devenus de très vagues « services d’intérêt économique général » (article II-96) et ils ne peuvent s’opposer aux objectifs de l’Union (article III-166). Quelle victoire !

Si tout de même, nous avons une avancée : « tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi » (article II-75) et non plus d’avoir un travail. Quel progrès !

Démocratie européenne ?

L’on nous vend aussi plus de démocratie. L’UE prendrait même des formes de démocratie directe grâce à l’article I-47 qui annonce une « démocratie participative ». Mais cela se résume à des consultations d’associations « représentatives » et à un droit de pétition lorsqu’un « acte juridique est nécessaire aux fins de l’application de la constitution ». C’est pratique nous avons à la fois la question et la réponse.

Démocratie parlementaire alors ? « Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la commission ». Ce sont donc les gouvernements qui restent responsables. Le parlement n’est même que consulté pour la politique de sécurité et défense commune (article I-148).

Démocratie parlementaire alors que la politique monétaire est dirigée par la banque centrale « indépendante » (article I-30) ? Les politiques libérales de l’Union.

De fait la partie la plus importante de ce traité constitutionnel est bien la partie III, « les politiques et le fonctionnement de l’Union ». Il s’agit ici de l’intégration des traités antérieurs (approuvés par nombre de tenants du Non au PS) établis désormais en principes constitutionnels. La continuité est ici parfaitement établie. Mais il ne faudrait tout de même pas oublier que dans les objectifs de l’Union nous avons la « concurrence libre et non faussée », il y a donc bien cohérence. Ce qui a donc été fait au niveau européen ( déréglementation du ciel, concurrence postale..) était le fruit de la volonté des gouvernements et ils cherchent à l’entériner.

Pour conclure, l’Union « œuvre pour une économie sociale de marché hautement compétitive » (article I-3-3). Comment pourrait-on encore croire que « marché » et « social » sont compatibles. Les droits sociaux ont tous été acquis grâce aux luttes, à la pression des travailleurs et bien contre le capitalisme. Cette expression est bien une escroquerie mais aussi le signe de l’acceptation définitive du capitalisme par les « gauches de gouvernement ».

Le 29 mai est une étape. Avec la victoire du Oui nous avons droit à une accélération des attaques et avec celle du Non nous avons une déstabilisation relative de la bourgeoisie. Mais ce qui va être déterminant, c’est l’organisation de la classe ouvrière pour résister mais également pour passer à l’offensive et se réaffirmer dans la lutte des classes grâce au parti dont elle a plus que jamais besoin.

Rendez-vous le 30 mai

Par Olivier Ruet


Contre l’Europe des banques et des patrons Votons NON à la Constitution européenne

Le 29 mai 2005 aura lieu le référendum sur la constitution européenne qui est une synthèse de toutes les politiques ultralibérales de tous les gouvernements et du patronat d’Europe. L’Union européenne, via les traités comme celui de Maastricht, de Barcelone ou de Lisbonne et les accords de Schengen, a permis d’organiser les attaques contre les travailleurs, les services publics… à l’échelle européenne. Le principe même de la Constitution, inscrit dès le début du texte au titre des « objectifs de l’ Union » est « un marché intérieur où la concurrence est libre est non faussée » (article I-3-2).

Article publié dans l’Égalité 113 en mai 2005

Non aux délocalisations

La Constitution légitimera et facilitera les délocalisations des entreprises dans les pays de l’Est pour augmenter leurs profits, augmentant ainsi dans les pays de l’Europe de l’ouest le nombre de licenciements, le chômage, la misère et la précarité. De plus, les gouvernements et le patronat des pays de l’Est n’hésitent pas eux aussi à délocaliser en Asie car le coût du travail et de la production y est beaucoup plus bas. La Constitution favorise la concurrence qui divise les travailleurs.

Non à la libéralisation des services publics

La constitution européenne s’engage clairement à privatiser tous les services publics. Il est question dans la Constitution de « services d’intérêt économique général » c’est-à-dire que tous les services sont « soumis aux règles de la concurrence » (article III-166). La directive Bolkestein (ex-commissaire européen) applique clairement ces dispositions : tous les pays de l’Union Européenne doivent s’engager à libéraliser tous les services publics. Cela signifie l’apparition de services payants ou d’une hausse des tarifs, la suppression de bureaux de poste, par exemple, et la remise en cause des acquis sociaux de la fonction publique.

Non aux attaques sur nos droits sociaux et le code du travail

Selon l’article III-207, « c’est par le fonctionnement du marché que doit se faire l’harmonisation des systèmes sociaux »! Tous nos acquis sociaux sont clairement attaqués. De plus, l’article III-203 invite les Etats membres à « promouvoir une main d’œuvre susceptible de s’adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie ». La flexibilité et la précarité y sont vivement encouragées. Le droit au travail disparaît, tel que l’évoque l’article II-75-1, au profit du « droit de travailler » et le droit à la protection sociale est remplacé par un « droit d’accès aux prestations » (article II-94-1).

Non à une Europe impérialiste

Tous les gouvernements de l’ Union européenne s’engagent clairement à augmenter leur budget pour la défense et l’article I-41-3 prévoit que « les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leur capacités militaires » dans le cadre de l’OTAN.

Non à une Europe anti-démocratique

Selon l’article 1-26-2, seule la Commission européenne et non le Parlement européen a le droit de présenter une loi. Tout en sachant que les membres de cette commission ne sont pas élus mais  » choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance » (article I-26-4). Le patronat pourra de manière directe proposer des lois ultralibérales grâce à ses valets placés à la Commission.

Pourquoi nous appelons à voter Non à la constitution européenne

Si nous sommes contre la Constitution européenne c’est parce qu’elle permettra une accentuation des attaques du patronat en lui donnant un cadre légal au niveau européen, aggravant ainsi les conditions de vie et de travail des travailleurs et des jeunes. Cependant, le Non doit avoir un contenu social et non nationaliste. La peur de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne et les discours qui rejettent la responsabilité du chômage et de la misère en Europe occidentale sur les travailleurs des pays de l’Est n’est que de la poudre aux yeux pour détourner la classe ouvrière des vrais responsables : la bourgeoisie, leurs gouvernements et le capitalisme. Les délocalisations émanent des politiques des différents gouvernements et du patronat qui souhaitent une Europe ultra-libérale, sans services publics, sans droits sociaux, anti-démocratique et impérialiste pour faire face à la puissance américaine et continuer de faire des profits !

La propagande actuelle du Medef est de nous faire croire que les ouvriers français ne travaillent pas assez et sont trop payés « obligeant ainsi les patrons à délocaliser »! Les travailleurs de l’Est connaissent le même scénario : des entreprises allemandes ont été délocalisées en République Tchèque car les coûts du travail et de production y sont beaucoup plus bas mais certaines ont été redélocalisées en Asie car les coûts y sont encore beaucoup plus bas !

Tous ces arguments ont pour objectif de diviser les travailleurs et les jeunes en utilisant le racisme et le nationalisme. Tous les travailleurs et quelsl que soient leurs pays se font exploiter par le patronat. Pour lutter contre la délocalisation, les privatisations, la précarisation de l’emploi et la destruction du droit au travail, il faut que la classe ouvrière soit unie de Dublin à Istanbul. Seule cette solidarité internationale entre jeunes, travailleurs renversera cette Europe ultralibérale et impérialiste.

Et c’est sur ces bases que la Gauche révolutionnaire appelle à voter Non au référendum. Elle se bat et se construit, sur une unité de classe, au sein d’une Internationale ouvrière – le CIO – au-delà de nos différences culturelles et au-delà des frontières mises par les capitaliste.

Le CIO se bat pour une Europe socialiste et démocratique, où l’économie sera organisée par les travailleurs eux-mêmes, pour la satisfaction des besoins de tous, garantissant les intérêts des travailleurs et des jeunes, quelle que soit leur nationalité et se battant pour une réelle égalité homme-femme.

Seule cette Europe socialiste et démocratique éradiquera réellement la misère, la précarité, le racisme, le sexisme et les guerres.

D’Istanbul à Dublin
Contre l’Europe capitaliste
Par nos luttes, construisons l’alternative
Le socialisme !

Par Fatima