Depuis le 15 novembre, une grève générale s’est développée en Guadeloupe, appel qui a été repris aussi en Martinique la semaine suivante. À l’origine, la grève s’oppose aux sanctions (suspensions des contrats de travail, donc blocage des salaires) contre les soignants et pompiers qui refusent la vaccination obligatoire. Mais ce n’est que l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Alors que la grève s’étendait et qu’apparaissaient des revendications sur le niveau de vie, la hausse des prix… la principale réponse de l’État a été, comme d’habitude, sécuritaire et répressive.
Situations sociale et sanitaire catastrophiques
L’explosion de colère de ces derniers jours montre que les problèmes sont bien plus profonds. La situation sociale et économique, déjà très mauvaise, s’est aggravée en deux ans. Le mépris du gouvernement s’incarne dans la phrase de Macron : « C’est grâce à la solidarité nationale qu’ils ont accès à ces vaccins ». Ce ne serait que de la charité ! Et cela passe sous silence la baisse des budgets des services publics ces dernières années.
Aidé par les médias bourgeois, le gouvernement essaie de décrire le mouvement comme un déferlement de violence sans raison et sans but. Mais si les barrages sont une forme de protestation courante aux Antilles, c’est parce que la lutte des classes y est d’autant plus féroce qu’à l’exploitation capitaliste s’ajoute la domination néocoloniale.
Après l’incendie de 2017, un nouveau CHU devrait voir le jour à Pointe-à-Pitre. Il paraît que ce sera pour 2022… la principale ville de l’archipel n’a donc même pas de véritable hôpital. Il y a 48 lits d’hôpital pour 10 000 habitants, contre 60 en France.
La Martinique et la Guadeloupe ont des tarifs de près de 12 % plus élevés qu’en Métropole pour les services. Et 30 % plus élevés en moyenne pour les produits alimentaires et les télécommunications. La crise de l’eau n’en finit pas. En outre, il y a l’empoisonnement au Chlordécone, un insecticide très nocif utilisé dans les bananeraies. Malformations et cancers se sont multipliés. Mais là encore, l’État refuse d’aider les victimes et a pris parti pour les grands propriétaires de bananeraies.
État répressif contre grève des travailleurs
La réponse du gouvernement a donc été de mettre de l’huile sur le feu. Des centaines de militaires, une cinquantaine de membres du GIGN et du RAID ont été envoyés – les travailleurs en lutte sont-ils des terroristes ? Macron veut surtout éviter que ce mouvement donne des idées de révolte aux travailleurs. Un couvre-feu aux allures d’état de siège est mis en place tandis que côté négociations sociales, c’est la politique habituelle de ne rien lâcher. Les grandes familles qui possèdent l’économie des Antilles, la plupart descendantes des colons esclavagistes, les Békés, ont toujours pu compter sur l’État pour assurer leur mainmise sur les îles. Et pour cause, elles contrôlent en monopole tous les circuits de grande distribution, du transport, des carburants, ce qui leur permet de pratiquer des prix très élevés et des salaires très bas.
En Martinique, la grève générale a aussi été lancée, reprenant les revendications sociales et exprimant le même rejet de l’attitude néocoloniale de l’État français. Cette colère fait écho aussi en Métropole. À la Réunion, en Guyane ou encore en Nouvelle-Calédonie Kanaky, les soutiens sont nombreux. Une grève générale a commencé en Polynésie française. Et rappelons que la Guyane et Mayotte ont connu des mouvements de masse ces dernières années. Une manifestation de soutien est prévue dimanche 28/11 à Saint-Denis de La Réunion. Ils ont raison !
« Ansam nou ka lité, Ansam nou ké ganyé » : on lutte ensemble, on gagne ensemble !
Les violences individuelles et certains cambriolages sont évidemment étrangers au mouvement de masse et ne l’aideront pas. Mais d’autres actes ne sont pas de la « violence gratuite », comme disent les médias depuis Paris. C’est parfois aussi l’expression d’une jeunesse désespérée qui ne voit aucun avenir. Sur les barrages, des jeunes retrouvent les travailleurs car tous revendiquent autant de vrais emplois que de vraies formations.
Sur les barrages, les rond-points, les piquets de grève, il faut former des assemblées et élire des comités de lutte, impliquant les syndicats et les organisations qui défendent les intérêts des travailleurs et de la population, et que ces comités se coordonnent et se structurent pour constituer une direction démocratique et unie de la lutte.
Contre la gestion autoritaire de la crise sanitaire, contre l’abandon des services publics, pour des salaires décents et indexés sur les prix, contre la vie chère… contre ce gouvernement au service des capitalistes : tous les travailleurs se retrouvent dans ces revendications. Il faut des manifestations de soutien partout, mais aussi entrer nous-mêmes en lutte. Les syndicats en métropole devraient appeler les travailleurs à soutenir la grève actuelle. Une première manifestation de soutien devrait être appelée rapidement, comme préparation à une journée de grève interprofessionnelle en lien avec la grève générale aux Antilles.
En 2009, 44 jours de grève générale contre la vie chère avaient arraché quelques concessions et la limitation de certains prix. Mais il aurait été possible d’aller plus loin. Les capitalistes, Békés ou venus de métropole, ont cherché à reprendre rapidement ce qu’ils ont du lâcher. Néanmoins, la peur de ces mêmes capitalistes a été telle qu’ils essaient aujourd’hui de prendre une revanche et d’écraser le mouvement.
Pour les travailleurs et la population de Guadeloupe, de Martinique, et de tous les DOM-TOM, la leçon est qu’en plus de syndicats combatifs et actifs, il faut un véritable parti de lutte qui lie ce combat social et contre l’État colonial, pour des droits démocratiques, pour un véritable avenir et contre la catastrophe écologique, un parti de lutte contre le capitalisme. Seul le socialisme, en arrachant des mains des capitalistes les principaux moyens de production et de distribution et en les mettant en propriété publique, gérés démocratiquement par les travailleurs et la population, permettra réellement d’en finir avec les privations et les mauvaises conditions de vie imposées aux Antilles et ailleurs. C’est aussi le combat de la Gauche révolutionnaire. Nous envoyons tout notre soutien à nos camarades de lutte de Guadeloupe et de Martinique !
Virginie Prégny
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