La démocratie, un fondement de l’Union Européenne ?

A l’heure où nous entrons dans l’Euro, faisons le point sur la nature de cette institution qu’est l’Union Européenne et sur les nombreuses questions qui se posent aussi à propos de son élargissement.

Article paru dans l’Egalité n°92

Nombreux sont ceux qui pensent que l’institution européenne peut avancer les idées progressistes en matière de développement des services publics ou de défense des droits des sans-droits en Europe occidentale mais aussi vers de nouveaux pays. Il en va de même dans les relations internationales, et les possibilités de circulation des personnes, certains espèrent que l’UE développera une stratégie plus humaine et plus près des peuples.

Nous ne le pensons pas. Alors qu’en est il vraiment ?

Contrôler l’Union Européenne ?

L’Union Européenne clame haut et fort la démocratie de son fonctionnement. Alors décortiquons un peu les choses. Il existe un Parlement élu au suffrage universel dans chaque pays. Cependant c’est la commission européenne qui propose les lois, le parlement lui ne fait que délibérer !

A certains moments, des référendums s’opèrent dans les Etats-membres. Triste souvenir que le référendum du Danemark qui rejette le traité de Maastricht en 1992 et qui est bafoué par un nouveau référendum quelques mois après !!! Aujourd’hui c’est l’Irlande qui refuse de ratifier le traité de Nice décidé il y a un an. Déjà on parle d’un nouveau vote pour ratifier : quelle belle leçon de démocratie ! Le contrôle de cette institution qui réglemente plus de 70 % des lois en France est donc impossible et bidon. Elargir l’Union Européenne : une démocratie en trompe-l’oeil !

L’Europe a pour but de s’élargir à de nombreux pays. Seuls 15 des 47 pays de l’Europe géographique sont membres. L’UE se donne des objectifs très clairs : « étendre l’influence de l’UE dans le monde au niveau économique », sécuriser cette zone… Là encore l’idée d’Europe-forteresse s’impose. On peut circuler librement à l’intérieur mais pas tout de suite pour les membres à venir. De même, il est envisagé de donner des nombres de voix différents selon l’importance du pays. Les membres fondateurs auront plus de voix que les autres pays !

Le respect de la démocratie et des droits de l’Homme est affiché comme un critère d’adhésion à l’Union européenne. A ce jour, ce critère pose problème uniquement pour la Turquie parmi les pays demandeurs. Ainsi la Bulgarie, Chypre, Malte, l’Estonie, la Slovaquie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque et la Roumanie sont des pays « démocratiques ». Ne nous attardons pas sur les minorités tziganes en Slovaquie, sur les affrontements entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs, sur les droits des femmes dans la très catholique Pologne… L’Union Européenne n’a pas à donner de leçons de démocratie vu le sort qu’elle réserve aux sans-papiers dans ses pays ou encore les lois sécuritaires qui restreignent les libertés de tous.

Pour démontrer encore une fois cette démocratie de façade, prenons l’exemple de la Turquie. Ce pays est en négociation pour devenir membre mais « le développement de l’économie de marché [dans le pays] s’accompagne de certaines anomalies dans le système politique […], dans le respect des droits de l’Homme et dans le traitement des minorités »(1). Que d’hyprocrisie ! On fait peu de cas des Kurdes, et on signe un accord de pré-adhésion qui instaure des rapports économiques privilégiés avec l’Union, il n’y a pas de temps à perdre. La démocratie n’est pas un critère préalable pour nos gouvernements. Le critère économique est donc le principal pour être membre. Dans la plupart des pays d’Europe de l’Est, leur principal obstacle reste qu’une grande partie de l’économie est encore propriété d’Etat. C’est donc une Europe profondément inégalitaire qui se construit aujourd’hui.

Une Europe réellement unie : une impossibilité pour les capitalistes !

Tous les jours, l’Union européenne montre ses divisions dès que les intérêts entre puissances impérialistes sont trop concurrentiels. Ainsi, l’exemple de l’Afghanistan est significatif. La lisibilité de la politique étrangère commune est plus que floue. Chacun cherche à s’imposer sur le terrain pour se partager le gâteau, l’Allemagne gagne le droit d’organiser la conférence à Bonn, l’Angleterre est l’allié des Etats-Unis et la France montre son affaiblissement politique dans cette région à travers le marasme de l’intervention militaro-humanitaire à Mazar-é-Charif !

Là encore, on peut voir que cette Europe unifiée des capitalistes ne peut jamais s’entendre lorsque leurs intérêts nationaux s’opposent ! Les intérêts des capitalistes ne peuvent converger vers le bien-être pour tous ! Cette institution internationale, sous des habits de démocratie et de puissance connaît en fait un équilibre précaire.

A nous de faire s’écrouler cet édifice et d’en construire un autre dont les piliers seront plus solides.

Pour une Europe des jeunes, des salariés et des chômeurs ! Une Europe socialiste !

Nous sommes contre l’Union Européenne parce que nous sommes pour une Europe réellement démocratique. Cette démocratie passe par le fait d’organiser collectivement la satisfaction des besoins de chacun et de tous. Ceci est loin d’être utopique. Les salariés qui luttent ont su se regrouper au niveau européen et même parfois international contre les attaques gouvernementales et patronales. D’ores et déjà, des regroupements, des manifestations, des mouvements se construisent contre la mondialisation capitaliste. C’est aussi en rejetant tout le système capitaliste et en construisant ensemble une alternative à ce système, et à partir de ces expériences que nous poserons les jalons d’une Europe réellement démocratique, socialiste.

Par Leïla Messaoudi

(1) Rapport Union Européenne sur « L’élargissement de l’Union » http://europa.eu