Seattle est la première grande ville à adopter un salaire minimum de 15 $ de l’heure. 100.000 travailleurs vont ainsi pouvoir sortir de la pauvreté et des millions de personnes à travers le pays et au-delà vont être inspirées par cette lutte et cette victoire !
Par Socialist Alternative
Le 29 mai, le comité du conseil municipal en charge du dossier du salaire minimum a donc pris la décision d’élever le salaire minimum à Seattle de façon à ce qu’il soit le plus élevé du pays . Ce n’est toutefois pas encore une loi, ce ne sera le cas que lorsque le conseil municipal entier aura pu voter sur cette question, le lundi 2 juin.
Selon la proposition de loi, à partir du premier avril 2015, tous les travailleurs des grandes entreprises comme McDonald’s, Starbucks, Macy’s et Target verront leurs salaires immédiatement augmentés jusqu’à 11 $ de l’heure. D’ici 2025, tous les travailleurs gagneront un minimum de 18 $ de l’heure. Selon diverses estimations, les entreprises de Seattle devront payer 3 milliards $ de plus sous forme de salaire au cours des dix prochaines années ! Voilà qui démontre que ‘‘la lutte paie’’, que les gens de la rue peuvent s’en prendre aux plus grandes corporations du monde et l’emporter pour autant qu’ils s’organisent et ripostent.
Une véritable socialiste élue au Conseil municipal
Le mouvement des travailleurs des fast foods, inspiré par le mouvement Occupy, a poussé la revendication des 15 $ de l’heure sur le devant de l’actualité dans tout le pays. Ensuite, la pression s’est accrue à Seattle lorsque le mouvement des travailleurs a réussi à gagner un vote sur les 15 $ en novembre dernier à SeaTac, une petite ville proche de Seattle. Mais c’est l’élection de la candidate de Socialist Alternative, Kshama Sawant, fin de l’année dernière qui a été décisive pour créer un véritable moment politique qui n’a su être brisé. Sawant avait fait campagne sur base d’un programme où figurait en bonne place la revendication des 15$ de l’heure, et cela a ouvert un large débat à travers toute la ville. Elle fut élue avec près de 100.000 voix en novembre 2013.
Il était important de gagner les élections, mais il l’était tout autant de voir comment Sawant et son parti, Socialist Alternative, allaient utiliser ce siège au Conseil municipal comme plate-forme pour les mobilisations sociales. Contrairement aux politiciens typiques de l’establishment, Sawant a utilisé sa position et l’attention des médias pour construire un puissant mouvement. Peu de temps après son élection, Kshama Sawant et Socialist Alternative ont lancé une campagne – 15 NOW – pour instaurer la pression la plus élevée autour de la revendication du salaire minimum de 15 $ de l’heure. 15 NOW a développé 11 groupes d’action de base dans divers quartiers de la ville afin de mobiliser, d’aider à faire descendre les habitants dans les rues et d’intervenir dans les forums publics. Avec ces groupes d’action de base et la tenue de conférences démocratiques, 15 NOW a donné la possibilité aux activistes d’avoir réellement en leurs mains propres la lutte pour les 15 $ de l’heure.
Grâce à sa position publique, Kshama Sawant a été en mesure de contrer la propagande des médias dominants acquis aux grandes entreprises et de dénoncer les tentatives du monde des affaires de noyer le thème des 15 $ et de se cacher derrière l’impact que cette mesure aurait pour les petites entreprises et les petits commerces. Socialist Alternative a su démontrer comment un élu pouvait être utilisé afin de construire un mouvement et pour le renforcer. Socialist Alternative, la campagne 15 NOW et le mouvement syndical ont instauré une pression suffisante de la base pour forcer les grandes entreprises à concéder les 15 $ minimum de l’heure. Il s’agit d’une une réalisation historique aux Etats-Unis.
Il nous faut un parti indépendant pour représenter les travailleurs et les jeunes
Le mouvement des travailleurs et les défenseurs des idées du socialisme ont mis sur la table la revendication des 15 $. Le Parti Démocrate a quant à lui invité les grandes entreprises à cette table en cherchant à édulcorer cette exigence.
Au départ, tous les politiciens du Parti Démocrate se sont opposés aux 15 $. Mais au vu du développement d’un gigantesque soutien public, les deux principaux Démocrates en lice pour le poste de maire se sont prononcés en faveur des 15 $ en septembre 2013. Après avoir remporté l’élection en novembre, le maire Ed Murray a déclaré qu’il soutenait les 15 $, mais qu’il voulait le faire de manière à ce que cela ‘‘fonctionne pour les entreprises aussi’’.
Murray a ainsi mis en place un comité consultatif de dirigeants patronaux et syndicaux (mais surtout patronaux) pour négocier un compromis. L’establishment politique et patronal a bien dû reconnaitre qu’il était impossible de stopper les 15 $, mais il a cherché à utiliser le processus de négociation pour insérer un certain nombre de mesures favorables aux entreprises, comme d’appliquer l’augmentation sur une longue période de plusieurs années. Le monde des affaires s’est battu jusqu’au dernier jour pour diluer plus encore le projet de loi.
Lors du vote du 29 mai en comité, une majorité des membres du conseil du Parti Démocrate a proposé de repousser la date d’application de la loi jusqu’à avril 2015 et d’inclure un sous-salaire minimum pour les adolescents ainsi qu’un ‘‘salaire de formation.’’ La campagne 15 NOW et Socialist Alternative appellent les syndicats, les activistes et chaque partisan des 15 $ à venir assister ce lundi 2 juin à la séance du Conseil municipal de Seattle, où le projet de loi sera finalisé, afin de se battre pour l’élimination des échappatoires pro-patronat ajoutés le 29 mai, y compris le délai de mise en œuvre et le ‘‘salaire de formation’’.
Tout cela a illustré que même si le Parti Démocrate recourt à une rhétorique plus progressiste que les Républicains, ces deux partis sont fondamentalement soumis à la défense des intérêts des grandes entreprises. Alors qu’une seule élue socialiste authentique au conseil municipal de Seattle a été en mesure de construire un mouvement pour gagner les 15 $ en moins d’un an, les politiciens du Parti Démocrate n’ont pas ménagé leurs efforts pour assurer que le salaire minimum de 15 $ de l’heure soient le plus favorable possible aux patrons. Au niveau national, les Démocrates ne sont pas parvenus à organiser sérieusement la lutte pour un salaire minimum de 10,10 $ de l’heure, ils ne se servent de cette question que comme gadget électoral pour les élections de 2014.
C’est pourquoi Socialist Alternative soutient, à l’instar de ce que nous avons fait durant la campagne électorale de Kshama, que les travailleurs ont besoin de leur propre alternative politique contre les partis Démocrates et Républicains. Compte tenu de l’énorme aliénation éprouvée face au Congrès, de la grande méfiance à l’égard des politiciens et de la nécessité de défendre les travailleurs et leurs familles, il existe une occasion unique de construire un nouveau parti large des travailleurs.
Le travail de Kshama Sawant et de Socialist Alternative a démontré qu’il est possible de faire entendre une voix politique indépendante pour contester les deux partis du big-business. La victoire de Kshama et de Socialist Alternative peut se propager à travers le pays.
Une stratégie combattive pour le mouvement des travailleurs
Seattle a réussi à gagner le salaire minimum le plus élevé des États-Unis, mais le monde du capital est parvenu à affaiblir les 15 $ de diverses façons. Le délai pour que cette revendication soit pleinement d’application est déraisonnable, de 3 à 10 ans en fonction de la taille de l’entreprise, et il existe aussi une pénalité pour les pourboires et une déduction pour les soins de santé pour les 10 premières années. Ce n’était pas inévitable. Au cours des 6 derniers mois, Socialist Alternative s’est énergiquement engagé dans un débat au sein du mouvement syndical sur la meilleure stratégie à adopter. Nous exhortons les syndicalistes, les activistes et les dirigeants syndicaux à examiner l’expérience de cette lutte, à en discuter avec nous et à en tirer les leçons nécessaires pour l’avenir.
À notre avis, la stratégie de ceux qui dirigent les principaux syndicats n’a pas été axée sur le renforcement du mouvement de la base, mais plutôt orientée vers le processus de négociation du maire avec les entreprises. Ils considéraient cette approche comme nécessaire en conséquence de leur manque de confiance envers la capacité du mouvement des travailleurs de pouvoir l’emporter dans le cadre d’un affrontement direct et ouvert avec les grandes entreprises.
Après les décennies de recul des luttes que nous avons connues, cette faible confiance en les capacités de la classe ouvrière est compréhensible. Le débat autour des 15 $ a cependant été une énorme occasion d’essayer de mobiliser de nouvelles couches de travailleurs dans un mouvement de lutte, ce qui aurait instauré davantage de pression tout en permettant à une nouvelle génération d’acquérir l’expérience de l’organisation et d’en tirer les leçons politiques. Cela aurait été une manière de commencer à reconstruire le mouvement des travailleurs sur des bases combattives.
C’est dans ce contexte que nous avons défendu de déposer un référendum pour les 15 $. Si les grands syndicats avaient soutenu cette menace, les entreprises auraient pu être forcées à faire des concessions plus grandes encore. La collecte des 100.000 signatures pour déposer ce référendum aurait été l’occasion de toucher de larges couches de la population et de les insérer dans l’organisation de la lutte tout en répondant aux arguments anti-travailleurs des entreprises et des médias (concernant le délai d’application, le salaire de formation, la question des pourboires,…).
Les syndicats américains ont d’énormes ressources et disposent d’un grand poids politique. Ils ont des millions de dollars et des millions de membres qui pourraient être mobilisés derrière une campagne audacieuse pour augmenter le salaire minimum.
Les grèves dans les fast foods ont joué un rôle crucial en attirant l’attention sur la question des salaires de misère, mais le mouvement pourrait être beaucoup plus fort si les syndicats en finissaient une bonne fois pour toutes avec leur dépendance à l’égard du Parti Démocrate et s’ils mobilisaient toute la force des travailleurs à travers la construction d’un mouvement de masse démocratiquement dirigé.
Au cours des trois dernières décennies, la stratégie des syndicats a été de tenter de cajoler les grandes entreprises en espérant obtenir des concessions seulement. Cela n’a fait qu’accroitre la soif du monde des entreprises. Il est temps d’abandonner cet effort futile.
Et nous devons nous rappeler qu’aucune réforme n’est garantie sous le capitalisme. Les grandes entreprises pourraient contester ce qui a été gagné à Seattle par un référendum ou d’autres moyens. Notre mouvement doit être prêt à se mobiliser et à défendre ce que nous avons gagné.
Rejoignez la lutte pour le socialisme !
“A la fin,” a écrit Arun Ivatury et Rebecca Smith pour CNN.com, “la percée réalisée à Seattle démontre (…) que lorsque les travailleurs sont bien organisés et qu’il existe un large soutien pour de meilleurs salaires, même les entreprises qui résistent à cette idée sont forcées de payer plus.” (15 mai 2014)
Socialist Alternative soutient chaque réforme possible qui peut être obtenue sous le système capitaliste. La lutte pour les 15 $ a démontré que lorsque nous sommes organisés, nous pouvons vaincre.
Mais cette lutte a aussi démontré que tant que nous restons à l’intérieur du cadre du capitalisme, les grandes entreprises vont se battre bec et ongles pour défendre leur pouvoir et leurs profits. La lutte pour de meilleurs salaires, pour un enseignement gratuit et de qualité, pour des soins de santé accessibles à tous, pour des logements abordables, pour la défense de l’environnement, et la justice sociale en général doit être une lutte pour une transformation socialiste de la société, basée sur une véritable égalité et sur la satisfaction des besoins de l’Humanité.