Quelles suites pour les luttes des travailleurs en Europe ?

La victoire du Non en France et aux Pays Bas révèle la crise politique présente dans les deux pays, mais ouvre également une crise au sein de l’Union européenne et de ses institutions.

Article paru dans l’Egalité n°114

Le vote est le reflet d’une colère croissante face aux souffrances entraînées par les politiques néo-libérales que l’UE a permis de mettre en place. L’euro est à juste titre visé : pour aboutir à la monnaie unique, il a fallu artificiellement faire converger des monnaies qui s’opposaient, en sous évaluer certaines… Pour compenser cela, les prix ont été augmentés, d’au moins 5 % (10% disent certains) pour les Pays Bas.

De plus, il a fallu réduire les dépenses publiques, imposer l’austérité budgétaire. Les privatisations, les suppressions d’emplois dans les services publics, ont été multipliées pour mettre en place l’euro. C’est bien évidemment les populations, et notamment les travailleurs et les pauvres qui en ont payé le prix.

Les spéculateurs ne s’y sont pas trompés : sous le vote Non, c’est une profonde remise en cause de l’UE et des politiques nécessaires à sa mise en place qui progresse. L’euro est en chute libre face au dollar, certains évoquent un avenir incertain pour cette monnaie. Cette monnaie n’avait déjà pas les bases pour durer longtemps, sa chute pourrait désormais être précipitée.

Riposter ensemble, à l’échelle de l’Europe

Le vote Non en France a puissamment encouragé le vote Non aux Pays Bas. Le vote Non aux Pays Bas légitime celui de la France. Bien loin des habituels calculs des politiciens, les travailleurs ont montré une fois de plus qu’ils savaient comprendre leurs intérêts communs par delà les frontières.

Il manque aujourd’hui une véritable convergence des luttes à l’échelle européenne. Quand des plans de licenciements touchent les filiales d’une même multinationale, quand La Poste est démantelée au même rythme et au même moment en Belgique ou en France, quand l’Education est attaquée de manière coordonnée (par le sommet de Bologne en 1999 par exemple qui a abouti à un accord accepté par tous les gouvernements européens), on se retrouve trop souvent isolés, pays par pays.

Les bureaucrates à la tête de la Confédération européenne des syndicats (CES) ont réussi à se mettre d’accord pour appeler à voter Oui, mais on ne les voit pas lorsqu’il s’agit d’aider à organiser des luttes communes par delà les frontières. Et de même, aucune aide de la CES pour développer un véritable syndicalisme de lutte dans les Pays de l’Est. C’est pourtant le seul moyen pour que les travailleurs de ces pays gagnent de nouveaux acquis et ainsi limitent la mise en concurrence entre les travailleurs que veulent nous imposer les multinationales.

Les Forums sociaux européens se limitent à être des espaces de débats ; cela peut servir à se rencontrer mais c’est loin de suffire pour agir. De plus, nombre de leurs animateurs sont des pro Union européenne, prônant juste un allégement des mesures prises par l’UE. Bien plus qu’une « assemblée constituante » européenne appelée par certains et qui ne verra qu’une grande assemblée de politiciens qui ont tous en commun de vouloir rester dans le cadre du capitalisme, ce qu’il nous faut, c’est une grande convergence des mouvements sociaux, des syndicalistes, des travailleurs et des jeunes en lutte, des organisation politiques qui sont avec eux. Ainsi pourrait-on discuter à la fois des moyens de lutte tous ensemble (euro-grève ou manif, journée commune d’action) et des revendications communes (contre les privatisations, pour les renationalisations etc.). Cela permettrait également de discuter ensemble de l’Europe que nous voulons, une Europe faite par les travailleurs eux mêmes, par leurs luttes communes, une Europe débarrassée de la loi du profit où l’économie est organisée pour la satisfaction des besoins de tous, d’Istanbul à Dublin.

C’est ce combat pour unir les luttes des travailleurs, pour une Europe socialiste, que mènent les différentes sections du Comité pour une internationale ouvrière. Et si une grande assemblée européenne de tous ceux qui luttent contre le capitalisme et ses méfaits, préparée démocratiquement par des comités locaux, peut voir le jour, nous y contribuerons.