Au début du siècle dernier, les grèves dites de « dignité » contre le harcèlement au travail

La couverture médiatique des violences faites aux femmes depuis #MeToo voudrait nous convaincre que toutes les femmes subissent les mêmes oppressions et que sur ces questions il n’y a pas de division de classe. Cette question, loin d’être nouvelle, est bien ancrée dans les rapports de violence et de domination qu’implique l’exploitation capitaliste, et que les femmes subissent doublement (en tant que femme et en tant que travailleuse).

Article tiré de notre brochure contre le sexisme et le capitalisme que vous pouvez vous procurer ici ou directement auprès de nos militants.

En novembre 1892, la loi dite de « protection du travail des femmes » a pour effet de consacrer leur situation précaire. Elle entérine des secteurs professionnels interdits aux femmes et renforce l’idée qu’elles sont une concurrence pour les hommes, légitimant les inégalités de traitement et les différences de salaires.

Elle déclenche de nombreuses grèves d’ouvrières dans l’industrie, jusque dans les années 1930, contre les conditions d’exploitation. Ces grèves appelées « grèves de dignité » liaient le refus de continuer de se laisser maltraiter par le patron ou le/la contremaître, en plus de devoir subir des conditions de travail et de salaires indignes, à la limite de l’esclavage. Pour la seule année 1893, on compte 55 grèves liées à l’application de la loi de 1892, atteignant 350 établissements, et 20 000 grévistes dans 20 départements.

On peut noter que pour beaucoup la revendication principale était de s’opposer au harcèlement sexuel (elles ont été totalement ou partiellement victorieuses) : les grèves dans les Manufactures des Tabacs et Allumettes ( en 1895, 1897, 1899), celle des ouvrières de la porcelaine de Limoges (1905), des fromagères de Roquefort (1907) ou encore des sucrières de la raffinerie Lebaudy en Normandie (en 1902 et 1913).

Dans beaucoup d’usines, le salaire se fait à la pièce, le pouvoir du contre-maître et du patron est dès lors énorme, puisqu’il peut choisir à qui donner les pièces, combien en donner, etc. Pour les femmes, le chantage aux avances sexuelles est courant. A chaque fois, les ouvrières ont dénoncé publiquement leurs agresseurs et ont fait appel aux collègues de leur usine, aux ouvrières des autres usines et ateliers de la ville et aux syndicats pour forcer le patronat à plier. La syndicalisation féminine a d’ailleurs fortement augmenté à partir de cette période, forçant syndicats et partis de gauche à plus prendre en compte la double oppression des femmes travailleuses. Ainsi, elles ont pu gagner à la fois sur les revendications économiques (pour tous) et contre l’oppression sexiste.

L’entrée fracassante de ces femmes dans la lutte des classes, bien qu’ignorée depuis par l’Histoire bourgeoise, a largement contribué à améliorer la condition des femmes et plus largement la condition ouvrière dans son ensemble. Elles nous montrent la voie à suivre.

En 1924 à Douarnenez (Bretagne), les ouvrières des conserveries de sardines ont mené une grève de six semaines pour exiger l’augmentation des salaires. À la fin de la grève, « Dans la conserverie, c’est la fin du patronat de droit divin ».