Ces élections interviennent à un moment où la crise du capitalisme entamée en 2009 s’est largement amplifiée. Elles se produisent dans une situation marquée par une aggravation sans précédent de nos vies et de travail. Et il apparaît de plus en plus évident que l’Union européenne aggrave la situation et qu’elle est une arme de plus pour mener les politiques d’austérité. C’est particulièrement le cas en Grèce, en Espagne ou au Portugal avec les vastes plans d’austérité qui ont conduit à la misère ou au chômage des millions de personnes, mais c’est aussi vrai en Italie ou en France. De plus, l‘Union Européenne est un cadre dans lequel les différents gouvernements se mettent d’accord pour démanteler les services publics, la protection sociale et toute une série d’autres acquis des travailleurs et de la population.
Aucun gouvernement d’Europe ne mène une politique différente sur le fond. Partout on fait payer aux travailleurs, aux retraités, et à une majorité de la population la crise du capitalisme. Les salaires des grands patrons, les profits des multinationales et des banques…, montent en flèche, tandis que l’économie stagne, que les salaires sont gelés ou en baisse.
Ces élections étaient donc un moyen de contester à la fois l’Union Européenne et aussi la politique des gouvernements en place. Les listes qui ont le plus incarné cela sont celles qui ont réalisé les meilleures progressions.
Succès de la gauche radicale dans certains pays, de l’extrême droite dans d’autres.
Tout ceci s’exprime de manière très contradictoire et polarisée en Europe. C’est dans ce contexte ainsi qu’il faut voir la poussée des partis de droite populiste dans un certain nombre de pays d’Europe, France, Autriche, Pologne, Suède, Finlande mais aussi l’entrée au Parlement européen d’authentiques élus néo-fascistes de Grèce avec Aube dorée et Jobik en Hongrie.
Les pays où la crise frappe le plus fortement et où les politiques d’austérité menées par les partis au gouvernement sont les plus dures, qui mènent les plans d’austérité sont les plus symptomatiques de cette polarisation croissante. Dans certains pays, les listes souverainistes de droite (Ukip en Grande Bretagne, NVA en Belgique) ou les listes nationalistes d’extrême droite (Front National en France, Parti populaire danois) sont en tête. Et en Pologne, en Italie, en Grèce, en Hongrie ou aux Pays Bas, elles réalisent un gros score.
A l’opposé, la « gauche radicale », notamment quand elle refuse les politiques d’austérité, et s’oppose plus ou moins frontalement à l’Union européenne et aux gouvernements en place, enregistre de très bons scores. C’est le cas de Syriza en Grèce, qui arrive en tête avec un score de 26,5%. C’est aussi comme cela qu’il faut comprendre les bons résultats en Espagne où Izquierda Unida a mené une coalition qui a réalisé 10 % tandis que les listes issues du mouvement des Indignés ont enregistré 8%. Au Portugal, les deux listes de la « gauche radicale » réalisent 18%. Tout cela traduit une volonté d’en finir avec les politiques d’austérité au service des banquiers.
Mais là où la « gauche radicale » a été incapable de proposer une politique de lutte malgré l’audience qu’elle avait acquise dans les années 2000, et où son attitude vis à vis des gouvernements PS ou sociaux-démocrates/Verts a été ambiguë, un vide s’est créé. Ainsi en Italie, le Parti de la Refondation communiste a complètement disparu et c’est le mouvement « 5 étoiles » (un mouvement populiste sans aucun programme) qui capte une grande partie du mécontentement populaire.
Dans plusieurs pays, des élections locales ou nationales avaient lieu en même temps que les européennes. Elles reflètent souvent beaucoup plus encore la polarisation croissante dans la société face aux politiques d’austérité. Ainsi en Belgique, le Parti du Travail de Belgique (PTB) a obtenu d’excellents scores dans plusieurs grandes villes de Wallonie, ainsi qu’à Bruxelles et Anvers. Il obtient 2 députés au parlement national du pays. En Irlande, notre organisation-sœur, le Socialist Party, obtient plusieurs conseillers municipaux et l’élection d’une députée, le deuxième dans le parlement irlandais.
En France, le Front national capte le mécontentement social et économique.
Les résultats ont été une sanction cuisante (moins de 14 % pour le PS, recul d’Europe Ecologie-Les Verts) pour Hollande et Valls. L’abstention a encore été très élevée, atteignant 57%, signe d’une véritable défiance, à juste titre, pour l’UE et même le rejet de cette Europe au service des banques et des patrons. La croissance économique est nulle en France, le chômage ne cesse d’augmenter, mais les salaires des grands patrons sont mirobolants, tandis que plusieurs entreprises ont procédé à des milliers de licenciements.
Aux municipales, le rejet du PS s’était déjà fait sentir, sans que la droite classique ne reçoive un soutien réel, et soit considérée comme un outil pour s’opposer à Hollande. Et malgré la claque prise aux municipales, le remaniement ministériel a consisté en la mise en place d’un gouvernement encore plus en faveur de politiques ultralibérales et d’austérité, faisant encore plus payer la crise aux travailleurs et à la population. L’annonce d’un plan d’austérité de 50 milliards d’euros, obtenu notamment grâce au gel des salaires de millions de salariés du publics, celui des retraites, à des attaques contre la protection sociale, et celui de 30 milliards de nouveaux cadeaux aux grandes entreprises et au patronat a montré tout le mépris que porte la majorité PS-EELV aux couches les plus populaires de la population. La quarantaine de députés PS qui disent s’opposer à la politique du gouvernement n’a pas été capable de voter contre la politique proposée par Valls. Les écologistes sont restés ambigus, n’étant sortis du gouvernement que pour espérer éviter de couler au niveau électoral avec le navire PS. Malheureusement, le Front de Gauche n’a pas voulu entrer résolument en opposition au gouvernement et à l’Union européenne. Alors, quand Hollande a annoncé qu’il allait encore accélérer la politique menée depuis deux ans (qui est la même sur le terrain économique et social que celle menée auparavant par Sarkozy), il était évident qu’une partie des électeurs allaient s’abstenir tandis que d’autres exprimeraient leur rejet de la situation (et de l’Union européenne) en utilisant le vote FN.
La victoire du FN, est semblable à celle des municipales d’il y a deux mois. Mais l’effondrement du PS, et le recul très important de l’UMP place le FN largement en tête. Avec près de 4,5 millions de voix, c’est 2 millions de voix de moins que le score de Marine Le Pen à la présidentielle de 2012. Concernant le vote des couches populaires, on est bien loin du raz-de-marée annoncé dans les médias. En réalité ce ne sont que 14% des ouvriers et 12,5% des employés inscrits sur les listes électorales qui ont voté FN. En revanche, deux tiers des chômeurs, des ouvriers et des employés se sont abstenus. Dans certains quartiers populaires, le taux d’abstention atteint près de 80%. Toutes catégories confondues, le score du FN représente en réalité un peu plus de 10% du corps électoral.
Plus encore qu’aux municipales, le FN a mené campagne sur le terrain social, autour de l’idée de reprendre en mains l’économie, d’un interventionnisme plus fort de l’Etat et de l’illusion du protectionnisme (rebaptisé « protectionnisme intelligent » pour ne pas trop effrayer les grands patrons). Tout en continuant à égrener quelques slogans sur l’immigration. c’est bien plus sur le terrain de la dénonciation du « dumping social » permis par différentes mesures de l’Union Européenne qui mettent en concurrence les travailleurs de différents pays que le FN a fait sa campagne. Le FN prenant la posture du défenseur des droits des travailleurs et des conventions collectives montre le glissement vers un véritable populisme de droite de ce parti qui a toujours historiquement été contre toute protection collective des travailleurs. Et sur le fond, ce parti n’est absolument pas opposé au système capitaliste, ni à l’exploitation des travailleurs et au fait de faire des profits sur leur dos.
Ce numéro d’équilibriste qui consiste à faire croire qu’on peut défendre les intérêts des travailleurs et de la population et ceux des patrons ne peut continuer que tant qu’il n’y a pas de véritable lutte massive.
Déjà, les listes du FN qui prétendaient être composées de « français ordinaires » aux municipales étaient en fait toutes composées de politiciens professionnels sur le même mode que les grands partis. Beaucoup des élus FN au parlement européen sont déjà conseillers régionaux. La fable du parti anti-système ne doit abuser personne : le FN est un réceptacle pour des carriéristes et des aventuriers prétendant défendre « le peuple » pour en fait participer au cirque politicien.
Contre les plans d’austérité d’Hollande-Valls, pour une riposte des travailleurs et de la jeunesse
En refusant pour le moment encore d’organiser réellement la lutte contre les plans d’austérités et contre les attaques des patrons, les dirigeants syndicaux laissent un espace à la démagogie du Front national. On ne peut pas dire si l’impact de la victoire du FN dans la situation politique verra se manifester de nouveaux éléments réactionnaires dans la société. Le FN a plus servi de débouché aux différentes manifestations réactionnaires de ces derniers mois qu’il n’en a été l’initiateur. Et son succès est bien plus le reflet de l’absence d’une véritable force politique des travailleurs et de la jeunesse qui construirait l’opposition aux politiques ultralibérales, aux magouilles politiques et financières, aux attaques patronales.
La droite, UMP et le Centre, a perdu la possibilité d’être vue comme l’opposition face à Hollande et elle va peut-être éclater en morceau, sous le coup de nouveaux scandales. Le PS, tout en continuant à se réclamer de « gauche », mène une offensive contre les droits des travailleurs et fait des coupes sévères dans les budgets des services publics, s’attaque à la fois aux acquis des travailleurs comme la protection sociale et continue de déréguler et précariser le travail. Le gouvernement PS mais aussi les Verts qui ont divisé par deux leur score ont bon dos de parler des acquis qu’offre l’UE alors que c’est elle qui en Grèce, en Italie ou au Portugal avec la Troika baisse les salaires, privatise…. D’ailleurs l’intervention de Valls après l’annonce des résultats est claire, nous allons continuer à réduire les budgets, continuer la même politique. En effet, ils sont là pour mener à bien les « réformes » pour sauver les intérêts des patrons.
Le Front de gauche, une campagne peu offensive contre l’UE et Hollande
Face à eux, aucune force politique d’opposition de gauche anti-austérité n’a émergé. Entre les listes de gauche critique de Nouvelle Donne, le Front de gauche, et les diverses listes d’extrême gauche, c’est pourtant plus de 10% des voix. Mais aucune n’incarne une opposition réelle au gouvernement et à la droite classique. Si le Front de Gauche a largement stabilisé ses voix, ce n’était pas suffisant pour conserver le même nombre de députés. Le refus d’entrer dans une véritable opposition à Hollande et à l’Union Européenne empêche de faire de ce score un vrai point d’appuis pour les luttes. Même si Syriza en Grèce a hélas commencé à remettre en cause des points fondamentaux d’un programme de lutte contre l’austérité (Syriza ne réclame plus l’annulation de la dette publique par exemple) c’est cependant parce ce que cette force s’est construite comme une opposition au Parti socialiste grec, le PASOK, qu’elle a acquis une audience. Tant que le Front de gauche n’entrera pas dans une opposition déterminée à Hollande, alors il ne pourra pas devenir un véritable outil de masse pour les travailleurs et la jeunesse.
Alors que Valls et Hollande ont annoncé qu’ils continueraient à mener la politique demandée par le patronat et les groupes d’actionnaires, il y a pourtant urgence à ce qu’une lutte d’ensemble soit préparée et construite. Et nous avons besoin pour cela que les syndicats organisent une véritable journée de grève interprofessionelle contre les attaques du gouvernement et du patronat mais également que soit discutée la construction d’une véritable force d’opposition au PS et à Europe Ecologie-Les Verts. Le Front National profite aujourd’hui de l’absence d’une telle force et se prétend la seule opposition au système. C’est donc autant pour lutter contre le FN et contre les politiques d’austérité, que des millions de travailleurs et de jeunes ont besoin d’un outil politique, une opposition véritablement de gauche.
La crise du capitalisme va continuer et les politiques d’austérité d’Hollande-Valls-Gattaz avec. Ce qu’ont montré ces élections c’est que la situation est la même dans la plupart des pays d’Europe, et ce que montrent les luttes au Brésil, en Turquie ou en Egypte, c’est qu’elle est, sur le fond, la même partout.
Dans les élections, c’est là où une opposition de gauche plus combative et active s’est présentée que les résultats ont été meilleurs. Là où un mouvement de lutte contre les plans d’austérité a été massif (grèves générales, mouvement des indignés), la radicalisation s’est en partie exprimée et a fait naître une certaine politisation.
Les riches se sont encore largement enrichis, grâce à la crise et aux politiques d’austérité, tandis que des millions de personnes ont perdu leur emploi, que des millions de jeunes n’ont pas de véritable avenir. Le capitalisme ne connaît que la loi du profit et de l’exploitation, au mépris des besoins sociaux, de l’environnement, et des conditions de vie. Il faut lutter pour une alternative à ce système qui permet à une poignée d’actionnaires de décider du sort de milliers de travailleurs. Nous luttons pour le socialisme, une société réellement démocratique, où les principaux moyens de production, de distribution et d’échange seront nationalisés sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs et de la population, afin que l’économie soit organisée en fonction des besoins de tous et toutes et non des profits d’une poignée.
Les classes dirigeantes européennes savent que les ingrédients pour une plus grande colère sociale sont là. En France en particulier, les scores historiquement bas du PS alors qu’il dirige toutes les institutions du pays, ainsi que la dégradation continuelle des conditions de vie et de travail, vont continuer d’accroître les tensions. Il est probable qu’une crise politique et sociale se produise. Les plans d’austérité de Valls ne vont qu’ajouter aux inégalités pour le seul profit des multinationales.
Il est temps qu’éclate notre révolte et qu’on ne laisse plus faire ! Rejoignez nous !