La guerre civile fait rage en Syrie depuis 2011 et la période révolutionnaire du « printemps arabe ». Le manque d’organisation du mouvement ouvrier et encore plus d’un parti révolutionnaire pour aider les masses à prendre le pouvoir a donné que la principale force organisée contre Bachar el-Assad fut l’Armée syrienne libre (ASL). Elle était composée d’anciens militaires du régime et d’une multitude de groupes soutenus par des pays impérialistes occidentaux (US, France…). Ces derniers n’ont pas hésité à collaborer avec des groupes liés à Al-Qaïda ou Daesh contre Bachar. Ils espéraient ainsi se créer un régime allié en Syrie. L’ASL ne joue plus un très grand rôle aujourd’hui et fut vite dépassée par Daesh qui commença à étendre son influence en Irak et en Syrie. Daesh a d’ailleurs bénéficié de la complète complicité de la Turquie d’Erdoğan, qui voulait profiter de l’instabilité pour récupérer quelques territoires syriens, se voyant nouveau sultan de l’Empire Ottoman.
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De l’autre côté, la Russie (alliée de la Syrie depuis la guerre froide) lui permet d’avoir un accès à la Méditerranée et un pied au Moyen-Orient. Elle a toujours défendu Bachar contre Daesh, mais aussi contre l’ASL.
Le régime syrien a quant à lui poursuivi une répression féroce, utilisant même des armes chimiques. Il a assiégé de grandes villes qui se sont soulevées et qui le sont encore aujourd’hui, comme dans la région de la Ghouta, qui subit des bombardements quotidiens. La guerre fait des centaines de milliers de morts et force des millions de personnes à se déplacer. Les pays impérialistes ne sont pas en reste avec leurs bombardements qui ont fait énormément de victimes civiles. L’UE, qui donne des milliards à Erdoğan pour « gérer » les réfugiés, fait partie des plus cyniques.
Non à l’intervention d’Erdoğan à Afrîn
Lors de la guerre civile, les Kurdes de Syrie en ont profité pour former un territoire autonome, le Rojava, formé de trois cantons (Afrîn, Kobanê et Cizîrê), au nord près de la Turquie, intégrant les minorités persécutées par Daesh et établissant une gestion locale assez démocratique et progressiste. Ce sont eux qui infligèrent la première défaite à Daesh, à Kobanê, et qui furent utilisés pour vaincre Daesh en Syrie avec l’aide des frappes aériennes américaines, personne ne voulant envoyer des troupes au sol. Ils devinrent les principaux dirigeants des Forces Démocratiques Syriennes (FDS). C’est lorsque les États-Unis ont parlé d’en faire une plus grande force armée permanente qu’Erdoğan a commencé son agression militaire sanglante sur Afrîn, le 20 janvier. Des centaines de personnes sont mortes depuis. Erdoğan ne peut pas supporter la présence d’une région autonome Kurde à sa frontière dirigée par le PYD (Parti de l’Unité Démocratique) et ses milices YPG/YPJ, qui défendent une société égalitaire, et qui est proche du PKK en Turquie, qui lutte pour un Kurdistan libre.
Les États-Unis disent comprendre la nécessité d’une « zone tampon » à Afrîn, et ont assuré leur appui à Erdoğan et à sa politique meurtrière alors qu’ils « soutenaient » les Kurdes auparavant. Même si l’ONU a fait passer une résolution pour un cessez-le-feu à la Ghouta et à Afrîn, Macron a déclaré que les organisations kurdes étaient terroristes et ne condamne pas l’intervention. Les impérialistes préfèrent leurs échanges commerciaux avec la Turquie plutôt que leur allié de circonstance kurde contre Daesh. La Russie quant à elle a proposé cyniquement aux Kurdes une aide contre l’intervention turque s’ils redonnaient les territoires à Bachar, ce qui a évidemment été refusé.
Risques de morcellement de la Syrie et de conflits régionaux
Dans les médias, on a plus parlé de la situation à la Ghouta que d’Afrîn, car cela arrange tout le monde. Maintenant que Daesh est vaincu militairement, même s’il reste des groupes actifs et que le terreau de misère est là pour voir de nouveaux monstres surgir, c’est surtout la question du régime syrien et de la guerre civile qui reprend le dessus. Les États-Unis veulent sûrement utiliser les FDS pour en finir et Israël, son grand allié, est déjà intervenu sur le sol syrien et lorgne sur certaines régions tout en menaçant l’Iran également. La Russie et l’Iran soutiennent Bachar, et la Turquie joue ses propres intérêts et soutient aussi des groupes terroristes contre Bachar. On a déjà deux États, Syrie et Irak, qui sont en complète désagrégation et toutes les tensions peuvent amener à des conflits régionaux plus vastes. Ce sont toutes les frontières depuis les accords de Sykes-Picot imposées aux peuples par les impérialistes français et anglais en 1916 qui sont remises en cause. Il faut que les mouvements révolutionnaires de la région en appellent à l’unité des travailleurs et des paysans pauvre, des masses urbaines, de tous les pays, sans distinction de langue, de culture ou d’origine, contre la guerre, l’intégrisme et l’impérialisme. Ces mouvements révolutionnaires devront poser la question d’une fédération volontaire d’États socialistes pour chacune des nations avec des frontières négociées, sinon il y aura toujours des guerres pour les frontières, le pétrole… et de la barbarie.
Par Matthias Louis