Luttes et répression à La Poste

Le 13 mars 2002 à Strasbourg, le Parlement européen a adopté la nouvelle directive postale européenne sur la libéralisation des services postaux. Cette décision, qui s’inscrit dans le cadre plus large de la transformation de tous les services publics en secteurs marchands, entérine le principe d’une ouverture totale à la concurrence du courrier en 2009.

Article paru dans l’Egalité n°98

Le 30 mai, les facteurs…

De telles attaques contre le service public et la péréquation tarifaire ne peuvent se faire sans attaquer en tout premier lieu les salariés. Le 30 mai dernier, c’était au personnel de la distribution d’être en grève contre le projet AMA (Adaptation des Moyens à l’Activité) ; en fait un sous-projet du projet SOFT (voir Egalité n°87). Il s’agissait là de lutter contre l’anualisation du temps de travail et la flexibilité, contre la constante évolution de la charge de travail, contre la remise en cause des droits des salariés (congés, repos compensateurs, absences enfants malades ou absences syndicales) et pour la titularisation des contractuels et l’ouverture d’un concours national de facteurs de 6000 places. Il faut savoir que chaque semaine, l’équivalent d’un grand centre de distribution disparaît ; soit 120 agents de distribution par semaine ou encore 20 par jour. Cela doit encore durer pendant 11 ans, si la direction de La Poste veut tenir ses engagements… ou si nous la laissons faire !

… le 24 octobre, les centres de tri !

Aujourd’hui, c’est aux centres de tri d’être en lutte avec une grève nationale le 24 octobre appelée par Sud, La CGT et FO. Cette journée est censée répondre aux mécontentements de divers centres de tri : Pau, Lille, Creil, Orléans et Rouen. La lutte est ici dirigée contre la séparation que fait la direction de La Poste entre les centres de tri  »rentables » et  »non-rentables ». La différence se fait en fonction de la mécanisation, de l’implantation géographique, des effectifs et suppose des fermetures de centres, des délocalisations et des reclassements de personnel. A cela s’ajoute biensûr une demande de productivité supplémentaire au mépris des conditions de travail.

Depuis le 3 septembre, le centre de tri de Rouen

A Rouen, la direction de La Poste fait construire un nouveau Centre de Traitement du Courrier (CTC : la nouvelle appellation des centres de tri, comme l’on a maintenant les CDIS : centres de distribution où sont regroupés l’ensemble des facteurs d’une ville ou d’un secteur) au Madrillet. Un de plus ? Chouette !… Bah non ! Il doit remplacer celui de Sotteville. Evidemment, pendant le déménagement la direction de La Poste compte bien se débarrasser de quelques petites choses. Les effectifs étaient à l’origine de 530 à Sotteville, au Madrillet ils seront de 445. En fait, le déménagement n’a toujours pas eu lieu pour cause de retard dans la construction (une aubaine pour la direction de La Poste…) alors que les effectifs à Sotteville sont déjà réduits à 445. Une partie du trafic est alors retirée de Sotteville et traitée par un autre centre, celui de Heudebouville dans l’Eure, en attendant l’ouverture du centre du Madrillet. A Heudebouville le personnel est exclusivement constitué d’intérimaires non formés.Retrait de travail, baisse des effectifs, courrier traité dans un autre département, remplacement par du personnel sous-payé, surexploité et non formé : voilà pourquoi le centre de tri de Sotteville est en grève depuis le 3 septembre et réclame 60 embauches pour un an.

Après bientôt 9 semaines de grève (à l’heure du bouclage de l’Egalité n°98) dirigée par Sud et la CGT, la direction refuse toujours de négocier. Elle préfère multiplier les sanctions : 14 avertissements, 10 blâmes et menaces de mise-à-pied pour les dirigeants syndicaux. Pour sa part, elle flirte avec les limites de la légalité en dirigeant le trafic courrier vers des centres antigrève. Celui d’Amfreville est notamment protégé par des vigiles qui n’hésitent pas à lâcher leurs chiens sur les grévistes venus bloquer le trafic pour sauver leur propre travail.

Une autre décision de la direction est le retrait de 10 jours de salaire par mois pour les grévistes : le maximum autorisé. Pendant ce temps le directeur départemental se payait des encarts publicitaires dans la presse locale et écrivait à chaque postier pour donner sa version des faits ; c’est un tissu de contrevérités, de mensonges par omissions et de propagande libérale (ces documents sont disponibles sur simple demande).

Solidarité avec les grévistes, soutenons la lutte des postiers !

Des sanctions comme si l’en pleuvait, un étalement minimum des jours de grève sur les salaires, la fatigue qui s’accumule, autant de raisons pour que cette lutte prenne un autre tournant. Elle doit être victorieuse. Une défaite découragerait à coup sûr les salariés, au risque de ne pas les revoir dans une prochaine lutte (celles sur les retraites dans 6 mois seront fondamentales) et confirmerait le rapport de force en faveur de la direction.

Les salariés ont maintenant besoin de poursuivre leur grève et de voir la solidarité s’organiser autours d’eux par le biais des organisations syndicales. Les directions de Sud, de la CGT et de FO doivent utiliser les moyens dont elles disposent pour faire un démenti dans la presse locale, pour organiser les collectes de soutiens financiers dans la rue, aux péages autoroutiers, etc., comme cela s’est fait lors du passage du groupe Noir Désir au Zénith de Rouen.

Les postiers étant menacés de sanctions ce sont d’autres salariés et usagers dont ils ont besoin pour bloquer le trafic vers les centres antigrève, comme cela c’est déjà produit à 5h00 du matin avec des cheminots, des profs, des salariés du privé, etc. Rappelons-nous la lutte des traminots de Rouen de 2000/2001 où les salariés des autres boites et les épouses des grévistes étaient sur les piquets de grève, évitant les sanctions aux grévistes eux-mêmes. Ou encore prenons exemple sur le collectif des usagers Dinghy (74) près d’Annecy qui s’est constitué pour la sauvegarde de leur petit bureau de poste et  »lutter contre la privatisation de La Poste : un établissement public ! » disait l’un des membres du collectif.

Par Sylvain Bled