Contradictions de l’économie américaine

Durant les dernières années du 20ème siècle, les économistes libéraux et le patronat nous ont fait l’éloge de la merveilleuse économie américaine, oubliant systématiquement le désastre social qu’elle entraînait dans son sillage.

Article paru dans l’Egalité n°86

Mais ils oublièrent aussi de nous dire que cette période florissante de l’économie était minée par des contradictions : le déficit commercial et le surendettement de l’Etat, le surendettement des ménages et des entreprises, et l’investissement extérieur. Le déficit commercial aura atteint entre Janvier et Novembre 335 milliards de dollars dépassant les 4% du PIB. Un score encore inégalé jusqu’à maintenant. Ce déficit provoquerait dans n’importe quel autre pays une grave crise économique. Ce qui sauve momentanément les USA c’est le statut particulier du dollar. Mais comme le soulignait le Wall Street Journal du 14 août, il adviendra bien un jour où les investisseurs, estimant que ce déficit est trop important, perdront confiance dans le dollar et retireront leurs investissements.

L’économie américaine dépend de plus en plus des investissements extérieurs : la proportion de fonds venant de l’étranger, qui favorisa aussi la croissance, s’accroît chaque année, attirés jusqu’à maintenant par la hausse des actions et du dollar. La dette financière nette des USA envers le reste du monde est devenue si large que les paiements sur les biens financiers américains appartenant à des étrangers dépassent de 12 milliards de dollars à la fin 1998 les revenus sur les biens à l’étranger appartenant aux Américains. Ce rapport était inverse jusqu’en 1987. La dette externe des USA avait atteint 1500 milliards de dollars en 1998 soit 18% du PNB. Mais ce qui hier était une force peut demain devenir une faiblesse. Il suffirait que les investisseurs étrangers voyant, là encore, leurs intérêts menacés retirent leurs fonds pour que l’économie américaine subisse de larges dommages.

Afin de soutenir la consommation, les investissements et l’achat d’actions les sociétés et les ménages américains se sont endettés en prenant des crédits. Le surendettement a atteint des niveaux historiques. La moyenne d’endettement des particuliers est de 8000 dollars. La proportion des passifs totaux des foyers américains par rapport à leurs revenus disponibles est passé de 77,8% sous Reagan à 94,2% sous Clinton. Mais les dividendes des actions achetées ne permettent ni l’enrichissement personnel ni la consommation puisque les statistiques de la Réserve fédérale montrent que la plupart des fonds obtenus pour financer les nouvelles dépenses proviennent de nouveaux emprunts. Le taux net d’épargne, quant à lui, est devenu négatif depuis 1997. Selon l’économiste Wynn Godley, dans une étude publiée en juin dernier, « Les niveaux élevés d’endettement posent à présent un risque ; s’il y avait une grande chute des valeurs ou de la bourse, ou une autre augmentation des taux d’intérêt, des positions menacées deviendraient évidentes, ce qui provoquerait une spirale de ventes forcées. » [ce qui ferait chuter les bourses américaines dans un premier temps. NdA]. Cependant l’économie est tellement dépendante de la consommation qu’il n’est même pas envisageable pour remédier à ce problème de diminuer les dépenses et de favoriser l’augmentation du taux d’épargne. Ceci entraînerait aussi une récession et une chute des cours boursiers.

La crise économique est belle et bien installé aux USA, mais le Capital n’a plus de marge de manœuvre pour y remédier. Une nouvelle fois la classe ouvrière américaine et mondiale va payé les pots cassés.

Par Yann Venier