Le « Non de gauche » Buffet-Mélenchon-Besancenot et le nôtre

Dès notre première prise de position sur la constitution européenne, nous avons tenu à nous démarquer nettement de beaucoup de ceux qui appellent comme nous à voter Non. Les réactionnaires chauvins, bien sûr, mais aussi l’aile « anti-libérale » de la gauche plurielle (PC et une partie du PS) renforcée par ATTAC, la Fondation Copernic et la LCR. La campagne menée par ces derniers n’est pas de nature à nous faire revenir sur notre analyse initiale.

Article paru dans l’Egalité n°113

L’appel pour « un Non de gauche » rassemblant le PC, la LCR, et diverses associations et individus de la mouvance « anti-mondialisation », loin de rejeter l’Europe capitaliste, demande une renégociation de la Constitution en quelque chose de plus « social ». Une telle campagne ne donne aucun élément de compréhension ni de moyens de lutte pour les victimes de ce système. Elle laisse penser que les hommes politiques et patrons européens accepteront de faire une politique selon les besoins de tous sans qu’un réel rapport de force et des luttes ne les obligent à le faire.

Il y a de bonnes choses dans la campagne de la fraction la moins corrompue de la gauche plurielle et notamment une certaine mobilisation militante qui faisait un peu défaut ces dernières années. Mais les carences sont tout aussi voyantes : les luttes en cours sont à peine évoquées. Parfois, les seuls à en parler sont des travailleurs en grève ou des lycéens aux prises avec la loi Fillon. Souvent, ils ont été invités par les organisateurs du meeting. Pour autant, la campagne pour le « Non de gauche » ne fait quasiment aucun lien entre la lutte des classes, les luttes actuelles des salariés contre le patronat et le gouvernement et la campagne contre la Constitution et ne donne d’autres perspectives aux salariés que le vote du 29 Mai et les élections présidentielles de 2007. Les comités pour « un Non de gauche » ne se préoccupent guère de faire de cette campagne un outil de combat pour s’organiser contre le patronat qu’il soit français ou européen.

Ceux qui ne se contentent pas de décortiquer le texte de la Constitution mais attaquent la politique de Raffarin, ne font en fait que dénoncer les réformes et laissent entendre qu’un gouvernement de gauche aurait fait une politique différente. Pourtant, ils n’ont pas fait une politique si différente que ça quand ils étaient au pouvoir il y a 3 ans avec Jospin qui a signé les traités de libéralisation des services publics des transports et de l’énergie par exemple !

Pour ratisser large, les appels locaux font généralement l’impasse sur les sujets qui fâchent : les Sans-Papiers font souvent les frais de ces plates-formes communes qui se veulent rassembleuses : pas un mot sur eux et surtout pas leur revendication majeure, « des papiers pour tous ! ».

Dans les meetings unitaires et dans ceux où le PCF, comme au Zénith de Paris, invite tous les défenseurs du « Non de gauche », on emploie peu le mot capitalisme, même quand on dénonce l’argent-roi, la dictature de la finance ou la France d’en-haut. Libéralisme, ultra-libéralisme, oui ! mais pas de gros mot s’il vous plait ! Pas de référence non plus au socialisme, au communisme, à la société sans classes et à la nécessité d’une révolution pour y parvenir. On entend même parfois des arguments étonnants contre le texte : il entrerait trop dans le détail de l’organisation économique de la société « comme la Constitution soviétique, et on sait où cela a conduit » de la part d’un haut dirigeant du PCF (Jean-François Gau à Antony le 22 mars 2005), c’est stupéfiant. A défaut de perspectives socialistes, on a droit à de l’Europe sociale à ne plus que savoir en faire mais sans qu’on nous précise vraiment de quoi il s’agit, comment cela peut être compatible avec la propriété privée des grands moyens de production et d’échange, en quoi ça se distingue de « l’économie sociale de marché » prônée par le texte qu’on nous demande de rejeter le 29 mai.

Malheureusement, la participation de dirigeants de la LCR à la rédaction de ces appels ou à la tribune de ces meetings ne remonte pas beaucoup le niveau. Après avoir vu Picquet (dirigeant de la LCR) faire son traditionnel discours de tribun radical de gauche de la Troisième République et Besancenot faire son numéro plus impertinent mais pas beaucoup plus marxiste on est en droit de se demander en quoi consiste vraiment cette grande force anticapitaliste que Krivine et ses camarades veulent construire.

Notre campagne est donc en marge de ceux qui s’enferment dans le système, car elle n’est qu’un élément de notre lutte de tous les instants pour l’abolition du capitalisme.

Par Jacques Capet