Perspectives mondiales : révolution et contre-révolution – qui gagnera ?

Plus de six mois de la pandémie mondiale de COVID et de la crise mondiale ont révélé tout ce qui est pourri en cette ère de déclin capitaliste. Le capitalisme mondial est dans une agonie de mort prolongée et putréfiante, qui inflige à des millions de personnes une misère d’une ampleur jamais vue depuis toute une période historique. Les forces productives de l’humanité stagnent, et les progrès technologiques réalisés ces dernières années ne parviennent pas à augmenter la richesse matérielle de la masse de la population mondiale. La crise environnementale, reflétée par les récents incendies et inondations, provoque des souffrances et des bouleversements supplémentaires. Au niveau international, dans la plupart des pays, une crise économique, politique et sociale sans précédent depuis les années 1930 se déroule à une vitesse effrénée. Les conséquences horribles de ces crises ont démontré la nécessité cruciale pour la classe ouvrière de construire des partis de masse pour le socialisme qui offrent une alternative au capitalisme dans une ère de déclin décadent. « La situation politique mondiale dans son ensemble est principalement caractérisée par la crise historique de la direction du prolétariat », écrivait Léon Trotsky en 1938. Des mots qui sont tout à fait appropriés à la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui.

Déclaration du Secrétariat International du Comité pour une Internationale Ouvrière, initialement publiée le 8 octobre sur www.socialistworld.net

Les directions des anciens partis sociaux-démocrates et « communistes » ont adhéré au capitalisme. Ceux qui portent le masque de la « gauche » à la tête des nouvelles organisations, comme PODEMOS, Die Linke, le Bloc de gauche ou Momentum, et les Corbynistes, les ont écrasés et se sont adaptés au capitalisme. Ils ne posent même pas l’idée qu’une alternative socialiste est possible. Dans la plupart des pays, la majorité de la bureaucratie syndicale, même celle de gauche, s’est mise en quarantaine et n’a pas réussi à mener une lutte sérieuse pour défendre les travailleurs et les opprimés. Plus la crise s’est intensifiée, plus les dirigeants de « gauche » se sont déplacés vers la droite pour s’adapter et gérer le capitalisme et ont cédé à la pression d’appeler à l' »unité nationale ».

La nécessité de construire de nouveaux partis de masse et des partis révolutionnaires des travailleurs et de la jeunesse avec un programme socialiste et de transformer les syndicats en organisations de lutte combatives est maintenant globalement une tâche historique urgente pour la classe ouvrière. Les divisions de classe amères qui s’ouvrent dans la société et la polarisation croissante qui se produit au sein des pays et entre eux révèlent que ces tâches sont posées avec plus d’acuité chaque jour. Les événements électriques qui se déroulent à l’approche des élections présidentielles américaines et les crises dévastatrices qui éclatent en Asie, en Afrique et en Amérique latine en sont la preuve. L’absence de telles organisations de la classe ouvrière a laissé un vide. Dans certains pays, cela a permis à la droite et à l’extrême droite populistes d’intervenir partiellement, tandis que de nombreux gouvernements ont introduit des mesures de plus en plus autoritaires, ce qui constitue une menace sérieuse pour les opprimés. La polarisation et les bouleversements massifs qui ont lieu posent la question de savoir quelles forces en tireront profit.

Il est nécessaire pour les marxistes et les militants du mouvement ouvrier d’évaluer par quelle étape nous passons dans la crise et la lutte des classes, et, en même temps, d’avoir une évaluation précise de la nature des forces de droite qui se développent dans de nombreux pays. Ceci est essentiel pour préparer une intervention active dans les bouleversements à venir et les luttes de classe qui sont en cours, afin d’aider les travailleurs et les opprimés à tirer les conclusions de la manière dont le capitalisme et la classe dominante peuvent être vaincus.

Le capitalisme dans sa crise la plus profonde depuis les années 1930

Le capitalisme est confronté à sa crise la plus profonde depuis les années 1930. Le « grand accélérateur », COVID, a accéléré toutes les caractéristiques économiques qui étaient présentes dans l’économie mondiale avant le début de la pandémie. Dans le monde néocolonial, en particulier en Amérique latine et en Afrique, une crise de la dette est actuellement en train de se développer. Elle a conduit le président de la Banque mondiale à appeler les banques et les organismes de crédit publics chinois à rejoindre un programme de rééchelonnement de la dette de ces pays. Ils sont peut-être prêts à rééchelonner le remboursement de la dette pendant un certain temps, mais ils ne les effaceront pas totalement. Le Japon, troisième puissance impérialiste, est en proie à une crise économique. Certains économistes capitalistes ont évoqué le spectre d’un Royaume-Uni confronté à sa plus profonde contraction économique depuis 300 ans. Ils se sont récemment consolés en affirmant que ce ne serait que la pire récession depuis 1918 ! Une situation similaire, mais pire encore, existe aux États-Unis. Bien qu’officiellement le taux de chômage n’ait pas encore atteint les niveaux les plus élevés prévus, il reste catastrophique. Sur les vingt millions d’emplois perdus pendant la pandémie, seuls 11 millions de nouveaux emplois ont été « créés ». Le chiffre du gouvernement fédéral de 12,6 millions de chômeurs en septembre sous-estime grossièrement la réalité de la situation à cause de la façon dont les statistiques sont établies.

Il n’y a aucune perspective de retour, dans l’avenir immédiat, même à la croissance éphémère qui a finalement suivi le crash de 2007-2008. L’économie n’est jamais revenue à ses niveaux d’emploi, de niveau de vie réel, d’accession à la propriété ou d’investissement des entreprises en pourcentage du PIB d’avant le crash. Au cours des cinq années qui ont précédé la pandémie, la croissance de l’économie américaine a été principalement tirée par les dépenses de consommation et l’accroissement de l’endettement. Cette situation ne se reproduira pas dans les années 2020, après le krach et la profonde récession/dépression que nous connaissons actuellement. Nous avons correctement écarté l’hypothèse d’une reprise en « V ».

La pandémie a dévasté le marché mondial pour de nombreux produits de pointe dans lesquels les États-Unis excellent. L’exemple le plus flagrant est celui de l’industrie de l’aviation civile qui dépend de la demande mondiale. Celle-ci est actuellement morte car la plupart des avions restent au sol. La construction de bureaux est pratiquement stagnante et le restera, car de plus en plus de travailleurs de bureau travaillent à domicile. La croissance limitée après le crash de 2007-2008 ne concerne pas l’achat de biens mais plutôt la production et la consommation de services. La croissance de l’emploi a été plus prononcée dans les bars, les restaurants, les hôtels et d’autres secteurs du secteur des services. Une grande partie de cette croissance est en train d’être anéantie par la pandémie et ne reviendra pas simplement. On estime que le nombre de citoyens américains qui seront en « insécurité alimentaire » en 2020 passera à 54 millions.

Les plans de relance sans précédent qui ont été introduits au niveau mondial par le capitalisme n’ont pas réussi à résoudre la crise. Le retour aux méthodes de type keynésien a, jusqu’à présent, empêché un effondrement plus catastrophique de l’économie mondiale. Cependant, elles n’ont pas réussi à résoudre la récession et la dépression dans la plupart des pays, révélant ainsi les limites du keynésianisme. Le capitalisme mondial des années 2020 est voué à chanceler d’une crise à l’autre comme un ivrogne qui titube dans la rue.

Des bouleversements sur tous les continents

La crise économique et les conséquences de la pandémie ont provoqué des bouleversements sur tous les continents. Elle est particulièrement prononcée aux États-Unis, où l’évolution de la situation façonne déjà les événements mondiaux. En même temps, la crise a provoqué des convulsions dans le monde néocolonial. Le processus de dé-mondialisation en cours a entraîné une augmentation des tensions et le déclenchement d’une série de conflits entre les principales puissances impérialistes, mais aussi entre différents pays et blocs régionaux. Ils illustrent à quel point le capitalisme est devenu instable. Le conflit entre la Chine et l’impérialisme américain ne sera pas résolu après les élections américaines. En effet, Biden a dénoncé Trump pour avoir été « trop doux » à l’égard de la Chine et de la Russie. Les tensions entre la Chine et l’Inde au sujet du Cachemire continuent de s’exacerber. Poutine a réaffirmé les interventions internationales de la Russie, mais avec une opposition croissante au niveau national. L’affrontement entre la Turquie et la Grèce, soutenue par la France, au sujet des réserves de gaz, laisse entrevoir la possibilité d’un conflit militaire entre deux puissances de l’OTAN. L’affrontement entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur le territoire contesté du Haut-Karabakh menace d’impliquer la Russie, la Turquie et l’Iran. Les tensions au sein de l’UE se poursuivent, ce qui peut conduire à sa fragmentation ou à sa reconfiguration, la perspective d’un Brexit sans accord menaçant d’aggraver encore les tensions à court terme.

La crise économique et de la COVID ont également aiguisé la question nationale dans une série de pays. La montée en puissance du soutien à l’indépendance en Écosse est le reflet de ce processus. Le soutien à l’indépendance de la Catalogne a également augmenté. Le programme nationaliste hindouiste poursuivi par Modi en Inde renforce le sentiment nationaliste dans le Tamil Nadu et dans d’autres États. En Afrique, dans certains pays comme la Libye, l’Éthiopie et le Cameroun, on observe une tendance à l’éclatement. Au Nigeria et dans d’autres pays, les forces nationales et religieuses ont gagné en force, surtout là où la classe ouvrière n’a pas posé d’alternative. Dans d’autres pays, une série de conflits se sont développés pendant la crise. Le gouvernement espagnol est en conflit avec Madrid pour la gestion de la crise, et Macron en France est en conflit avec Marseille et d’autres régions. La tendance centrifuge de certains États américains à agir en opposition à Washington risque de s’accentuer si Trump résiste et reste à la Maison Blanche.

Batailles de classes et soulèvements

Nous avons déjà vu de grandes luttes de classes éclater, et même de multiples soulèvements, dans une série de pays en conséquence de la crise sanitaire et économique. Dans d’autres, comme la France et les États-Unis, des mouvements de grève plus petits mais importants ont eu lieu. Le soulèvement unifié extrêmement inspirant au Liban se poursuit depuis douze mois. Le Liban est confronté à la faillite économique et à une crise récurrente. La mobilisation de masse contre la classe dominante, la corruption, les banques, le sectarisme et les dirigeants politiques sectaires illustre les processus de révolution à l’œuvre. Le mouvement en cours en Biélorussie contre le régime de Loukachenko, les grèves générales et les manifestations de masse en Bolivie, en Équateur, en Algérie, en Irak et à Hong Kong, ainsi que les protestations sans précédent des jeunes en Thaïlande, et les grèves et manifestations en Iran, illustrent la nature de la période dans laquelle nous nous trouvons actuellement, et la volonté de changement et d’en finir avec le système tel qu’il est. Les soulèvements sociaux du mouvement Black Lives Matter en particulier aux États-Unis, en Grande-Bretagne et ailleurs, ont également fait partie de ce processus.

Les plus grands mouvements de masse et les révoltes qui ont émergé se sont développés spontanément à partir de la base, dans la plupart des cas insuffisamment organisés par le prolétariat, et sont marqués par l’absence de tout parti de masse de la classe ouvrière. Ils ont souvent soulevé la revendication d’une « révolution » ou d’un retrait du pouvoir des régimes existants. Elles ont été largement marquées par une forte polarisation de classe et une exigence de changement, de plus grande égalité et de démocratie, mais sans programme socialiste complet pour renverser le capitalisme. Le caractère spontané des mouvements dans de nombreux pays où ils ont eu lieu leur a permis d’aller de l’avant pendant un certain temps. Souvent, les organisations réformistes ou staliniennes n’étaient pas à la tête de ces mouvements pour les freiner. Bien entendu, ce ne sera pas toujours le cas dans les futurs mouvements et explosions sociales. Le caractère spontané qu’ils ont pris a, en ce sens, été pendant un certain temps la force de ces mouvements. Cela s’est traduit par la grève générale en Bolivie, dans laquelle les dirigeants des syndicats et des mouvements sociaux ont été contraints de se réunir en raison de la pression de masse exercée par la base. Cependant, ce mouvement massif a été stoppé par la direction et un compromis pourri a été trouvé, au lieu de faire avancer le mouvement et de permettre à la classe ouvrière et aux masses de prendre le pouvoir entre leurs mains.

Cependant, ces luttes ont maintenant aussi montré les limites d’un mouvement spontané. L’absence d’une organisation ou d’un parti ayant un programme et une stratégie clairs pour faire avancer et renverser les régimes en place, et les remplacer par une démocratie ouvrière et un programme socialiste révolutionnaire, constitue aujourd’hui un obstacle majeur qu’il faut surmonter. Cette faiblesse constitue une menace pour ces bouleversements révolutionnaires.

L’absence de base sociale des régimes où ces mouvements ont éclaté laisse présager que ces bouleversements se prolongeront sur une période relativement longue. Des flux et des reflux inévitables dans le mouvement de masse auront lieu. Les mouvements peuvent s’épuiser et se fatiguer sur une certaine période. Cela peut permettre à un régime décrépit de s’accrocher au pouvoir pendant un certain temps. Le pouvoir peut aussi être transmis à de « nouveaux gouvernements » ou à de nouveaux régimes par de simples opérations de façade qui ne font que permettre à la classe dirigeante de gagner du temps. À Hong Kong, malgré quelques protestations persistantes, le régime chinois renforce peu à peu son emprise et intensifie la répression.

Au Liban, il y a eu une tentative de bricolage d’un nouveau gouvernement dirigé par Moustapha Adib en août. Il devait s’agir d’un gouvernement de « consensus ». Ancien diplomate et ambassadeur en Allemagne, Adib avait initialement le soutien de tous les partis politiques sectaires existants au Liban (« Plus ça change, plus c’est la même chose »). Cependant, en raison de la situation explosive, il a été contraint de démissionner. L’initiative de « reconstruction » de Macron n’a pas abouti. Au Mali, en août, les militaires sont intervenus, avec un certain soutien populaire, après des mois de protestations contre le gouvernement Keita. Mais presque immédiatement, la question du caractère du gouvernement de transition s’est posée, en particulier le rôle des militaires. Une évolution similaire a eu lieu au Soudan, l’année dernière, où des manifestations ont eu lieu en août à l’occasion du premier anniversaire du gouvernement de transition.

Ce serait une erreur de penser que les mouvements et les luttes de masse spontanés – ou même la colère et la pression de masse – sans leadership et sans programme cohérent complet, n’ont aucun effet. Ils peuvent contraindre la classe dirigeante à faire quelques concessions pendant un certain temps. Cela peut avoir un effet crucial en stimulant la confiance et le moral des travailleurs et des jeunes en lutte. En Grande-Bretagne, Johnson a été contraint de faire 11 demi-tours en 8 mois ! Plus qu’assez pour faire tomber le gouvernement si une opposition politique combative existait, plutôt que la nouvelle direction de droite du Labour Party dirigée par Keir Starmer. Au Chili, suite au mouvement de masse, le régime Piñera a été contraint de concéder un référendum sur la modification de la constitution, bien que sur une base frauduleuse et non démocratique, et de permettre également aux travailleurs de retirer 25 % des sommes versées à leur fonds de pension. Ces revendications étaient à l’origine implacablement combattues par son régime. Dans certaines situations, des soulèvements de masse spontanés peuvent renverser les régimes en place, mais la question se pose alors avec acuité : et ensuite ? Le soulèvement au Kirghizistan en est une illustration. Sans consolider le pouvoir entre les mains de la classe ouvrière et briser l’emprise de la classe dominante, la contre-révolution capitaliste peut se développer. Les événements qui se sont déroulés au Portugal après la révolution de 1974 en sont une illustration.

La théorie monétaire moderne n’est pas une alternative

Les concessions ou les demi-tours de la classe dirigeante peuvent enhardir le mouvement de masse sous certaines conditions, surtout lorsqu’il est en pleine ascension. Cependant, en cette ère de l’agonie capitaliste, nous ne sommes pas dans une période où des réformes durables sont possibles. C’est une chose que les partisans de la « nouvelle gauche » de la « théorie monétaire moderne » (MMT), comme l’économiste américaine Stephanie Kelton, ne parviennent pas à saisir. Comme les dirigeants des partis de la « nouvelle gauche », ils restent emprisonnés dans les limites de la pensée capitaliste. Ils ne parviennent même pas à poser l’idée qu’un système social et économique entièrement différent – le socialisme – est possible, comme l’ont fait dans le passé même les réformistes et les sociaux-démocrates de l’ancien style. Ils rêvent d’un retour à l’âge d’or du boom et de l’essor capitaliste, qui appartient à un âge révolu. En définissant la MMT dans une interview accordée à « The Intercept » en mars 2020, Kelton a affirmé : « En fait, la MMT est presque entièrement un projet descriptif… Mais la MMT vise surtout à aider les gens à mieux comprendre la nature du système monétaire que nous avons aujourd’hui… Nous n’avons pas de taux de change fixes et comment pouvons-nous tirer le meilleur parti du système monétaire de l’espace politique pour construire une meilleure économie ? C’est essentiellement le but du MMT ». En d’autres termes, mieux gérer le capitalisme ! En pratique, cela signifie gérer la misère. Tout programme qui sera dans l’intérêt de la classe ouvrière rencontrera la résistance et le sabotage des marchés et du capitalisme.

Le rôle des syndicats et la construction d’oppositions de combat

Avec l’aggravation de la crise économique et sanitaire, la majorité de la « gauche », y compris l’intelligentsia de « gauche » et la direction des syndicats, a été poussée plus loin vers la droite dans les bras de la classe capitaliste. L’apparition du secrétaire général du TUC sur les marches du 11 Downing Street à Londres – la résidence du ministre britannique des finances – qui a paradé avec le chancelier conservateur et le dirigeant de l’organisation patronale, la CBI, soutenant la politique économique du gouvernement, l’a illustré de façon éloquente.

Au Nigeria, la direction du syndicat a récemment annulé la grève générale contre l’augmentation des prix du carburant (PMS) et de l’électricité. Ils ont signé un document qui acceptait « la situation financière désastreuse de la fédération qui empêche toute capacité à maintenir toute subvention sur le PMS et rend donc la déréglementation du PMS inévitable ». Les lois draconiennes sur le travail introduites par Modi en Inde et d’autres attaques contre les droits des travailleurs n’ont pas été combattues par la bureaucratie syndicale ni par le CPI et le CPI(M). Leur appel à la grève générale ne sera pas, comme d’habitude, suivi d’une campagne significative. En Espagne, le gouvernement PSOE/PODEMOS a été soutenu par la bureaucratie du CCOO et de l’UGT.

Sous la pression de la classe ouvrière, certaines sections de la bureaucratie syndicale peuvent être obligées d’organiser des actions, comme nous l’avons vu récemment en Allemagne, en Afrique du Sud et en Irlande. En Autriche, la crise et la vague de licenciements ont déclenché des protestations, qui pourraient conduire à des grèves et même à des occupations. Cependant, le rôle pourri joué par la majorité de la bureaucratie syndicale pendant cette crise a été un frein au développement de mouvements de travailleurs plus importants et a permis aux patrons et à la classe dirigeante de passer à l’offensive et d’attaquer les droits et les conditions des travailleurs. Cela souligne la nécessité de lutter sur les lieux de travail pour mobiliser les travailleurs dans la lutte pour transformer les syndicats en organisations militantes et combatives. Il s’agit d’une tâche cruciale dans cette crise, à laquelle le CIO et d’autres organisations peuvent jouer un rôle important, comme l’illustre le travail du NSSN en Angleterre, au Pays de Galles et en Écosse.

Le lancement par le parti d’extrême droite VOX dans l’État espagnol d’un « syndicat » dénonçant les syndicats existants comme étant des outils du gouvernement est un avertissement, même s’il n’est pas certain que cela ait beaucoup d’écho. En Inde, le groupe paramilitaire d’extrême droite RSS contrôle l’une des plus grandes organisations syndicales, la Bharatiya Mazdoor Sangh (BMS). Ces mises en garde soulignent l’importance de constituer des groupes d’opposition combatifs dans les syndicats. Lorsque cela est bloqué, d’autres initiatives pour organiser les travailleurs qui veulent lutter peuvent être nécessaires.

Les États-Unis – un avant-goût des années 2020

Les éruptions économiques, sociales et politiques qui ont lieu aux États-Unis sont un signe avant-coureur des bouleversements sociaux et de classe qui vont secouer tous les continents et tous les pays dans les années 2020. Les événements dans le pays impérialiste le plus puissant ont des effets prononcés au niveau international et façonneront les événements mondiaux dans la période à venir, de même que les développements en Chine. L’élection présidentielle la plus polarisée depuis des décennies se déroule actuellement sur fond d’affrontements, notamment armés, dans plusieurs États. Le séisme politique qui se produit avec un niveau élevé de polarisation sociale et de classe comprend des éléments de guerre civile, qui ne seront pas résolus quel que soit le vainqueur de l’élection. L’élection a été bouleversée suite au fait que Trump a contracté le COVID-19. De nombreux rebondissements, crises et batailles constitutionnelles vont avoir lieu. Si Trump ne se remet pas du virus, d’autres troubles et bouleversements sont à prévoir.

La classe capitaliste américaine, dans l’ensemble, veut que Trump quitte le pouvoir. Ils mobilisent leurs forces pour essayer de s’assurer qu’il soit battu. La fuite de ses déclarations d’impôts, la déclaration de centaines de généraux à la retraite en faveur de Biden et les attaques dont il a fait l’objet dans les médias en sont autant d’indications. Les sondages nationaux indiquent sa défaite. Cependant, une victoire de Biden reste loin d’être certaine, à ce stade. L’avance étroite de Biden dans de nombreux États clés, la faiblesse de la campagne et du programme de Biden et la nature totalement antidémocratique du système électoral du Collège électoral sont autant d’éléments qui font qu’un second mandat pour Trump ne peut être exclu.

En outre, les déclarations et les actions sans précédent de Trump et de son appareil, selon lesquelles il pourrait ne pas accepter le résultat et refuser d’accepter la défaite, signifient qu’un résultat contesté pourrait déboucher sur un conflit social massif incluant des affrontements armés. Dans l’âpre débat présidentiel, le refus de Trump de condamner les tenants de la suprématie blanche et l’appel lancé à la milice des « Proud Boys » pour qu’elle « se tienne en retrait et se tienne prête », indiquent qu’il se prépare à en faire un combat. Trump a clairement un « plan de bataille » pour contester le résultat : contestation des bulletins de vote par correspondance, recours à la censure des électeurs, passage de l’élection des délégués du Collège électoral du vote populaire aux assemblées législatives ou aux gouverneurs des États, et enfin passage de l’élection du président au Congrès.

La ruée de Trump pour faire combler le poste vacant à la Cour suprême par l’archi-réactionnaire Amy Coney Barrett fait partie de son schéma. Celui-ci a également été contrarié par la contraction du COVID-19 par trois sénateurs républicains. Les votes au Sénat doivent se faire en personne, ce qui signifie que M. Trump a perdu la majorité pour faire passer la nomination en force, à moins que les règles du Sénat ne soient modifiées.

La question de savoir si Trump peut s’en sortir avec son plan de bataille pour rester au pouvoir est une autre question, mais si Trump tente de le faire, une situation et un conflit massivement polarisés risquent d’éclater. La majorité de la classe dirigeante cherche désespérément à éviter cela et pourrait recourir à des sections de l’État pour évincer Trump, si nécessaire. Une partie du parti républicain s’est prononcée contre Trump et craint un retour de bâton. Si Trump se dirige dans cette direction, il y aura une réaction féroce contre lui et le Parti républicain, ce qui aggravera la polarisation qui existe déjà.

Chose incroyable, Biden a fait naître le spectre d’une mobilisation de l’armée pour escorter Trump depuis la Maison Blanche. Le président des chefs d’état-major a répondu en disant que ce ne serait pas leur responsabilité mais celle des services de sécurité ou des officiers de police ! Le spectacle qui se joue dans cette élection fait apparaître la présidence de Francis Underwood dans « House Of Cards » comme un modèle de gouvernement calme, consensuel et honnête !

Si les événements évoluent dans ce sens, cela provoquera des bouleversements massifs aux États-Unis, notamment des affrontements armés et l’invocation possible de la loi anti-insurrection et le déploiement de l’armée. Des milices de droite pro-Trump sont apparues dans un certain nombre d’États – avec le clin d’œil ou le tweet d’approbation de Trump.

De telles milices ont déjà existé aux États-Unis. Avant l’élection d’Obama, on estimait qu’il en existait jusqu’à cinquante. Après l’élection d’Obama, ce nombre est passé à plus de 200. Aujourd’hui, elles sont encore plus nombreuses. En réponse à ces milices et aux meurtres brutaux commis par la police plus récemment, des milices noires ont également été formées, comme les « Minnesota Freedom Fighters », qui considèrent que leur rôle est de « défendre la communauté ».

L’impact de tels événements se ferait sentir au niveau international et porterait un énorme préjudice à la crédibilité de l’impérialisme américain, en particulier dans le monde néocolonial. Toutefois, c’est la nature de la période dans laquelle nous sommes entrés.

La situation objective aux États-Unis appelle à la formation d’un nouveau parti ouvrier de masse. La capitulation de Sanders devant le Parti démocrate, et son refus de prendre les mesures nécessaires pour former un tel parti, en 2016, a été une occasion manquée. L’aggravation de la crise sociale et économique depuis lors rend cette tâche encore plus urgente aujourd’hui. Un parti indépendant de la classe ouvrière gagnerait aujourd’hui le soutien de millions de personnes. Plus de 50 % des jeunes aux États-Unis voient maintenant l’idée du socialisme d’un œil favorable. Cela représente un changement radical dans la société américaine, même si beaucoup ne comprennent pas encore pleinement ce qu’est le socialisme. Alors que dans le passé, le socialisme était un  » frein à la conversation « , il est aujourd’hui un  » amorceur de conversation « , comme l’a dit Howie Hawkins, le candidat du Green Party aux élections présidentielles.

Le sentiment compréhensible de millions de personnes qui veulent dégager Trump et la tendance au « moindre mal » lors des élections conduiront inévitablement à une réduction du potentiel de vote pour la campagne d’Howie Hawkins. Mais la nécessité d’un parti ouvrier de masse aux États-Unis se posera avec encore plus d’acuité après les élections, quel que soit le vainqueur de la présidence. Certaines des forces attirées par la campagne de Hawkins, ainsi que d’autres, notamment les syndicalistes de base et les militants de BLM, pourraient devenir un point de référence pour une campagne visant à construire un nouveau parti des travailleurs après l’élection.

Le caractère de la droite populiste et de l’extrême droite

La polarisation au sein de la société américaine et l’absence d’un parti ouvrier de masse posent d’importantes questions de portée internationale sur la nature des forces de droite qui ont émergé autour de Trump. Cela fait partie d’un processus international qui se déroule dans de nombreux pays. Les conditions sociales désespérées qui sont apparues et l’absence d’une alternative socialiste de masse ont laissé un vide. Dans certains pays, l’extrême droite et la droite populiste ont fait des percées significatives et ont obtenu un soutien accru, principalement sur le plan électoral. Il est important de faire la distinction entre les partis de droite populistes, tels que Forza Italia, en Italie, le FPÖ en Autriche, et le Rassemblement national, en France, et les partis et organisations d’extrême droite ayant un élément ou un noyau fasciste plus fort.

En Europe, le parti d’extrême droite VOX, dans l’État espagnol, dont les origines remontent à la Phalange fasciste, est aujourd’hui le troisième plus grand parti, avec 50 sièges au Parlement. Sa base, à l’heure actuelle, est principalement constituée par la classe moyenne, les forces de sécurité et les groupes catholiques d’extrême droite. En Italie, les fascistes Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) ont récemment pris le contrôle d’une deuxième région. En Allemagne, le parti populiste d’extrême droite AfD est devenu le principal parti d’opposition à la coalition de Merkel, mais il a perdu du terrain pendant la pandémie. Les partis d’extrême droite utilisent une rhétorique populiste qui a été intégrée dans certains pays par les partis bourgeois traditionnels de droite. La droite populiste et les partis d’extrême droite ont leurs propres caractéristiques dans chaque pays, mais sont souvent déchirés par des divisions et des clivages lorsqu’ils se développent.

La croissance de ces partis et d’autres partis s’est accompagnée d’une augmentation des mesures autoritaires et de la répression par de nombreux gouvernements pendant la crise du COVID-19. Cela a été le cas dans les pays impérialistes, comme les États-Unis sous Trump, et la Grande-Bretagne sous Johnson. Le premier ministre conservateur a maintenant introduit une législation interdisant l’utilisation de l’enseignement « anticapitaliste » et « extrémiste » dans les écoles. Sa tentative de nommer des partisans de droite à la tête de la BBC, et le régulateur des communications de l’Etat, Ofcom, sont un écho de la tentative de Trump de faire empiler la Cour suprême avec des partisans de droite.

Les pouvoirs répressifs promulgués par ces gouvernements et d’autres, y compris des pouvoirs accrus à la police et des menaces d’utiliser l’armée, comprennent un élément de méthodes bonapartistes parlementaires – de gouverner par décret et de supprimer les contrôles parlementaires. Cela a produit des divisions ouvertes au sein du Parti conservateur et de la classe dirigeante en Grande-Bretagne.

Aux États-Unis, Trump a largement réussi à prendre le contrôle du parti républicain et à le faire basculer vers la droite. Alors que le parti républicain s’était déjà déplacé vers la droite auparavant, la profondeur de la crise et les caractéristiques politiques de Trump lui donnent une ampleur différente. Les milices et la croissance de groupes complotistes jusqu’alors obscurs, tels que QAnon, sont des indicateurs du désespoir dans lequel sont plongées les couches de la société à la suite de la crise. Sans surestimer sa croissance, QAnon gagne en influence même au sein du Parti Républicain. Bien que la plupart des républicains ne l’approuvent pas ouvertement, ils s’en inspirent pour obtenir un certain soutien, et certains partisans de QAnon vont probablement entrer au Congrès. Il y a des échos de la croissance du mysticisme et des idées religieuses autour de Raspoutine, en Russie, avant la révolution de 1917. Cela illustre l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui la société capitaliste.

Des groupes comme le « Michigan Freedom Fund », créé en 2012 par les employeurs pour faire pression en faveur d’une législation antisyndicale, sont impliqués dans certaines des milices. QAnon et d’autres groupes ont un programme clairement de droite. Mais certaines personnes attirées par les manifestations anti-confinement aux États-Unis et ailleurs le sont de manière confuse, à cause de leur opposition au confinement et à ses conséquences désespérées sur des millions de travailleurs et de pauvres. Cette situation est également alimentée par un manque de confiance dans le gouvernement ou dans l’efficacité de ses mesures. Les forces d’extrême droite sont intervenues de manière populiste et ont trouvé un certain écho parmi une couche relativement réduite, à ce stade.

Dans le monde néocolonial, une répression brutale a été mise en place et ça a même été plus loin. Le Premier ministre indien Modi a déclenché une vague de répression vicieuse et draconienne avant et pendant la période de confinement. Le Sri Lanka, après l’élection de Gotabaya Rajapaksa, a mis en place le modèle d’un régime militaire dictatorial de facto. Le Brésil a maintenant plus de personnel militaire à la tête de départements et de bureaux gouvernementaux que sous la dictature militaire ! En Bolivie et en Équateur, Morales et Correa ont été empêchés de se présenter aux prochaines élections après que des poursuites judiciaires fallacieuses ont été engagées contre eux. Cependant, il semble probable que le MAS remportera les élections en Bolivie, ce qui reflète la faible base sociale du gouvernement de droite qui a été mis en place après ce qui a été un coup d’État de fait contre Morales. La question de savoir si la droite acceptera cette probable défaite est une autre question.

La croissance de l’extrême-droite et la tendance à des méthodes de gouvernement plus autoritaires représentent des menaces importantes pour la classe ouvrière et imposent à celle-ci de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour la combattre. Il est compréhensible que certains jeunes et militants voient dans ces tendances la perspective d’une menace fasciste similaire à celle qui s’est développée dans les années 20 et 30. Certains ont même qualifié Trump et ses partisans de « fascistes ». Bolsonaro, au Brésil, et Modi, en Inde, sont souvent dénoncés comme fascistes. Ce sentiment est une réponse compréhensible de la part de ceux qui souhaitent combattre ces régimes réactionnaires et répressifs.

Cependant, afin de combattre la menace posée par l’extrême droite et l’introduction d’un régime de plus en plus autoritaire, il est important pour les marxistes et la classe ouvrière d’avoir une estimation et une évaluation précises de ces régimes et de leur évolution. Cela ne signifie pas sous-estimer leur menace, mais être capable de voir ce qu’ils représentent et de les combattre.

Le fascisme dans les années 1920 et 1930

Le fascisme, tel qu’il s’est développé dans les années 1920 et 1930, avait des caractéristiques et des objectifs très spécifiques, bien que dans chaque cas il représentait une forme particulière de réaction. Dans les conditions qui se sont développées dans les années 1920 et 1930, il a rapidement acquis une base de masse parmi les sections petites-bourgeoises, les plus opprimées et démunies de la classe ouvrière, et certains travailleurs démoralisés. Le terme « fasciste » est né en Italie sous le régime de Mussolini, puis s’est développé en Allemagne et en Espagne. Le fascisme avait un objectif très spécifique de destruction et d’atomisation des organisations de la classe ouvrière. Comme l’a souligné Trotsky, la dictature de Primo de Rivera en Espagne (1923-30), malgré sa nature répressive réactionnaire, n’était pas la même que les mouvements et régimes fascistes de masse qui ont ensuite pris le pouvoir.

Le fascisme est né de la crise sociale qui s’était développée et de la menace de la prise de pouvoir par la classe ouvrière. Il était dû à l’échec de la classe ouvrière dans ces pays à prendre le pouvoir en raison des mauvaises politiques et des mauvais programmes des partis ouvriers de masse qui existaient alors. Les partis social-démocrate et communiste ont permis aux fascistes de triompher. En Allemagne, en particulier, cela a été dû au refus des dirigeants communistes et du SPD de former un front uni pour combattre les fascistes.

La profondeur de la crise politique et sociale et la crainte de nouvelles explosions révolutionnaires ont fait que pour la bourgeoisie de ces pays, la démocratie parlementaire n’était plus un système de gouvernement fiable pour le capitalisme. La classe capitaliste a donc finalement soutenu les fascistes et leur a permis d’accéder au pouvoir.

En Allemagne, le parti nazi a gagné sa plus forte base de soutien dans les zones rurales et les petites villes où la classe ouvrière et ses partis étaient plus faibles. En général, dans les grandes zones industrielles, la domination fasciste n’a été obtenue qu’après l’arrivée au pouvoir de Hitler en 1933, à la suite d’une intimidation brutale de l’État et des forces auxiliaires fascistes. En novembre 1932, les partis ouvriers ont encore remporté 13 millions de voix lors des élections en Allemagne. Les votes pour les fascistes ont grimpé en flèche lors des élections de juillet 1932 à 13,7 millions, avant de retomber à 11,7 millions, quatre mois plus tard. Les nazis n’ont jamais obtenu la majorité absolue. En novembre 1932, les partis ouvriers ont obtenu plus de 1,5 million de voix de plus que les fascistes. L’augmentation du vote nazi est principalement le résultat de l’adhésion au fascisme des libéraux de la classe moyenne, des nationalistes modérés et des chômeurs, désespérés du fait de l’effondrement économique.

L’orientation « anticapitaliste » de la propagande fasciste, tant en Allemagne qu’en Italie, qui était nécessaire pour gagner le soutien de ceux qui étaient poussés par le désespoir et l’incapacité des partis de la classe ouvrière à offrir une alternative, a été abandonnée une fois au pouvoir. Le club fasciste des SA (Sections d’assaut) a été utilisé pour écraser et atomiser la classe ouvrière et ses organisations. Cependant, la purge de la « Nuit des longs couteaux » par les SA en 1934 a marqué un changement, car la dictature a évolué en un gouvernement bourgeois réactionnaire. En conséquence, sa base de masse a commencé à s’affaiblir. Le régime reposait alors sur les effets et les conséquences de la victoire des fascistes sur la conscience politique, et sur la peur de l’appareil répressif.

La menace de la droite aujourd’hui – la nécessité d’une alternative socialiste

En général, la base sociale des mouvements fascistes de masse, telle qu’elle existait en Allemagne, en Italie et en Espagne dans les années 1920 et 1930, n’existe plus aujourd’hui comme à l’époque. De larges couches de l’ancienne petite bourgeoisie sont en train d’être prolétarisées et souvent politiquement radicalisées vers la gauche. En outre, les couches les plus perspicaces de la classe capitaliste ont également tiré les leçons de l’histoire et de l’expérience des fascistes au pouvoir. La classe capitaliste allemande a payé un prix pour avoir permis aux fascistes d’arriver au pouvoir. Les politiciens bourgeois ont perdu le pouvoir au profit de l’État fasciste pendant un certain temps. La classe dirigeante a payé un lourd tribut, tant sur le plan économique que du fait de sa défaite à la guerre. La perspective qu’un tel résultat se répète sous une forme ou une autre fera que la classe capitaliste, en général, hésitera à permettre aux forces fascistes de masse d’accéder au pouvoir.

Cela ne signifie pas pour autant que la classe dirigeante, lorsqu’elle est menacée, ne sera pas prête à recourir à des mesures draconiennes si elle n’a pas d’alternative. Dans les années 1970, dans toute l’Amérique latine, ils se sont tournés vers des régimes dirigés de main de fer dans une série de dictatures militaires-policières brutales. Dans l’ensemble, ces dictatures n’avaient pas la base de masse dont jouissaient les fascistes, même si elles reposaient sur le soutien de la classe moyenne et de certaines parties des pauvres des villes. Au Chili, le régime de Pinochet a également bénéficié du soutien d’un important auxiliaire fasciste, Patria y Liberdad.

Aujourd’hui, l’ampleur de la crise économique et sociale a un effet dévastateur sur certaines parties de la classe moyenne, et se traduit également par une armée de réserve de masse de chômeurs dans de nombreux pays. Il est donc possible que dans certains pays, des forces d’extrême droite ou même fascistes plus importantes que ces dernières décennies puissent se développer. Ces forces peuvent être utilisées comme une arme auxiliaire par la classe dirigeante contre la classe ouvrière. L’ampleur de ce phénomène dépendra de la capacité de la classe ouvrière et des militants pour le socialisme à créer des partis et des organisations qui peuvent offrir une alternative. L’émergence récente de partis, de groupes et de milices d’extrême droite est un avertissement pour la classe ouvrière.

Le régime brutal de Modi en Inde illustre le danger qui existe dans certains pays. Modi dirige le BJP – le plus grand parti au monde avec plus de 100 millions de membres – et est soutenu par le groupe paramilitaire Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS – « Organisation nationale de volontaires ») avec un large noyau fasciste dont Modi lui-même est originaire. L’humeur nationaliste hindoue que son régime attise et les attaques brutales, en particulier contre les musulmans et d’autres minorités, sont maintenant suivies d’attaques sauvages contre les droits des travailleurs et des agriculteurs.

Ces développements reflètent la nature hautement polarisée de la période dans laquelle nous sommes entrés. Une lutte entre les éléments de la révolution et de la contre-révolution se développe à l’échelle mondiale. Le rythme de ce conflit peut varier d’un pays à l’autre, mais il est présent dans le monde entier. Des changements extrêmement rapides peuvent avoir lieu au rythme de la lutte des classes. La rapidité des événements qui se déroulent dans cette crise est l’une de ses caractéristiques centrales. Alors que de nouvelles explosions sociales éclatent, nous devons nous préparer à ce que de nouvelles formes d’organisation, d’assemblées et de comités d’action apparaissent au cours de la lutte.

Les socialistes révolutionnaires doivent être prêts à intervenir dans les événements et, lorsque cela est possible et opportun, à en prendre l’initiative. Dans la situation explosive qui se déroule, même les petits groupes révolutionnaires peuvent avoir un grand impact, avec des interventions audacieuses, des tactiques et des propositions concrètes d’action et de lutte.

Les groupes et partis socialistes révolutionnaires entrent dans cette période de bouleversement avec des forces relativement faibles. Toutefois, cela ne signifie pas qu’ils le resteront. Avec des tactiques, une stratégie, des slogans, un programme et des interventions audacieuses appropriés, les petites organisations peuvent connaître une croissance explosive. Elles peuvent gagner les sections les plus avancées et les plus combatives de la classe ouvrière et de la jeunesse qui cherchent une voie pour échapper à l’ère dystopique du capitalisme dans laquelle nous sommes entrés. Le CIO et les socialistes révolutionnaires ont une responsabilité et une opportunité historiques d’intervenir activement dans les événements orageux qui se déroulent et de construire une alternative socialiste plus puissante.