Pourquoi et comment bloquer les sommets internationaux ?

Depuis les manifestations de Seattle, des millions de gens s’organisent pour dire non à ces politiques qui mettent le profit avant les hommes. Le capitalisme est un système économique fondé sur l’exploitation : c’est la même logique qui permet de licencier des milliers de travailleurs en Occident pour mieux exploiter d’autres travailleurs (voire des enfants) dans des pays en voie de développement.

Article paru dans l’Egalité n°90

Et c’est ce même système qui pousse des hommes et des femmes désespérés à se sacrifier dans des attentats suicides. L’horreur de ces attentats doit-elle remettre en question la légitimité de la lutte anti-mondialisation ?

Les attentats qui ont frappé les Etats Unis ont eu lieu à une période où le ras le bol des jeunes et des travailleurs se faisait de plus en plus entendre. Les luttes sociales reprenaient de la vigueur et le mouvement anti-mondialisation commençait à prendre de l’ampleur. A ce mécontentement les gouvernements ont répondu par les brutalités policières qui ont fait de nombreux blessés et même un mort (à Gênes). Une fois de plus, les dirigeants de ce monde, relayés par les médias, tentent de diviser les jeunes et les travailleurs en criminalisant les luttes en général et le mouvement anti-mondialisation en particulier, en faisant un parallèle entre le terrorisme et les actions menées pour bloquer tel ou tel sommet des puissants.

Notre position face aux attentats suicides et aux méthodes terroristes est claire : nous nous opposons fermement à ce genre d’actions car où elles ne font pas avancer la lutte des peuples opprimés. On le voit encore aujourd’hui, les attentats aux Etats Unis ont ravivé le racisme contre les Arabes et contre les Musulmans. Au lieu d’affaiblir le gouvernement Bush, les attentats l’ont en fait renforcé puisqu’il n’est plus question aujourd’hui de dénoncer la politique anti-sociale, raciste, anti-écologiste…de ce gouvernement dans une telle situation de crise et au bord de la guerre. C’est l’alliance sacrée derrière la  » grande démocratie américaine  » qui prime.

Aujourd’hui l’heure est à l’action et nous ne devons pas nous laisser intimider par les manœuvres d’une poignée d’hommes qui craignent pour leur pouvoir et leur argent. Toute l’horreur des attentats n’efface pas la misère, le racisme, les licenciements ; bien au contraire, cela met à jour les vraies motivations des dirigeants de ce monde. L’heure est à la mondialisation des luttes contre la guerre, contre l’oppression, contre le droit des plus forts à disposer des plus faibles. Pour en finir avec le terrorisme, il faut en finir avec ce qui l’a créé : le capitalisme. Mais la lutte doit être organisée et dirigée par les jeunes et les travailleurs qui sont en lutte. Notre objectif pour les prochaines mobilisations en Belgique contre l’Union Européenne est d’empêcher le sommet de se réunir pour démontrer qu’il ne défend que les intérêts de la bourgeoisie.

Ce que nous appelons l’action directe n’a rien à voir avec le terrorisme, la violence gratuite, ni avec des actions symboliques : c’est une méthode politique militante. Les actions massives de protestation contre les sommets tels que le FMI, le G8, ou l’Union Européenne font perdre de la crédibilité à ces derniers et de l’autorité en montrant qu’ils ne sont pas soutenus par de grandes couches de la population. Cependant nous ne nous faisons pas d’illusion sur le fait que le simple blocage d’un sommet changera la face du monde. A contrario, un blocage vraiment efficace peut être une étape importante dans la construction du rapport de force nécessaire pour imposer une société juste. La réussite d’une telle action implique une forte mobilisation. Si une manifestation ne rassemble que quelques jeunes radicaux, il est aisé pour la police d’infiltrer ces groupes et de matraquer les participants, pour enfin les marginaliser et les criminaliser. C’est ce qu’ils ont voulu faire à Göteborg et à Gênes en s’appuyant sur des groupes anarchistes minoritaires. Pour éviter ces incidents il est nécessaire que les actions soient unitaires, c’est à dire qu’elles rassemblent les jeunes, les syndicats, les travailleurs, et démocratiques, c’est à dire contrôlées, co-organisées et librement consenties. Manifester tous ensemble augmente la force de frappe et permet d’éviter que de petits groupes ne monopolisent l’attention par des débordements isolés. Les médias n’attendent que ça pour jeter le discrédit sur le mouvement d’opposition au sommet européen. Vu que la répression policière est toujours possible, il est d’une importance cruciale que la manifestation soit bien organisée et préparée à contrer d’éventuelles attaques. Cela signifie que nous devrons prévoir des points d’appui juridique, médical, etc. Il faudra en outre un fort service d’ordre pour signifier clairement que les manifestants ne se laisseront pas faire. Si la violence devait quand même survenir, une manifestation bien organisée pourra veiller à ne pas donner l’image d’une succession d’incidents isolés. Il va de soi que nous devons nous défendre sérieusement.

Enfin, un appel au blocage implique aussi un engagement fort : il ne s’agit pas de mener une petite action symbolique, mais bien de mener des actions concrètes en vue de développements ultérieurs. Le véritable blocage des institutions capitalistes ne peut se faire qu’au moyen de grèves, de blocage de la production et des transport par les travailleurs et d’action de masse. Les grandes grèves des routiers en 96 et 97 ou la grève de novembre décembre 1995 ont montré que les travailleurs et les jeunes sont la véritable force sociale.

La fin de la présidence belge de l’Europe ne peut pas signifier celle du mouvement anti-mondialisation. Les actions de la deuxième moitié de cette année ne seront au contraire qu’un point de départ. Nous voulons y contribuer en mettant sur pied ou en élargissant des comités d’action et de mobilisation.

Par Virginie Prégny