Les hivers parisiens sont meurtriers

On est au mois de décembre, le tramway me jette devant la préfecture de Bobigny. C’est grand, c’est moche… Mais je dois y aller pour refaire des papiers.

Une dizaine de bâtiments genre architecture post soviétique s’entassent comme des classeurs. Je dois trouver le mien. Le mien, c’est celui pour les français qui ont les yeux bleus.

Alors me voici tout guilleret à la recherche du bâtiment destiné à ma requête.

Puis il y a cette hiver qui claque (-2 au thermomètre) et mon blouson en poils de baleine qui veut pas faire d’effort.

Alors je tombe sur un bâtiment à priori destiné aux sans papiers. Ce n’est pas pour moi. Puis je bloque, je m’arrête, j’observe.

Ils sont là; combien, peut être une cinquantaine, plus même… L’attente se fait aussi à l’extérieur, une queue de plus de 100 mètres me laisse prédire celle à l’ intérieur.

Ils grelottent, veulent des papiers… De ceux qui disent t’as le droit pendant 3 ,6 mois de trimer sur Paname, t’as pas le droit, par contre, comme le veut la tradition française de râler contre l’administration. Ils attendent, patients. Puis il les faut ces papiers, pas pour vivre… Juste survivre…

On dit que c’est ça le racisme au quotidien, de celui qui brise et humilie.

Après ces vagues pensées je m’en suis allé retrouver mon bâtiment chauffé et gardé par des flics en uniformes.

J’apprendrais quelques jours plus tard que la préfecture a décidé de retirer les braseros qui leur permettaient de grignoter un peu de chaleur…

Les hivers parisiens sont meurtriers. Pas qu’eux…

Par Jonathan Fille, article paru dans l’Egalité n°117