Depuis septembre 2015, et de manière renforcée depuis le 14 décembre, l’offensive militaire du gouvernement Erdogan contre les régions kurdes s’est intensifiée. Plus de 20 000 soldats, des milliers de policiers et de membres des forces spéciales sont déployés, assiégeant littéralement les villes du Kurdistan, le Sud-Est de la Turquie. Quartiers bouclés, familles déplacées de force dans d’autres régions du pays, la situation est de plus en plus terrible dans les villes de Van, Cizre, ou encore Silopi.
Le prétexte officiel est la lutte contre les «terroristes» du Parti des travailleurs du Kurdistan (le PKK). La propagande du gouvernement au service d’Erdogan ne dit évidemment pas que le PKK avait cessé les combats depuis des années et qu’il ne souhaite toujours pas les reprendre. La propagande du régime ne dit pas non plus que les tirs au mortier sur les quartiers ont tué plus de 260 civils, et que les exécutions politiques se sont multipliées contre les militants de gauche et des partis démocratiques et notamment le parti démocratique des peuples, le HDP.
Si Erdogan mène cette guerre, c’est à la fois pour écraser le mouvement kurde et la gauche en Turquie mais également pour tenter de mettre sous sa botte une grande partie de la population en multipliant les mesures dictatoriales et les discours ultra nationalistes. De plus en plus rejeté par la population (ses deux campagnes électorales ont été des échecs, n’ayant pas réussi à faire passer le HDP sous la barre des 10%), faisant face à un mécontentement grandissant parmi les travailleurs, les jeunes, et pas seulement dans la minorité kurde de la population, Erdogan a choisi la tactique de la fuite en avant par une politique guerrière.
De plus, les victoires remportées par les milices kurdes contre Daesh au Rojava (le Nord de la Syrie) sont perçues comme une menace pour la politique régionale d’Erdogan. Erdogan soutenait Daesh, avec qui les trafics de pétrole et autres sont profitables, mais aussi, Daesh représente une force permettant de déstabiliser les pays voisins, en premier lieu l’Irak et la Syrie.
Et enfin, dans ce même Rojava où Daesh a été vaincu, une situation quasi révolutionnaire s’était développée, permettant de grandes avancées sociales (création de services publics, égalité homme-femme, mêmes droits pour toutes les minorités). Cela représentait pour la région un immense pas en avant. Cela a fait écho à la montée des luttes sociales et de la jeunesse en Turquie et représente une véritable menace pour le programme capitaliste libéral et réactionnaire d’Erdogan.
Complicité totale d’Hollande et de l’Union européenne
Dans la capitale du Kurdistan, Amed (Diyarbakir) cela fait 39 jours au 11 janvier que le siège des quartiers opposés à Erdogan a commencé. Dans le quartier de Sur, 22 000 personnes ont dû fuir selon Amnesty International, et le scénario se répète dans de nombreuses villes. La police et l’armée tentent régulièrement des incursions, rasent des maisons, comme dans une véritable guerre. Mais il ne se trouve aucune voix parmi les dirigeants européens pour condamner cela. Pire même : la Turquie a reçu de la part de l’Union européenne plus de 3 milliards d’euros en novembre pour soi-disant aider à l’accueil des réfugiés fuyant la Syrie.
En réaction aux massacres et à la brutalité de la politique d’Erdogan, le PKK et les élus kurdes du HDP ont proclamé «l’autonomie» du Kurdistan. Même si une telle autonomie est plus une déclaration politique qu’une possibilité du fait de l’occupation militaire, ce n’est pas la meilleure tactique pour construire la lutte de masse qui renversera le président-dictateur. Autant l’autodéfense est nécessaire dans bien des endroits (la ville de Diyarbakir serait détruite à 70%) autant le mécontentement grandit contre Erdogan dans toute la population qui en a assez des bas salaires, des mauvaises conditions de vie et de la corruption qui entoure le président-dictateur.
C’est à cette lutte de masse qu’il faut contribuer en ne limitant pas l’opposition à Erdogan aux seuls droits des Kurdes mais en l’étendant à toutes les revendications démocratiques et sociales de la majorité de la population de Turquie. C’est dans ce sens que le HDP avait reçu un soutien dépassant largement l’électorat kurde, montrant le potentiel pour un véritable parti démocratique de lutte.En France, il est plus que jamais important de dénoncer la complicité de Valls-Hollande avec le boucher Erdogan, grand soutien, tout comme le Qatar et l’Arabie Saoudite, de Daesh et d’autres forces terroristes.
Par Alex Rouillard