Trois mille sept cents salariés licenciés et plusieurs usines fermées, c’est le bilan de la dernière « restructuration »-faillite de Moulinex. Après plusieurs semaines d’occupation d’usines, les ouvrières et ouvriers du groupe n’avaient plus comme perspective que de se battre pour des licenciements « dignes » (en existe-t-il ?), c’est-à-dire avec une surprime de licenciement.
Article paru dans l’Egalité n°92
Présenté en avril dernier, le énième plan de restructuration (dit « de la dernière chance ») prévoyait la suppression de 4000 emplois en Europe (dont 1500 en France) et la fermeture de six usines (dont trois en France) à l’horizon 2003. En septembre 2001, Moulinex (devenu Moulinex-Brandt depuis fin 2000) est placé en redressement judiciaire. Dès lors, ce sont tous les travailleurs du groupe qui sont menacés par le chômage.
La lutte pour le maintien des postes qui avait commencé alors s’est doucement déplacée vers celle pour des » primes additionnelles de licenciements » même si la préoccupation majeure des travailleurs de Moulinex était bien sûr la sauvegarde des emplois : « Qu’est-ce que 80000 francs ? cela permet tout juste de vivre une année en étant très économe, et après ? ; moi, l’argent je m’en fous, ce que je veux, c’est un boulot ».
Mais après plusieurs semaines d’occupation des usines et devant l’arrogance des patrons, il fallait bien trouver quelque chose pour sortir la tête haute de ce dernier conflit, surtout qu’un autre facteur favorisait ce glissement dans les revendications des Moulinex : le manque de perspective au niveau national sur la question de l’interdiction des licenciements. Quel bilan tirer de la manifestation du 9 juin qui réclamait cette interdiction ? Manif qui en appelait d’autres mais qui, pour l’instant, est restée sans suite.
Dès lors, les Moulinex ont été prêts à tout pour obtenir cette fameuse surprime et même à employer les grands moyens. C’est ainsi qu’après avoir disposé des matières explosives dans plusieurs endroits de l’usine de Cormelles les Royal, ils ont fini par menacer de faire sauter le site. A l’instar des employés de Cellatex qui avaient menacé de lâcher des produits toxiques dans une rivière pour obtenir une prime de licenciement, les Moulinex en sont arrivés à cette dernière extrémité car plus personne ne voulait les écouter : « il y en a marre, il y a des semaines qu’on est là, et le gouvernement s’en fout, c’est comme s’il avait décidé de nous tuer » (Nadine, ouvrière à Cormelles-les-Royal). Et ce n’est qu’avec cette méthode que les salariés ont obtenu leur surprime de licenciement qui sera payée par l’état et non par le Medef, bien silencieux alors qu’il nous avait habitué à de plus vives protestations devant ce qu’il appelle les » ingérences de l’Etat dans les affaires du privé « . Il est vrai que là c’est pour payer.
Petite victoire que cette prime face à une bien triste réalité : ce sont bien plusieurs milliers de salariés qui se retrouvent sur le carreau et les employés de Moulinex ne sont malheureusement ni les seuls – les licenciements massifs font partie du paysage socio-économique depuis quelques décennies – ni les derniers car la mondialisation et la crise capitaliste actuelle poussent aux restructurations et aux diminutions d’effectifs et il en sera ainsi, quel que soit le nombre d’usines que les salariés menaceront de faire sauter, tant que les travailleurs n’imposeront pas aux patrons et aux gouvernements l’interdiction des licenciements et un autre choix de société. D’ici là, il y a fort à parier que ceux qu’on veut laisser sur le carreau vendront chèrement leur peau ; comme le dit une ouvrière de Moulinex de Cormelles, « on nous accuse de terrorisme social, mais les terroristes ce sont ceux qui nous privent de boulot et de salaire ».
Par Bazin