Constitution européenne : une nouvelle offensive capitaliste

Certains ont eu l’air surpris (notamment au PS) par le contenu « libéral » de cette constitution. Mais celle-ci est bien dans la continuité de la construction européenne. Et pour y trouver un contenu « libéral », « réactionnaire », il n’est nul besoin de s’acharner sur la partie III qui définit les politiques et le fonctionnement de l’Union.

Article paru dans l’Egalité n°113

En effet, la partie I permet déjà de comprendre quels sont l’idéologie et les intérêts qui ont conduit ses rédacteurs approuvés par les gouvernements européens (qui ont la maîtrise de cette élaboration).

Ainsi, dans la « définition et les objectifs de l’Union » nous pouvons voir ce que l’Union offre à ses citoyens (article I-3) : « un espace de liberté, de sécurité, et de justice où la concurrence est libre et non faussée ». Ceux qui soutiennent cette partie ou omettent volontairement d’en parler dans leur campagne admettent donc d’amblée les privatisations, les démantèlements des services publics mais aussi la concurrence entre les travailleurs. La gauche capitaliste ne reviendra donc certainement pas sur les privatisations déjà effectuées.

L’Europe promeut « la cohésion économique, sociale et territoriale ». Les capitalistes ont bien l’intention de coordonner, d’harmoniser leurs politiques. Du Raffarin à l’échelle européenne pourrait-on dire…

Une Europe de paix ?

Mais l’Europe c’est au moins la paix, elle n’a pas vocation à être « impérialiste » comme les Etats-unis. « Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts ». Quelqu’un va devoir passer beaucoup de temps à nous expliquer la différence. Concrètement, vous aviez aimé la Françafrique vous adorerez l’Eurafrique. Elle n’est pas militariste ? « Les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires » et une Agence est créée afin de « mettre en oeuvre toute mesure utile pour renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense » (article I-41-3). Quant à la « résistance » aux Etats-Unis, elle est « compatible avec la politique de sécurité et de défense arrêtée dans le cadre de l’OTAN » (article I-41-2).

Des droits et des libertés nouveaux ? Nous entrons dans l’innovation avec l’article I-4 (« les libertés fondamentales et non-discrimination ») car il précise que la circulation des marchandises et des capitaux sont des libertés fondamentales. Splendide, non ? Les capitalistes montrent bien ce qu’ils sont en mettant sur le même plan la liberté de circulation des personnes et celle du fric.

Constitution et progrès social

Mais on nous vend aussi cette constitution comme un progrès social. Article I-15 : « l’Union prend des mesures pour assurer la coordination des politiques de l’emploi ». Et dans quel sens vont-ils aller ? Modèle allemand (Hartz IV), français, anglais ? Comptons sur nos gouvernements pour faire le contraire de ce qu’ils font au niveau national.

Mais nous opposera-t-on, il y a la charte des droits fondamentaux ! Et nous répondrons vent et papier musique. En effet, avant même d’aller dans une critique de celle-ci, il faut bien avoir en tête qu’elle n’a aucune valeur réelle (article I-111) puisqu’elle ne peut être opposée aux tâches de l’Union donc de la mise en place d’une concurrence libre et non faussée. Et c’est dans cette charte que l’on aurait la sauvegarde des services publics ? Mais ceux-ci sont devenus de très vagues « services d’intérêt économique général » (article II-96) et ils ne peuvent s’opposer aux objectifs de l’Union (article III-166). Quelle victoire !

Si tout de même, nous avons une avancée : « tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi » (article II-75) et non plus d’avoir un travail. Quel progrès !

Démocratie européenne ?

L’on nous vend aussi plus de démocratie. L’UE prendrait même des formes de démocratie directe grâce à l’article I-47 qui annonce une « démocratie participative ». Mais cela se résume à des consultations d’associations « représentatives » et à un droit de pétition lorsqu’un « acte juridique est nécessaire aux fins de l’application de la constitution ». C’est pratique nous avons à la fois la question et la réponse.

Démocratie parlementaire alors ? « Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la commission ». Ce sont donc les gouvernements qui restent responsables. Le parlement n’est même que consulté pour la politique de sécurité et défense commune (article I-148).

Démocratie parlementaire alors que la politique monétaire est dirigée par la banque centrale « indépendante » (article I-30) ? Les politiques libérales de l’Union.

De fait la partie la plus importante de ce traité constitutionnel est bien la partie III, « les politiques et le fonctionnement de l’Union ». Il s’agit ici de l’intégration des traités antérieurs (approuvés par nombre de tenants du Non au PS) établis désormais en principes constitutionnels. La continuité est ici parfaitement établie. Mais il ne faudrait tout de même pas oublier que dans les objectifs de l’Union nous avons la « concurrence libre et non faussée », il y a donc bien cohérence. Ce qui a donc été fait au niveau européen ( déréglementation du ciel, concurrence postale..) était le fruit de la volonté des gouvernements et ils cherchent à l’entériner.

Pour conclure, l’Union « œuvre pour une économie sociale de marché hautement compétitive » (article I-3-3). Comment pourrait-on encore croire que « marché » et « social » sont compatibles. Les droits sociaux ont tous été acquis grâce aux luttes, à la pression des travailleurs et bien contre le capitalisme. Cette expression est bien une escroquerie mais aussi le signe de l’acceptation définitive du capitalisme par les « gauches de gouvernement ».

Le 29 mai est une étape. Avec la victoire du Oui nous avons droit à une accélération des attaques et avec celle du Non nous avons une déstabilisation relative de la bourgeoisie. Mais ce qui va être déterminant, c’est l’organisation de la classe ouvrière pour résister mais également pour passer à l’offensive et se réaffirmer dans la lutte des classes grâce au parti dont elle a plus que jamais besoin.

Rendez-vous le 30 mai

Par Olivier Ruet