Il n’a fallu que 10 minutes pour que la petite communauté de Bento Rodrigues, dans le district de la cité minière de Mariana, soit effacée de la carte le 5 novembre dernier. Plus de 40 milliards de litres de produits toxiques industriels ont formé un tsunami lors de la rupture d’un barrage de la société minière Samarco qui recueillait les rejets de l’extraction minière de fer. Après une douzaine d’heures, les déchets ont atteints la cité de Barra Longa, à 80 kilomètres de distance, atteignant les toits des maisons sur sa route. Les produits toxiques ont suivi le Rio Doce, entrainant des dévastations sur plus de 500 kilomètres jusqu’à la mer.
Par Marcus Kolbrunner, Liberdade, Socialismo e Revolução (section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière), article initialement publié en portugais le 28 novembre
13 cadavres ont été trouvé jusqu’à présent – des mineurs pour la majorité – et 11 ont peut être encore disparu à jamais. Les effets pour l’écosystème local sont incalculables. Les déchets ont détruit des algues qui protègent le fleuve, tuant les poissons et la végétation du lit du Rio Doce, un écosystème où vivent beaucoup d’espèces. Le même résultat s’est produit en mer. Cette zone côtière est un endroit où une espèce de tortues menacée d’extinction a été frappée par les déchets toxiques. Le mois de novembre a connu un pic de décès parmi cette espèce. Une génération entière est menacée. A chaque forte pluie, une nouvelle vague de déchets arrivera depuis le fleuve jusqu’à la mer.
« Il y a des espèces animales et végétales ici qui pourraient être menacées d’extinction a partir de maintenant », a dit le biologiste André Ruschi, qui considérait que ce cas « assassine le cinquième plus grand bassin hydrographique brésilien ». Cela prendra plusieurs dizaines ou centaines d’années pour que la nature récupère des effets de cette catastrophe. La zone couverte par l’inondation « va se transformer en désert de déchets toxiques », comme le dit Mauricio Ehrlich, professeur de géotechnique de Sao Paulo. Certains effets sont irréparables et irréversibles, comme l’extinction de certaines espèces végétales et animales.
L’intégralité des indigènes krenaks on bloqué une ligne ferrovière qui relie Vitoria à Minas Gerais, le 13 novembre, en protestation contre la mort du fleuve, duquel ils dépendent pour vivre. L’écoulement de l’eau a été interrompu pour des centaines de milliers d’habitants. La ville du gouverneur Valadaraes, avec 278 milles habitants, n’est revenue à obtenir des réserves d’eau pour que la ville entière survive que pendant 11 jours.
Le gouverneur fédéral n’a pas réagit. La présidente Dilma a survolé la zone dévastée une semaine après la catastrophe. Mais le gouvernement reconnait maintenant qu’il s’agit de la plus grande catastrophe écologique de l’histoire du pays.
Cette tragédie a des coupables : la société minière Samarco ; le système politique, qui a approuvé la politique des grandes compagnies minières qui financent son système électoral ; et le système économique – le capitalisme – qui met le profit au dessus de tout !
Le chemin de la catastrophe
L’entreprise Samarco est contrôlée par les deux plus grandes compagnies minières du monde : BHP Billiton (anglo-australienne) et Vale. Elles ne fonctionnent que pour amasser plus de profits. Le peuple ou l’écosystème local ne sont pas pris en compte pour favoriser les intérêts de ces entreprises.
En dépit de la baisse du prix du minerai, Samarco a maintenu un profit immense . En 2014, son profit fut de 2,8 milliards. De tels chiffres ne se trouvent que dans le secteur bancaire. L’entreprise a exporté le fer dans 20 pays différents et est le dixième plus grand exportateur du Brésil.
Les résidus de l’extraction de minerai (à savoir, la bouillie composée des produits chimiques utilisés pour séparer le fer de roche) sont stockés de la manière la plus bon marché possible, avec des barrages gigantesques. Il existe des centaines de ces constructions dans le pays, avec peu d’inspection pour garantir la sécurité autour de ces barrages. Le département national de production minière, lié au ministère des mines et de l’énergie, n’a (jusqu’en novembre de cette année) utilisé que 13,2% des moyens prévus dans le programme de surveillance des activités minières, en raison de la crise budgétaire.
Samarco a construit différents barrages pour les déchets toxiques de ses exploitations minières. Celui qui a rompu est le barrage de Fundao, avec une capacité de 55 milliards de litres, qui était en travaux afin d’augmenter sa capacité. Lorsqu’il a lâché, son contenu s’est déversé sur celui de Santarem, localisé bien plus en aval du fleuve. Ces deux barrages avaient reçu un renouvèlement de leur licence d’exploitation en 2013, malgré qu’une étude du ministère public avait pointé de serieux risques de sécurité.
Depuis que le barrage a rompu, Samarco a continué à affirmer que les barrages de Satarem et de Germano (des barrages desactivés mais pleins de polluants) étaient surs. Deux semaines après la catastrophe, l’entreprise a admis que ces barrages étaient aussi en péril.
Un des graves problèmes était que lors de la catastrophe du 5 novembre, Samarco ne disposait pas de système d’alarme sonore qui aurait pu alerter les habitants de Bento Rodrigues, à 2,5 kilomètres à l’aval des barrages. Un système n’a été installé que par la suite. En 2009 l’entreprise avait reçu l’injonction d’installer un tel système, mais y a renoncé afin de faire plus de profits.
Le pouvoir des compagnies minières
Les compagnies minières ont historiquement une grande influence sur le système politique brésilien. Ceci se voit à tous les niveaux. Il y a trois commissions parlementaires qui vont enquêter sur la catastrophe : le congrès national, les assemblées législatives de Minas Gerais et de Espirito santo. Dans toutes ces dernières, il y a des parlementaires qui ont étés élus grâce à l’argent des compagnies minières.
Il y a aussi une commission de députés qui sont en train d’élaborer un nouveau code d’exploitation minière pour substituer l’ancien, de 1967. On peut s’attendre à la même dérégulation que celle du code des exploitations forestières. Des 21 députés de la commission, 11 ont vu leur campagne électorale payée par les lobbys des entreprises minières. Le dirigeant de la commission, Leonardo Quintao, a reçu 1,8 millions des compagnies minières pour sa campagne électorale de 2014.
Après la catastrophe, la commission a revu son projet de loi visant à accroitre le nombre de mesure de sécurité pour les mines. Ce qui fut avalisé est l’article 119, qui subordonne chaque mesure à la défense de « potentiellement affaiblir l’activité des compagnies minières ». Cela affectera la démarcation des territoires et la protection de l’écosystème.
Ce texte sera un pas en arrière. Par exemple, il ne parle plus de l’obligation des compagnies minières d’éviter la pollution de l’air et de protéger les ressources d’eau potable. Au lieu de parler de préservation, il parle de « récupération des zones impactées ». Le nouveau code décrit aussi le droit des compagnies minières « d’utiliser l’eau nécessaire pour leurs opérations». S’il existe une mine, le droit de polluer l’eau est automatiquement accordé !
Au niveau de l’état, le 25 novembre, la loi 2946/15 a étée approuvée, sur l’autorité du gouverneur Fernando Pimentel (PT), qui désormais, a plus de facilitation pour le processus de légiférer sur les licence environnementales. Le projet fut mis en place sous l’état d’urgence à l’assemblée législative de Minas Gerais et a reçu beaucoup de critiques concernant la protection de l’environnement.
Finalement, au niveau local, des municipalités ont été marginalisées au profit des compagnies minières. Le préfet local de Mariana, Duarte (PPS) a notamment déclaré : « si nous interdisons l’extraction, cela va appauvrir toute la région et en plus, 80% de l’économie de la ville dépend de cette entreprise ».
Qui va payer ?
Le « centre for science in public participation » australien, qui documente les destructions de barrages de ce type depuis 1915, clame que c’est la plus grande catastrophe de rupture de barrage et de rejets polluants de l’histoire. Il s’agit d’un événement 40 fois plus grave que celui qui survint en Hongrie en 2010, par exemple.
Samarco a déjà été condamné à une amende de 250 millions de réals, mais il faut encore savoir ce que l’entreprise payera réellement. Seuls 8,7% des amendes qui lui ont été imposées avaient été payées entre 2010 et 2014. Le reste est bloqué par la bureaucratie ou simplement ignoré en espérant un accord d’amnistie sur la pollution de l’écosystème.
En plus des amendes, Samarco a été condamnée par le ministère public brésilien à payer un milliard de réals pour le travail de nettoyage, pour sustenter les familles touchées par la catastrophe, pour amenuiser les effets de la pollution et pour commencer le processus d’assainissement et de récupération des eaux usées. C’est totalement insuffisant.
Le juge Frederico Gonçalves, de Mariana, a voulu débloquer 300 millions de réals du compte de la compagnie minière le 11 novembre en guise de réparation aux victimes. Mais la justice ne peut ponctionner que 8 millions sur les comptes de l’entreprise. « mais il y avait 2 milliards de réals sur ses comptes le 31 décembre 2014, cet argent s’est envolé».
Le gouvernement fédéral a annoncé le 27 novembre qu’il va mettre en place une action civile publique contre Samarco pour poursuivre en justice l’entreprise et ses collaborateurs, Vale et BHP, et pour constituer un fonds de 20 milliards de réals pour la réparation des dommages causés par la rupture du barrage.
Il est certain que ce n’est pas suffisant. De plus, s’il faut faire des comparaisons avec l’explosion de la plateforme petrolière de BP en 2010 dans le golfe du Mexique, qui a tué 11 travailleurs et a causé une marrée noire gigantesque, BP a récemment conclu un accord portant sur l’équivalent de 200 milliards de réals pour les amendes et les travaux d’assainissement du site.
S’attaquer aux racines du problème
Nous ne pouvons accorder la moindre confiance aux méthodes du gouvernement et des politiciens payés par les compagnies minières. La toute première action doit être l’établissement d’une commission rogatoire populaire indépendante – avec des représentants des mouvements sociaux, des syndicats, de la population de la région affectée et des peuples indigènes – qui pourra aussi procéder à des perquisitions, avec la collaboration de chercheurs d’universités publiques, qui ont déjà de leur côté lancé une commission parallèle avec des représentants des universités publiques.
Les responsables doivent être punis, avec la confiscation de leurs biens. la garantie d’emploi doit être assurée aux travailleurs, les familles affectées doivent être indemnisées pour la perte de leurs biens. Un plan visant à l’indemnisation totale des familles doit être instauré avec de l’argent pris chez les compagnies minières !
Samarco et Vale doivent être nationalisées et mises contrôle et gestion démocratique des travailleurs. Les entreprises nationalisées ne peuvent pas être traités comme des propriétés privées pour faire du profit au détriment de l’écosystème et des travailleurs ; nous devons rompre avec la logique de marché capitaliste. Toute extraction doit être faite à partir d’un plan démocratique qui garantit la conservation de l’environnement et le respect des droits de la population locale.