Seule une Europe réellement socialiste permettra l’Europe sociale !

Le fait dominant de la bataille autour du référendum, c’est le caractère profondément social du débat. Les travailleurs, les chômeurs etc. ne se prononcent sur le Traité constitutionnel européen (TCE) qu’en fonction de ses possibilités sociales : emploi, droits etc. C’est le signe que, même si on n’en voit pas encore la traduction en termes de luttes, c’est bien la question « sociale » (les conditions de vie et de travail des travailleurs et de leurs familles) qui est devenue la plus importante.

Article paru dans l’Egalité n°113

Si on compare à l’époque du référendum sur le traité de Maastricht en 1992, c’est bien un changement. Et tant parmi certains membres du camp du Non que ceux du camp du Oui, la gymnastique est compliquée et acrobatique. Sarre, Chevènement, Fabius, Salesse (initiateur de l’appel pour un Non de gauche et ancien conseiller du ministre des transports, Gayssot, qui a privatisé Air France) etc. autant de gens qui ont contribué à construire une Union européenne facilitant à chaque décision l’économie de concurrence. On peut débattre avec eux, mais nous ne poursuivons pas les mêmes objectifs.

Une Europe qui ne peut que continuer dans ce sens

Constitution adoptée ou non, l’Union européenne ne va que dans un sens, accentuer la collaboration, même compétitive, des capitalistes européens au détriment des travailleurs. Leur reprendre la plupart de leurs acquis, ou les transformer en sources de profit, voilà leur unique volonté. Et c’est bien là que nous voyons que le capitalisme est aujourd’hui une limite au développement humain : enfermés dans la concurrence et la compétition, ils ne peuvent développer la société au delà de sa situation actuelle et nous font désormais régresser. Et l’actuelle  » constitution  » montre que les capitalistes sont bien décidés à continuer dans ce sens : piller les travailleurs pour enrichir les patrons et les actionnaires.

Depuis l’accélération de la construction de l’Europe capitaliste avec l’adoption du traité de Maastricht en 1992, on peut compter le nombre de régressions. Fin des services publics du transport aérien, du téléphone, début de démantèlement de tous les autres. Côté droit du travail, multiplication des « assouplissements » qui se traduisent par autant de flexibilité, de précarité, et de bas salaires pour les travailleurs. Quant à la carte industrielle elle a été entièrement redessinée : quasi fin des mines et de la sidérurgie en Grande Bretagne et en France, désindustrialisation croissante dans certains secteurs (fin programmée de Moulinex en France par exemple).

Tout n’est pas dû directement à la construction de l’Europe capitaliste, ce sont les politiques néo libérales des gouvernements, l’offensive des capitalistes contre les travailleurs, qui en sont la source. Mais l’UE a permis aux gouvernements de coordonner cela à une large échelle, de s’appuyer les uns et les autres pour faire face à la classe ouvrière et à la jeunesse de leurs pays. Dans le même temps, la misère a augmenté dans tous les pays d’Europe, et le chômage officiel dans presque tous. Partout c’est la précarité de l’emploi qui avance. Les pays d’Europe de l’Est paient un lourd prix, avec la privatisation de nombreux secteurs, le démantèlement de pans entiers de leur économie ce qui a mis sans emploi des millions de travailleurs. D’où un taux de chômage atteignant souvent 20 % de la population active dans de nombreux pays.

Les bases d’une Europe socialiste sont posées

La production en Europe se fait de manière de plus en plus intégrée : les usines ne sont plus indépendantes les unes des autres dans le processus de production mais très liées. Cela s’est vu lors de la grève des ouvriers d’Opel à Bochum ou dans une moindre mesure de ceux du dépôt H&M au Bourget en décembre dernier. Dans les deux cas, des usines ou des magasins dans d’autres pays ont été affectés (production stoppée, magasins non approvisionnés) alors que la grève avait lieu dans un seul centre. Imaginons l’impact si la grève se passait dans plusieurs usines à la fois ! A Opel, le patronat, déjà pris de panique par la grève dans un centre, aurait retiré aussitôt ses menaces de suppression d’emplois.

Mais les bureaucraties syndicales, en premier lieu la direction de la Confédération européenne des syndicats (CES) jouent le rôle inverse. Au lieu d’aider et de renforcer les luttes à l’échelle européenne, la CES a collaboré au maximum à la construction de l’Europe capitaliste tout en organisant une manifestation européenne de temps en temps. Le 19 mars dernier, son euro-manif devait être un grand rassemblement pour le Oui à la « constitution », mais c’est bien les syndicalistes de lutte, notamment les cortèges de la CGT, qui dominaient. Imaginons la force que représenterait une confédération syndicale réellement de lutte à l’échelle de l’Europe ! Cette « socialisation » croissante de la production (et c’est aussi vrai pour les services) crée des bases encore plus favorables pour le socialisme. Toute lutte peut être relayée et avoir un impact dans de nombreux pays à la fois. Pour toute une partie de la production, on pourrait également se servir de cette « socialisation » pour faire avancer la planification démocratique. Alors que l’Union européenne sert à rationaliser pour augmenter les profits en détruisant des branches entières de l’industrie dans différents pays (l’objectif actuel est la quasi liquidation de la sidérurgie tchèque et polonaise par exemple), une Europe socialiste permettrait une organisation de l’économie à l’échelle de tout le continent.

Pour une fédération démocratique des Etats socialistes d’Europe

Agriculture, pêche, etc. tant de secteurs de l’économie pourraient ainsi être organisés en fonction des besoins, des critères environnementaux. Au lieu d’avoir une agriculture hyper intensive, qui en France menace les sols et génère une pollution, celle ci pourrait être planifiée sur l’Europe entière, permettant aux sols de se reposer.

Des milliards sont aujourd’hui dépensés par l’Europe en subventions pour faciliter l’exploitation des travailleurs par les multinationales, et dans le même temps, le Luxembourg et la City de Londres sont deux paradis fiscaux pour ces mêmes multinationales qui peuvent y mettre leurs profits à l’abri des services fiscaux de leurs pays d’origine.

Certains politiciens nous parlent de progrès en citant la monnaie unique ou l’ouverture des frontières. L’euro a été mis en place pour faciliter les transactions entre les entreprises, et pour les travailleurs cela a surtout été synonyme de hausse des prix. Les frontières ont été ouvertes pour faciliter la circulation des capitaux et des marchandises (et la première d’entre elles, la force de travail) : cela accompagne la dérégulation dans de nombreux secteurs (postal, bancaire etc.). La création d’un marché européen de l’éducation se traduit par la réforme LMD qui casse la valeur nationale des diplômes universitaires, et met les universités en concurrence, avec les fermetures de départements que cela entraîne dans de nombreuses facs.

L’Europe socialiste sera faite par les travailleurs et les jeunes, en unissant leurs luttes. Cela commence dès maintenant, lors des grèves par exemple, en multipliant les initiatives de solidarité, voire les grèves simultanées dans les mêmes secteurs ou dans la même multinationale.

Une fédération socialiste permettra d’utiliser toutes les ressources pour développer les régions plus pauvres d’Europe. Par la libre association de tous les Etats, elle créera une zone où la coopération entre les peuples permettra de satisfaire les besoins, et offrira les moyens à chacun de s’épanouir, et à toutes les minorités d’avoir leurs droits démocratiques. Cela permettra également de réparer les dégâts environnementaux et sociaux qu’a provoqués le capitalisme.

Débarrassée de la loi du profit qui ne sert qu’une poignée de patrons et d’actionnaires, l’Europe ne fera plus reposer son économie sur l’impérialisme et la compétition contre les autres pays. Une nouvelle ère réellement pacifique s’ouvrira.

Pour réussir cette tâche, il faut la construction d’un Parti de combat des travailleurs et de la jeunesse pour établir le socialisme authentique à l’échelle européenne et mondiale. C’est ce que fait le Comité pour une Internationale ouvrière qui a des sections dans la plupart des pays d’Europe et sur tous les continents.

Par Alex Rouillard