Le site « Anti K » qui fait un décompte des luttes au quotidien a recensé 2064 grèves et luttes en France en 6 semaines, du 1er septembre au 15 octobre 2015.
C’est évidemment beaucoup et très loin de ce que peuvent dire ces jours-ci les dirigeants politiques et commentateurs divers, qui tous, expliquent en s’appuyant sur une étude du ministère du travail qu’il n’y a aucun lien entre la radicalité des chemises déchirées à Air France et l’état social du pays, qui, selon eux, n’aurait jamais connu aussi peu de grèves.
Cette enquête d’Anti K dément totalement les études du ministère du travail qui n’établit ses mesures de grèves qu’au bon vouloir des déclarations des patrons, et qui ne compte pas les grèves dans les petites entreprises, dans la fonction publique, le secteur non marchand et enfin les grèves de courte durée, c’est-à-dire l’essentiel des luttes actuelles. Bref l’État mesure les grèves là où il y en a peu, pour laisser ensuite conclure ses représentants politiques qu’il n’y en a pas… et que les chemises déchirées à Air France sont un accident qui ne se reproduira pas.
Or, s’il y a bien une chose que nous apprend le recensement d’Anti K et ce qu’on a pu voir aussi au large soutien populaire au geste des salariés d’Air France malgré la campagne politique et médiatique haineuse, c’est qu’une bonne partie des grèves actuelles a justement le caractère de celle d’Air France : il n’y a pas un Air France mais des dizaines.
En effet, la majeure partie des grèves de ces 6 semaines, dans de petites entreprises ou services, qui ont lieu le plus largement dans les hôpitaux, à la Poste, chez les chauffeurs de bus urbains et enfin chez les employés municipaux et territoriaux, mais aussi beaucoup dans le privé, ont porté sur les conditions de travail. Ce n’est certes pas nouveau mais avec cependant cette fois quelque chose de différent, de plus offensif. Les licenciements ont conduit à une profonde détérioration des conditions de travail pour ceux qui restent, à une souffrance au travail qui est dénoncée dans ces luttes mais aussi à un management par la peur et à une sélection d’une hiérarchie en cravate et chemise qui utilise des méthodes de pressions, de harcèlement, divisant, dégoûtant, brisant des salariés sous la menace de la sortie et du chômage. En sachant que 25% des salariés se disent harcelés, 500 000 ont été en dépression et que le chômage tue entre 10 et 20 000 personnes par an, selon une étude médicale.
En conséquence de cette situation et d’une conjoncture politique où tous les grands organes de coordination syndicaux et politiques ouvriers accompagnent la politique d’austérité menée par le gouvernement de gauche, beaucoup de salariés dans ces grèves émiettées sur les conditions de travail choisissent l’efficacité de ces circonstances, et exigent de « dégager » les directeurs, responsables les plus atteignables de la politique de « brutalisation » des rapports au travail, en attendant de pouvoir faire mieux. Du coup, ces cadres quelque peu « bousculés », perdent autorité et pas mal sont virés, mutés… pour éviter des embrasements plus importants. Bref un climat comme à Air France qui permet quelques succès, permet de mesurer une sympathie générale et encourage ainsi à continuer et aller
plus loin, un peu plus conscients des possibilités d’ensemble.
Par Jacques