USA: Ferguson éclate de rage après le meurtre de Michael Brown

ferguson-300x170Le 9 août, un adolescent non armé, Michael Brown, a été tué par un policier à Ferguson, dans l’Etat du Missouri. L’officier de police a ordonné à Brown de s’immobiliser sur le trottoir et, peu de temps après, un coup de feu a éclaté. Selon divers témoins oculaires, Brown a levé les mains en l’air pour bien montrer à la police qu’il ne représentait pas de menace ; mais les coups de feu de l’agent ont continué, tuant l’étudiant. Comme son corps gisait sur le trottoir, la communauté de Ferguson a explosé en une juste colère contre la violence policière.

Par Eljeer Hawkins, Socialist Alternative, (partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière aux USA). Article publié le 14 août sur www.socialistalternative.org

La rage bouillonnante entraînée par cette mise à mort s’est exprimée par une manifestation devant les locaux de la police, certains se livrant au pillage et jetant des bouteilles. Ensuite ont suivi des manifestations de masse, majoritairement pacifiques. Plusieurs témoins se sont clairement prononcés contre les déclarations de l’officier de police selon lesquelles Michael Brown avait tenté de lui retirer l’arme des mains.

La répression s’est faite de plus en plus brutale, les forces de police militarisées recourant aux gaz lacrymogènes et aux balles en caoutchouc tandis que les provocations étaient croissantes. Un policier a par exemple ouvertement qualifié « d’animaux » les habitants de Ferguson. La police a créé une zone de guerre virtuelle et a tenté d’empêcher toute couverture médiatique des événements. Des journalistes ont été ciblés par la répression : deux journalistes du Washington Post et du Huffington Post ont ainsi été arrêtés et des journalistes d’Al-Jazeera ont été visés par du gaz lacrymogène. La police a également tiré sur un manifestant mercredi dernier.

Socialist Alternative exige le retrait immédiat de la police. Nous exigeons également qu’une enquête indépendante et approfondie soit menée – en incluant des représentants des organisations afro-américaines, des syndicats et de la communauté locale au sens large – afin de dénoncer les conditions de ce meurtre brutal tout autant que la répression des manifestations. Les forces de police doivent faire l’objet d’une enquête publique dans leur totalité, y compris le responsable des tirs.

Compte tenu de l’incapacité du gouvernement à résoudre ces problèmes, la seule façon de parvenir à une véritable enquête indépendante et de s’en prendre systématiquement aux racines de la violence policières et des profondes inégalités raciales et économiques est de répandre les protestations et les manifestations à tout le pays. Cela nécessitera le regroupement des organismes communautaires et de travailleurs dans de nouvelles organisations de base afin de construire et de coordonner le mouvement de protestation contre les violences racistes de la police.

Un racisme quotidien dans une société profondément divisée

« Tant que le meurtre d’un homme noir ou du fils d’une mère noire ne sera pas aussi important dans le reste du pays que le meurtre du fils d’une mère blanche, celui qui croit en la liberté n’aura pas de repos… »

Ella Baker, militante des droits civiques, 1964

Combien encore ? Combien d’autres devront eux aussi mourir des mains de la police ou de la violence extra-judiciaire? Michael Brown vient de rejoindre la longue liste ceux qui ont violement perdu la vie parmi la classe des travailleurs et les pauvres, les jeunes de couleur étant plus particulièrement frappés, dans cette société capitaliste raciste qui a rendu la vie des gens de couleur tout simplement bonne à jeter et indigne de respect et de dignité. Comment pouvons-nous mettre un terme à cette crise croissante qui place notre jeunesse face à une pauvreté, une violence policière, un racisme brutal et des incarcérations de masse systémiques ?

Le seul «crime» de Michael Brown était d’être noir et pauvre alors qu’il se dirigeait vers la maison de sa grand-mère à Ferguson, une banlieue de St. Louis. Ferguson est composée de 70% de noirs et les forces de police sont à prédominance blanche. Sur une population de 21.000 personnes, un quart des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans certaines des zones environnantes, la pauvreté atteint même les 40%. Chômage et travail à bas sont la norme. Le revenu médian des ménages du quartier bordant la scène du crime n’est que de 14.390 $/an.

Un rapport de la coalition « Missourians to End Poverty » publié cette année démontre que la pauvreté à Saint-Louis est passée de 27,2% en 2011 à 29,3% en 2014. Près d’un million d’habitants du Missouri sont pauvres, sur une population totale d’un peu plus de 6 millions.

A Ferguson et dans de nombreuses autres villes des États-Unis, les policiers sont considérés comme une armée d’occupation par les travailleurs et les personnes de couleur, un peu comme en Irak ou à Gaza. Les tensions raciales débordent depuis des années. Un rapport publié en 2013 par le bureau du procureur général du Missouri a par exemple constaté que la police de Ferguson a stoppé pour contrôle et arrêté près de deux fois plus de conducteurs noirs que de blancs, alors qu’ils sont moins susceptibles d’être impliqués dans la contrebande.

Il faut changer de système !

Pour mettre un terme à la crise qui frappe les jeunes et les confronte à un racisme systémique dans cette société capitaliste basée sur la course aux profits, nous ne pouvons pas laisser la colère tout simplement se dissiper dans l’air.

Le FBI et le Département de la Justice se sont rapidement placés du côté des autorités locales et ont commencé ce qu’ils qualifient d’enquête. Les responsables du Parti Démocrate ont tenté de calmer la frustration de la communauté. Malheureusement, l’Association nationale pour l’avancement des gens de couleur (NAACP, National Association for Advancement of Colored People) ne jette pas tout son poids dans la propagation des protestations et pour s’attaquer à la cause des problèmes.

Ces événements soulignent la nécessité immédiate des travailleurs et de leurs familles d’œuvrer ensemble à la construction par la base d’un mouvement indépendant des travailleurs, des jeunes et des personnes de couleur pour se battre pour des emplois décents, de bons logements, des soins de santé, un enseignement gratuit et de qualité ainsi qu’un salaire décent pour tous et pour mettre un terme à la violence policière par un contrôle démocratique direct de la collectivité sur la sécurité publique. Nous devons tirer les leçons de l’affaire Trayvon Martin  : les manifestations, les actions de protestation, la désobéissance civile et les grèves doivent se propager et s’étendre afin d’instaurer la plus grande pression possible sur la police et le système judiciaire afin de rendre justice à la famille Brown.

Il nous faut construire de nouvelles organisations de masse qui rejettent la politique pro-capitaliste du Parti Démocrate qui n’a été qu’un gigantesque échec en acceptant le statu quo du racisme et de la violence systémiques.
La mort de Michael Brown, d’Eric Garner, d’Oscar Perez Giron, de John Crawford, de Renisha McBride et le cas de Marissa Alexander ne sont que quelques exemples de la violence, de l’humiliation et de la discrimination quotidiennement subies par travailleurs, la jeunesse, et les gens de couleur. Dans cette société capitaliste, la fonction sous-jacente des lois et du système pénitentiaire est d’assurer le maintien d’inégalités massives à seules fins de servir et de protéger le profit, la propriété privée des moyens de production et le prestige de l’élite au pouvoir, essentiellement blanche et masculine. Les 1% les plus riches maximisent leurs profits tout en perpétuant la pauvreté endémique, la négligence des autorités, la corruption et le chômage de masse. En période de crise économique et sociale du capitalisme, la loi et l’élite dirigeante accroissent leurs tactiques de surveillance et de répression pour raffermir leur contrôle sur la société, par crainte d’explosions sociales contre les sombres conditions de vie dont ils sont responsables.

Souvenons-nous qu’un an après la rébellion de Watts du 11 août 1965 est né le Black Panther Party for Self-Defense, à Oakland en octobre 1966. Les Panthers ont exprimé une vision socialiste audacieuse, radicale et démocratique, basée sur la lutte contre le capitalisme global et le racisme institutionnel. Comme Malcolm X l’a dit : « Nous déclarons notre droit sur cette terre… d’être un être humain, d’être respecté comme un être humain, de recevoir les droits d’un être humain dans cette société, sur cette terre, en ce jour, ce que nous avons l’intention de réaliser par tous les moyens nécessaires. »

Nous exigeons :

  • Qu’une enquête approfondie soit menée par des forces indépendantes, avec des représentants des organisations afro-américaines, des syndicats et de la communauté au sens large au sujet des tirs de la police contre Michael Brown, de la répression des manifestations et de la violence policière au sens large.
  • Que l’ensemble des forces de police de Ferguson soient sujet d’une enquête, ce qui comprend bien entendu l’agent responsable mais ne doit pas se limiter à lui. Les résultats de ces recherches doivent être intégralement rendus publics et ouvertement discutés.
  • Que la police soit contrôlée par la collectivité, placée sous la supervision de comités locaux de représentants démocratiquement élus des syndicats et des organisations locales.
  • De mener la lutte contre le racisme, la répression, l’humiliation et l’exploitation des travailleurs, des jeunes, des immigrants et des personnes de couleur.
  • La garantie d’emplois décents, de bons logements, de soins de santé et d’un enseignement gratuits et de qualité ainsi que d’un bon salaire pour tous.
  • Que les manifestations se répandent à l’échelle nationale. Un mouvement construit par la base doit être construit pour exiger la transparence et la fin des méfaits de la brutalité d’une police raciste.