Expulsion sans relogement du squat de Cachan : Borloo et Sarkozy à l’œuvre

Les conditions brutales de l’expulsion des centaines de squatteurs africains de l’ancienne résidence universitaire de Cachan, le 17 août, ont montré l’inhumanité de Sarkozy : sous prétexte d’insalubrité, il a cyniquement jeté à la rue des centaines de familles. Au passage, il a mis en rétention quelques dizaines de sans-papiers dont certains ont déjà été chassés du territoire. Mais cette affaire, un an après les incendies de Paris, illustre aussi la politique générale du gouvernement et ce que fait pour le logement et la cohésion sociale le ministre Borloo.

Article paru dans l’Egalité n°121

Depuis plus de 3 ans, ces familles avaient investi cet immeuble que le Centre Régional des Œuvres Universitaires et Sociales de Créteil avait décidé de détruire plutôt que de le réhabiliter parce qu’il n’était plus aux normes et contenait de l’amiante. En fait, ce CROUS, a réduit des chambres d’étudiant afin d’offrir un juteux marché aux promoteurs immobiliers. C’est pour la même raison que Borloo a programmé la démolition de 400 000 logements sociaux et la vente de dizaines de milliers d’autres à leurs locataires.

La casse du logement social

On dit que l’ancien Préfet du Val-de-Marne a traîné les pieds pour procéder à cette expulsion massive. C’est possible, mais ce qui est sûr, c’est que cette âme sensible n’a pratiquement rien fait pour reloger les familles, y compris celles qui sont en règle et qui peuvent légalement signer un bail dans n’importe quel ensemble locatif. Il faut dire que le département est particulièrement touché par le plan Borloo. Si, en dehors du CROUS, aucune démolition n’est prévue à Cachan, toutes les communes environnantes, de Gauche comme de Droite, ont accepté de raser certaines barres ou certaines tours de leurs cités HLM. Tous les logements qui se libèrent et tous ceux qui sont construits dans le parc social sont donc réservés en priorité au relogement des locataires dont on va rayer de la carte le domicile. Les bâtiments visés sont souvent en bon état. Par contre, pour les immeubles privés vraiment insalubres, comme les 3 qui ont brûlé à Paris l’an dernier, ou celui qui s’est embrasé cet été à Roubaix, faisant 6 morts et 8 blessés, les plans de résorption s’étalent sur 15, 20 ou 30 ans. Là, il n’y a pas urgence : des propriétaires s’enrichissent sur le dos des pauvres, c’est l’essentiel.

A l’heure où nous bouclons ce journal, il est impossible de prévoir l’issue de ce drame social programmé par Borloo et Sarkozy avec la bénédiction de Chirac et Villepin. Le gymnase prêté par la Mairie de Cachan est manifestement inadapté pour accueillir durablement tant de familles. Pour le gouvernement, la seule solution, ce sont des hôtels, loin du lieu de travail des parents, loin des écoles, loin des commerces, où il n’est pas possible de faire la cuisine et où, au bout de quelques semaines, il faut payer un loyer prohibitif, autrement dit chercher un nouveau squat ou un taudis payant, mieux situé. Les sans papiers eux, sont envoyés en centre de rétention avant leur expulsion. Le soutien des artistes et des footballeurs est un bon début, mais cela ne suffira pas à faire reculer le gouvernement.

La hache et le bélier

10 ans après la hache de l’église St-Bernard, le bélier du squat de Cachan. La Droite réactionnaire, toutes tendances confondues, continue son travail de précarisation généralisée pour le compte du MEDEF. En frappant ostensiblement l’immigration, elle essaie de faire croire aux Français sensibles aux idées racistes qu’elle les protège alors que c’est évidemment le contraire : la précarité des sans-papiers aggravée par les lois Sarkozy a pour conséquence directe l’abaissement du coût du travail pour le plus grand profit des patrons et au détriment de TOUS les salariés. La spéculation foncière et immobilière, la casse du logement social condamne la majorité des familles immigrées aux taudis mais conduit aussi à la rue les plus mal lotis des Français de souche et renchérit sans cesse, souvent de façon exorbitante, le budget logement de tout le monde.

Ne pas raser les murs

Grâce à la mobilisation, notamment du Réseau Education Sans Frontières, une petite partie des familles d’enfants scolarisés va bénéficier d’une régularisation dans le cadre de la circulaire du 13 juin. Mais Sarkozy répète le chiffre de 6000 montrant bien que les critères mis en avant par le texte ne sont que poudre aux yeux et que l’arbitraire reste la règle suprême. Pour les familles déboutées comme pour les célibataires et les couples sans enfants scolarisés, l’avenir s’annonce sombre. Il est à craindre que beaucoup ne retournent à la clandestinité mais les plus lucides comprendront que la lutte au grand jour est la meilleure protection et une des conditions d’un changement politique.

La campagne présidentielle qui commence n’est pour le moment pas de nature à répandre l’optimisme. Les héritiers de la Gauche plurielle ne font pas la critique de leurs erreurs de 1997 à 2002. Ils font comme si leur bilan était positif en matière de logement ou d’accueil des étrangers. La loi SRU a certes fixé l’objectif d’au moins 20% de logements sociaux dans chaque commune, mais sans dispositions contraignantes, si bien que les maires les plus réactionnaires préfèrent payer l’amende que de construire des HLM. Quoi qu’en dise le PCF, le passage de Gayssot au Ministère du Logement n’a pas provoqué une relance du logement social. Quant à l’immigration, elle a fort peu bénéficié du gouvernement Jospin. Le droit de vote promis par Mitterrand en 81 reste toujours au-delà de l’horizon. Les 80000 régularisations de 97-98 ne représentent que la moitié des dossiers déposés. Quant aux détestables pratiques discriminatoires patronales, policières et administratives, Chevènement et Vaillant n’ont rien fait pour y mettre un terme. Fabius peut bien parler de régularisation massive, Lang peut bien se faire filmer au gymnase de Cachan, le PCF peut bien parler de service public du logement, leur dernier passage au pouvoir n’a pas été l’âge d’or. Et surtout, leurs politiques municipales actuelles et leurs faibles mobilisations face aux mauvais coups de Borloo et Sarkozy ne laissent rien augurer de bon.

C’est donc à nous d’engager cette mobilisation, cette résistance au capitalisme et au racisme qui finira bien par apparaître aux yeux du plus grand nombre comme le seul moyen de s’en sortir.

Par Jacques Capet