Service minimum ? Pas question !

La question d’un service minimum, d’abord dans les transports publics, agite les médias depuis un bon moment. C’était une promesse de Chirac lors de l’élection présidentielle de 2002, et la frange la plus libérale de la droite ne cesse de le lui rappeler. Mais le gouvernement est prudent sur la question, car il craint une réaction des travailleurs face à cette remise en cause du droit de grève.

Article paru dans l’Egalité n°110

A chaque grève dans les transports, mais aussi dans les autres services publics, la propagande bat son plein et on voit de pauvres usagers se plaindre à la télé d’être « pris en otage » par les odieux grévistes. Pourtant, les différentes enquêtes d’opinion montrent à chaque fois qu’une majorité donne raison aux grévistes sur les motifs de leur grève (c’était le cas à la SNCF, dans l’éducation ou à la Poste). Les fédérations d’usagers sont, elles aussi, défavorables à une loi sur le service minimum.

Le prétexte invoqué par le gouvernement est « la nécessité d’assurer la continuité de certains services essentiels ». C’est carrément hypocrite au moment où il démantèle et privatise tous les services publics. Car en réalité, c’est bien du droit de grève qu’il s’agit, obstacle pour un patronat qui veut supprimer tous les droits acquis par les travailleurs, pour maintenir ses profits. A ce titre, une étude du Sénat sur le service minimum montre dans quelle direction le gouvernement veut aller, disant  » [ne pas se limiter] aux services publics stricto sensu, mais [couvrir] également les entreprises publiques ou privées, qui remplissent une mission de service public « . En attendant mieux !

Mais malgré les appétits du patronat, le gouvernement marche sur des œufs tout en laissant planer la menace. Il est revenu en arrière sur le principe d’une loi régissant le service minimum. Certes il est en recul par rapport à ses projets d’interdire la grève certains jours ou à certaines heures dans les transports, ou d’obliger les travailleurs à une déclaration individuelle 48 heures avant la grève mais ce n’est que partie remise. Selon une tactique éprouvée, il préfère maintenant poser des jalons en négociant des accords partiels, comme celui qui vient d’être signé à la SNCF. Et attention, pas de gros mots ! On n’y parle pas de service minimum, mais de « prévention des conflits », selon un système déjà mis en place à la RATP d’ « alarme sociale ».

Le problème, c’est que les directions syndicales prétendent refuser toute atteinte au droit de grève, mais négocient en même temps ce type d’accord. Elles ne peuvent pas se permettre d’accepter ouvertement le principe d’un service minimum, sachant bien que la réaction de leur base militante et des travailleurs dans leur ensemble serait violente. Même la CGT a signé le protocole d’accord à la SNCF par peur d’une loi plus dure, sans chercher à créer un véritable rapport de force (aucune journée de grève n’a été organisée). En faisant cela, les dirigeants syndicaux contribuent à faire passer l’idée que les négociations sont préférables à une grève, que les travailleurs et le patronat pourraient y trouver leur compte. Comme si leurs intérêts pouvaient être communs ! Pour que les travailleurs puissent « négocier », ce qui veut dire en fait arracher quelque chose aux patrons, il faut qu’ils soient en position de force et seule la grève, bloquant la production et les profits des patrons, le leur permet.

Une organisation syndicale digne de ce nom doit refuser cette stratégie de collaboration de classe et refuser de participer à des négociations dont l’objectif est de porter atteinte à un droit essentiel des travailleurs. Car tout premier pas franchi par le gouvernement dans ce domaine est une porte ouverte dans laquelle le patronat va s’engouffrer. Dans tous nos secteurs de travail, il faut défendre le droit de grève et se battre pour que nos organisations syndicales adoptent une position claire sur la question : le service minimum, c’est non !

Par Pascal Grimbert