Non à la « constitution européenne »

Grand jour pour l’Europe, paraît-il, que ce 29 octobre 2004 où les 25 chefs d’états et de gouvernements signent la première constitution multinationale.

Article paru dans l’Egalité n°110

A charge pour les peuples ou leurs élus de ratifier ce traité très spécial dans les 2 ans. En France, Chirac nous a promis un référendum pour la fin 2005 ce qui est un pari risqué compte tenu du fort mécontentement populaire qui peut entraîner un vote négatif indépendamment du contenu du texte alors qu’il aurait eu sans problème une majorité de oui chez les parlementaires.

Voter non, c’est le bon choix

Ceci dit, même si les électeurs rejettent sans l’avoir lu l’indigeste document élaboré par la commission présidée par Giscard, ils auront quand même fait « le bon choix ».

En effet, ce texte est extrêmement dangereux. Il faut toute la mauvaise foi d’un bureaucrate de la Confédération européenne des syndicats ou d’un politicien vert ou rose pâle pour trouver des avancées significatives dans les droits nouveaux reconnus par cette constitution. Ça faisait une belle jambe aux chômeurs d’avoir le « droit au travail » garanti. Désormais, ils auront le « droit de chercher un emploi » ! Même pour les moins avancés des 25 pays de l’Union, cette « conquête sociale » risque de laisser les intéressés et leur famille sur leur faim. On s’étonne que la CGT ait besoin de consulter sa base pour se faire une opinion.

Et quand on voit parmi les notables du PS qui militent pour le oui, Pierre Mauroy, et plusieurs de ses ministres des années 81-82, on on peut ironiser, voire plus. Avec la la nouvelle « loi suprême », ils n’auraient plus le droit de réaliser ce qu’ils appelaient alors le « socle du changement », ces nationalisations qui faussent la sacro-sainte libre concurrence invoquée à toutes les pages de la nouvelle bible.

« L’économie de marché où la concurrence est libre et non faussée »

Il est aussi stupéfiant que Lutte Ouvrière utilise comme principal argument que tout cet arsenal antisocial existe déjà dans les textes actuels. Ce qui permet aux classes dirigeantes de mener leur politique ne dépend effectivement pas de tel ou tel texte. Mais si de nouveaux traités sont rédigés, c’est bien pour faciliter les attaques des capitalistes. Les combattre n’est pas vain, cela peut représenter une défaite partielle pour les classes dirigeantes. Le fait est que jamais une constitution n’était allée aussi loin dans la définition d’un cadre politique excluant tout écart par rapport à l’économie de marché.

Les patrons qui sont les inspirateurs du texte veulent interdire non seulement une alternative socialiste mais même toute une série de réformes ou d’acquis comme le monopole de service public. C’est pourquoi il faut combattre résolument cette constitution. Mais en se gardant de deux illusions : celle de croire que la victoire du non mettrait un terme à l’offensive de la classe dominante et celle de penser que l’union sacrée des opposants serait salutaire.

Le non ne réglera pas tout !

Les Danois et les Irlandais ont naguère refusé par référendum de ratifier des traités européens. On leur a alors proposé des variantes à peine améliorées qu’ils ont fini par accepter. C’est sans doute ce qui se serait passé en France si LO avait fait campagne pour le non à Maastricht et si celui-ci l’avait emporté. C’est peut être ce qui nous attend l’an prochain si Chirac rate son pari : Fabius, auréolé de son titre de de champion de l’opposition victorieuse se ralliera à un ersatz de constitution Giscard et le tour sera joué !

De même, les appels à l’unité de tous les partisans du non ou du non de gauche sont des pièges pour ceux qui veulent vraiment abolir le capitalisme. Il ne s’agit pas seulement de se démarquer des souverainistes ou des nationalistes mais de s’opposer au capitalisme que ce soit celui de la « construction européenne » ou de la Vème République. L’appel lancé à Ivry s/Seine par le PT et ses compagnons de route traditionnels ou non, même s’il évoque les droits sociaux et démocratiques qui sont dans le collimateur de la bande à Giscard, est trop marqué par la référence systématique à la défense de la « République une et indivisible » pour que nous puissions y souscrire.

Inadmissibles compromissions

Mais même l’appel « pour construire l’Europe » comporte trop d’équivoques pour ne pas être porteur à terme d’amères désillusions. Avec le vocabulaire d’ATTAC, il a su rassembler outre les principales figures de proue de l’altermondialisme, la LCR, le PCF et des militants du PS moins encombrants que Fabius ou Emmanuelli. Sans aucune référence à la lutte contre le capitalisme, ni à un rejet clair de l’Union européenne, cet appel s’ouvre à qui veut s’y associer. Pour nous, on ne peut pas faire campagne commune avec, par exemple, Jacques Rigaudiat, ancien conseiller social de Jospin à Matignon et signataire de l’appel. L’Europe sociale, dans la bouche de ces messieurs, c’est toujours une Europe capitaliste, et ils n’en parlent que lorsqu’ils ne sont pas au pouvoir.

Notre Non ne se limite pas à un rejet de la « Constitution européenne ». C’est un non à la construction capitaliste de l’Europe, un non à cette Europe des banques et des patrons. Et c’est un oui à l’Europe des travailleurs, une Europe socialiste et démocratique, faite pour faciliter la distribution équitable des richesses entre tous et non les profits pour une poignée. C’est avec cette orientation que nous appellerons à voter non.

Par Jacques Capet