La zone euro était une des régions les plus touchées par la crise qui a commencé en 2008 avec la crise des subprimes aux États-Unis. Il s’agit de la crise la plus grave depuis celle de 1929 et dans la zone euro cette crise est devenue une triple crise: une combinaison d’une crise financière, d’une crise économique et d’une crise de dettes souveraines (dettes des États).
Des plans de relance très massifs et un sauvetage important des banques en difficulté dans les pays économiquement puissants comme la France et l’Allemagne ont évité que la crise devienne encore plus importante. Cela n’a pas empêché qu’un pays comme la Grèce fasse faillite et qu’une grande partie de sa population vive aujourd’hui dans la pauvreté. Malgré quelques embellies timides et temporaires de l’économie et la constitution d’un fonds de 500 milliards d’euros par les États membres (mécanisme européen de solidarité, MES), la zone euro risque de plonger à nouveau dans une période de crise, dans une période de déflation et de stagnation, probablement doublée d’une nouvelle récession sous quelque mois.
D’une austérité généralisée à une déflation généralisée ?
L’austérité généralisée dans la zone euro a un effet direct et négatif sur la demande, donc sur la croissance. Au deuxième trimestre 2014, la croissance économique est à nouveau au point mort : 0 % en France, -0,2 % en Allemagne, en Italie et en Grèce. Selon Eurostat, le taux d’inflation était à 0,4 % en juillet pour la zone euro, ce qui est très faible.
Une déflation généralisée pointe son nez dans la zone euro qui aurait des conséquences dramatiques pour les travailleurs, déjà touchés fortement par les politiques d’austérité, le chômage et la pauvreté.
La déflation est le contraire de l’inflation: il s’agit d’une baisse généralisée des prix et des salaires.
D’où vient cette baisse des prix ? Dany Lang, chercheur en économie à l’Université de Paris 13, l’explique ainsi: «C’est un problème de demande généralisé.
Les principaux clients des Européens sont des Européens, et si tout le monde mène des politiques d’austérité, la demande baisse; et si la demande baisse, les entreprises n’arrivent pas à écouler leurs stocks, et donc forcément ça fait baisser les prix.» La déflation est donc bien plus qu’une simple baisse des prix, c’est une spirale négative qui entraîne
toute l’économie.
La spirale déflationniste
Une spirale déflationniste pourrait se déclencher prochainement dans la zone euro : à cause de la baisse des prix, les entreprises doivent réduire leurs coûts de production et les salaires. Les consommateurs ont par conséquent moins de pouvoir d’achat et plus de difficultés à rembourser leurs crédits. Ils achètent donc moins, reportent les achats et en particulier les gros achats (électroménagers, voitures, etc.) ce qui provoque une baisse générale de la production. Dans certains secteurs les prix pour les marchandises peuvent tomber en dessous du prix de production ce qui entraîne une vente à perte et à moyen terme une série de fermetures d’entreprises avec des licenciements de masse à la clé (puisque les capitaux ne restent pas très longtemps dans un secteur déficitaire, ni dans un secteur qui génère peu ou pas assez de profits).
Cette contraction des prix provoque aussi une hausse des taux réels: vu la baisse des résultats des entreprises, les banques sont plus réticentes pour leur accorder des crédits et relèvent leurs taux d’intérêt.
Ceci contribue à contracter davantage les capitaux investis dans la production (déjà assez faibles comparés aux capitaux qui circulent sur les marchés financiers) et donc l’activité économique.
Ce phénomène de spirale déflationniste a fait des ravages pendant la grande dépression des années 1930 et au Japon durant les années 1990.
La politique de la Banque centrale européenne
Face à ce risque de nouvel écroulement de l’économie de la zone euro, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a annoncé le 4 septembre 2014 des mesures qui semblent drastiques : un baisse de son taux directeur à 0,05 % (un bas historique) et l’achat massif de créances titrisées d’entreprises (ABS), donc en gros achat des dettes des entreprises ce qui est à nouveau un gros cadeau au patronat. De plus, la BCE met en place une politique «d’assouplissement quantitatif», qui consiste à racheter massivement, sur les marchés financiers, des titres privés ou publics, en échange la Banque crée massivement de la monnaie. Il s’agit donc de la vieille recette de «planche à billets», c’est à dire augmenter massivement la quantité de monnaie en circulation.
Et tout cela avec la prétention de permettre aux banques d’élargir les crédits aux entreprises pour relancer l’économie. Or, les banques ont utilisé et vont prochainement utiliser ces masses d’argent pour alimenter les marchés financiers, autrement dit pour spéculer massivement (faute de perspectives de faire des profits suffisants dans la production).
Les contradictions du système capitaliste s’accentuent
Aucune politique monétaire des banques centrales ne peut réellement contrer les causes profondes des crises économiques capitalistes. C’est vrai que les afflux de liquidité notamment de la Banque centrale américaine (FED), triplés entre 2008 et 2013 (!), ont pu temporairement amortir le choc aux États-Unis mêmes, mais aussi en Europe. Tout cet argent gonfle les bulles spéculatives et les problèmes structurels de l’économie «réelle» deviennent des plus en plus importants, renforcés par la politique d’austérité, donc les restrictions budgétaires.
«Nous sommes dans une situation de trappe de liquidités ». Ce n’est pas un problème de taux d’intérêts. On peut injecter autant de liquidités que l’on veut ça ne changera rien. Le problème est celui de la demande et donc de la politique budgétaire.» (Dany Lang).
Comme les gouvernements européens différents ne veulent pas s’en prendre aux profits des grandes entreprises, les politiques d’austérité vont être poursuivies ce qui alimentera davantage la spirale déflationniste.
Néanmoins, le pire scénario pour les travailleurs n’est pas complètement exclu: un processus de déflation avec toutes ces conséquences désastreuses (baisse des salaires, chômage de masse,…) combiné à une hausse des prix continue des biens de première nécessité (aliments etc.). Ce serait alors encore moins envisageable que le pouvoir d’achat et la croissance reprennent, et une crise économique durable, à l’image du Japon des années 1990, s’installerait.
Sortir du capitalisme pour sortir de la crise
La classe ouvrière à l’échelle mondiale – y compris dans les pays les plus riches comme la France – a déjà suffisamment souffert des crises économiques, des guerres, de la pauvreté et de la misère engendrées par le capitalisme. Il est de temps de mettre fin à ce système capitaliste et d’ouvrir un nouveau chapitre de l’humanité: celui d’une société socialiste dans laquelle une économie planifiée, débarrassée de la course aux profits, gérée par les travailleurs eux-mêmes garantira une vie décente et la satisfaction des besoins de toutes et tous.