Élections en Inde : Modi prend un coup

Le 13 mai 2023, une élection législative a eu lieu dans l’état du Kanataka, au sud de l’Inde, où se situe Bangalore, troisième plus grande ville du pays. Cette élection a vu une lourde défaite du BJP, le parti du Premier ministre Narendra Modi. Nous traduisons ici un article d’analyse de Jagadish G. Chandra, secrétaire de l’organisation sœur de la Gauche Révolutionnaire en Inde, New Socialist Alternative, publié le 22 mai 2023 sur www.socialistworld.net

Les résultats des élections législatives qui viennent de se terminer dans l’État du Karnataka sont vus comme un grand soulagement. Le revers retentissant que le Bharatiya Janata Party (BJP) a essuyé de la main des électeurs du Karnataka est perçu comme une bouffée d’air frais, non seulement dans l’État du Karnataka, mais aussi dans tout le pays. Pourtant, de nombreux experts politiques s’étaient résignés à l’idée très en vogue que le BJP, dirigé par Modi, était inarrêtable et que le parti de la droite hindoue obtiendrait une victoire facile, cette fois, avec une majorité claire à lui tout seul.

Le choc a été rude pour Modi et consorts, puisque le BJP n’a obtenu que 66 sièges et que le Congrès national indien (CNI) est reparti avec 135 sièges. Modi, qui a organisé 19 rassemblements et 6 tournées de présentation pendant les élections, a été le principal animateur de la campagne du BJP. Il a tenté d’utiliser son « charisme » personnel pour séduire les électeurs du Karnataka, mais rien n’y a fait. Les travailleurs pauvres de l’État, accablés par la hausse des prix de tous les produits de base, en particulier du gaz de cuisson, qui a atteint un pic de 1 200 roupies [pour un salaire minimum de 12 000 roupies dans cet état soit 135 €], n’ont pas adhéré au soi-disant modèle de « développement » de Modi et du BJP.

Les gens en ont eu assez du communautarisme grossier pratiqué par le gouvernement du BJP dans l’État. La « controverse du hijab », une tentative d’empiéter sur les droits des femmes musulmanes, la question du Talaq (divorce islamique) et la peur du « djihad de l’amour », créée par les franges de la droite hindoue, ont éloigné davantage non seulement les électeurs musulmans mais aussi des dizaines d’électeurs hindous. Ils ont compris le stratagème du BJP, qui tentait de diviser et de polariser les gens sur des bases communautaires et religieuses.

Le Congrès

Le parti du Congrès – anciennement le principal parti bourgeois du pays – a lentement mais sûrement sombré dans l’oubli au cours des deux dernières décennies. Ces dernières années, il a mené une bataille existentielle. Mais cette victoire du Congrès dans le Karnataka est une bouffée d’oxygène pour le parti. À ce jour, le Congrès national indien (INC) est au pouvoir dans les quatre États : le Karnataka, le Chhattisgarh, l’Himachal Pradesh et le Rajasthan, où le parti est majoritaire. Dans le camp de l’opposition, nombreux sont ceux qui envisagent déjà une grande alliance de tous les partis d’opposition contre le BJP lors des élections générales de 2024, qui auront lieu dans moins d’un an. Mais cet assemblage hétéroclite contre la plateforme agressive du BJP et son « hindouité » fonctionnera-t-il ?
Le « Bharat Jodo Yatra » (Marche pour l’unité de l’Inde) de Rahul Gandhi, une marche de 4 000 km de Kanyakumari [dans l’état du Tamil Nadu, le plus au sud] au Cachemire [tout au nord] et qui s’est achevée en janvier, a mis en lumière les problèmes démocratiques et sociaux fondamentaux qui n’ont toujours pas été résolus : le chômage, la question de la terre, les inégalités liées aux castes et l’oppression des femmes. Ces questions ont trouvé un écho tout au long de la marche et sont au cœur de la misère des masses populaires.
Dans la foulée de cette marche, le Congrès, qui a formulé ses cinq promesses en matière d’électricité, de riz, d’allocations de chômage et d’augmentation des revenus des femmes et jeunes pauvres, démontre que le mythe de l’Inde comme superpuissance n’est qu’un leurre. Étant donné qu’ils soutiennent et défendent tous deux le capitalisme, ni Modi ni le Congrès ne pourront sortir la majorité des 1,4 milliard d’habitants de l’Inde du marasme de la pauvreté et de la dégradation économique auquel le pays est confronté.
Aucune solution partielle ne peut suffire à éradiquer la pauvreté, le chômage et la misère. L’Inde est suffisamment riche pour offrir un niveau de vie raisonnable à tous ses habitants. L’Inde compte 169 milliardaires parmi les plus riches du monde, qui accumulent toute leur fortune et leur richesse. Une redistribution démocratique et socialiste des richesses est la seule réponse.

En orange, la région du Kanatak, en gris les autres régions d’Inde