Brésil : Non à la collaboration de classes

La victoire de Lula n’est qu’une première victoire de la classe ouvrière. Ce n’est qu’une étape vers l’établissement d’une société où l’économie sera gérée démocratiquement par les travailleurs pour satisfaire les besoins de tous. En aucun cas, tout comme Chavez au Venezuela, Lula est un sauveur ou un tribun qui changerait le système et effacerait d’un coup toutes les inégalités. Ce changement de société sera effectué par les travailleurs eux-mêmes, par le contrôle de leurs luttes et de leur destin.

Article paru dans l’Egalité n°99

Cette réussite aux présidentielles est à double tranchant pour les partisans d’un tournant à droite du Parti des travailleurs à travers une alliance avec les libéraux et les patrons. Car, outre le fait de se compter, ces élections ont permis aux jeunes, aux travailleurs et aux chômeurs de prendre conscience du poids politique qu’ils pouvaient avoir, avec pour corollaire l’émergence de toute une série de revendications qui vont entrer en contradiction avec les intérêts des alliés libéraux du nouveau président, mais aussi avec son propre programme.

Comment vouloir ainsi résorber les inégalités et la misère alors qu’on a de cesse de vouloir rassurer les investisseurs locaux et étrangers et que l’on ne veut pas toucher à l’accord avec le FMI ? Comment oser prétendre combattre le chômage alors que l’on nomme un patron ministre du développement et de l’industrie, Luiz Fernando Furlan ?

Comment oser déclarer que l’on va résoudre le problème de la faim au Brésil alors que le paiement de la dette dévore 60% du PIB brésilien et que l’on refuse d’arrêter ce racket ?

Le piège du Pacte social

C ‘est que Lula est dans une situation très délicate qui ne peut que s’aggraver au cours des mois. Il ne peut résoudre la contradiction qui pourtant l’a fait élire. En voulant servir les patrons et en se présentant comme le président des pauvres, Lula compte sur son fameux Pacte social pour arriver à faire coïncider ces deux camps antagonistes. Il « surfe » sur l’illusion, présente chez de nombreux travailleurs, consistant à voir dans cette logique de compromis un moyen d’amener le patronat à concéder du terrain.

En réalité ce pacte social va surtout être un moyen d’assurer les intérêts du patronat et des capitalistes, en amenant les travailleurs à faire de nouvelles concessions pour le plus grand profit de leurs exploiteurs. La peur de la misère et la situation catastrophique de l’économie en Amérique du sud leur font croire qu’il y a un intérêt commun entre patrons et travailleurs : sauver l’économie brésilienne. C’est oublier que les bénéfices des uns se font sur le dos des autres : sauver l’économie capitaliste, c’est sauver l’exploitation des uns par les autres, c’est préserver la misère et le chômage. La collaboration de classes n’a jamais servi les intérêts des travailleurs et des opprimés. Lula le sait bien mais son but véritable est de se présenter aux patrons et aux investisseurs comme celui qui pourra assurer la paix sociale sans que le marasme économique n’attaque les bénéfices.

Cette position ne tardera pas à placer Lula en porte à faux par rapport aux luttes offensives des jeunes et des travailleurs qui vont sans doute se développer, conséquences des présidentielles. Lula sera alors perçu non plus comme un homme qui veut changer le système mais comme un dirigeant prétendant être un meilleur gestionnaire du capitalisme que les libéraux eux-mêmes.

Le réveil de la Gauche du PT ?

Les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. La solution ne viendra certainement pas dans la collusion entre la direction du PT et les libéraux, mais dans le développement d’un vaste mouvement social. Aussi, la gauche du Parti des travailleurs, bien qu’actuellement dispersée et ne constituant pas une alternative réelle à la direction, devra alors prendre ses responsabilités et accomplir sa tache d’explication et d’organisation des luttes.

Son rôle est d’accompagner, de développer et d’unifier les luttes des travailleurs en expliquant que le vote pour Lula n’était qu’une première étape et que c’est en descendant dans la rue pour réclamer leur dû, en récusant les ministres au service des riches et en refusant la logique de compromis avec la bourgeoisie qu’ils seront une force politique incontournable et créatrice d’une autre société.

Par Geneviève Favre