Les mobilisations lycéennes de février et de mars font peur au gouvernement qui a choisi de calmer le jeu avec un recul surtout médiatique, et de faire voter plus rapidement la loi d’orientation de l’éducation. Ces décisions montrent l’importance et l’urgence de cette loi pour le gouvernement et le patronat.
Article paru dans l’Egalité n°112
Une école aux mains des capitalistes
Dans un système économique basé sur la division de la société en classes sociales et la recherche du profit maximum, le rôle de l’école est de maintenir les inégalités sociales et de préparer les futurs travailleurs à se soumettre aux lois du marché.
Sous le capitalisme l’enseignement doit se révéler utile pour les entreprises et fournir le plus rapidement possible une main d’œuvre formée aux tâches qui seront demandées. D’où le besoin de sélectionner rapidement les jeunes en les divisant entre manuels et intellectuels. Aux moins favorisés un enseignement qui ne leur servira qu’à faire tourner la machine du patron ; aux autres un enseignement élitiste et enrichissant leur permettant d’être » les futurs cadres de la Nation » comme le dit Fillon dans sa loi. Pour la majorité des jeunes issus des classes populaires la réalité de l’école, c’est la sélection sociale. Et la loi Fillon va rendre cette sélection plus systématique et donc renforcer les inégalités créées par le système.
Cette logique a toujours été présente et les avancées vers une école moins guidée par les seuls désirs du patronat ont été faites quand le monde ouvrier était plus fort et en mesure d’imposer sa volonté. C’est la force de la CGT après guerre qui a permis l’évolution de l’enseignement professionnel vers une formation de qualité et indépendante du patronat.
Pourquoi le gouvernement attaque l’éducation ?
Aujourd’hui, le rapport de force étant plus en leur faveur, les patron veulent mettre encore plus la main sur l’éducation. D’un point de vue économique, ils essaient de se préparer à affronter une crise majeure. Pour cela ils doivent trouver de nouveaux marchés lucratifs, en soumettant les services publics à la loi du marché. Un des moyens a été la décentralisation, qui va justement accélérer ce mouvement de privatisation des missions rentables de l’éducation en séparant les différents services (entretien, restauration, enseignement …). L’éducation rejoindra alors France Télécom, la Poste, EDF … dans la liste des services publics démantelés pour être offerts au privé.
Il leur faut aussi baisser le coût du travail. En supprimant des postes, en n’augmentant pas les salaires, en employant plus de personnel précaire. Mais aussi en préparant la future génération à être malléable, adaptée aux besoins directs des entreprises, et à arriver plus rapidement sur le marché du travail. La loi d’orientation s’en charge : « socle commun » et évaluations vont servir à sélectionner les élèves et à former sans perdre de temps chaque jeune à un futur métier ; l’autonomie des établissements et la découverte professionnelle vont forcer les associations entre les écoles et les entreprises qui deviendront des partenaires envahissants (le bâtiment multiplie les contacts avec les établissements scolaires pour pallier à ses problèmes de recrutement, sans envisager d’augmenter le salaire de ses employés), le doublement du nombre d’apprentis et la réduction à trois ans de formation pour un bac professionnel permettront une entrée plus rapide dans le monde du travail, avec une formation moins qualifiante et moins bien rémunérée.
Ces attaques sont déjà passées dans plusieurs pays européens (Grande Bretagne, Espagne…) et font partie des exigences des traités européens comme celui de Lisbonne, mentionné plusieurs fois dans la loi Fillon. C’est ce traité, signé par Jospin, qui instaure la mise en concurrence des services publics au niveau européen donc leur privatisation à terme. C’est aussi une des raisons qui poussent le gouvernement à accélérer le rythme des attaques. En Grande Bretagne, cela signifie que les écoles dépendent des départements ou des villes et que les budgets sont affectés en fonction des résultats aux évaluations. Les quartiers populaires sont donc systématiquement sous-dotés et certaines écoles doivent même fermer. Les élèves passent leur temps à s’entraîner pour réussir les tests du » socle commun « .
Ce « retard » de la France par rapport à d’autres pays européens est dû aux luttes qui ont eu lieu ces 10 dernières années, forçant les gouvernements à reculer. Cependant cela n’a toujours été que sur certains points mais le fond des réformes est quand même passé.
Comment riposter ?
Le gouvernement est déterminé à passer en force. Pour réellement le faire reculer nous avons besoin d’un mouvement commun des jeunes et des travailleurs du public et du privé. Car les attaques contre l’éducation, ont le même objectif que celles contre les autres services publics et les conditions de travail du privé. On a vu ces dernières années que des secteurs isolés dans leur lutte ne peuvent pas faire reculer le gouvernement et le patronat (Education Nationale, EDF-GDF…).
La première étape est donc de construire des luttes solides dans chaque secteur et de les unifier autour de revendications communes. Pour cela les travailleurs et les jeunes doivent organiser eux-mêmes leur lutte en se rassemblant en Assemblées générales et en votant pour décider des actions, élire des représentants…
Mais ces AG doivent aussi permettre aux travailleurs d’envisager comment s’organiser pour réellement en finir avec toutes ces attaques. Si une grève générale de plusieurs jours a lieu, cela forcera le gouvernement à reculer. Mais ils reviendront encore à la charge, comme ils le font depuis 10 ans. Les jeunes et les travailleurs ont besoin d’un outil qui les unisse et se batte à leurs cotés dans les quartiers, les lieux de travail. Nous devons dès maintenant discuter entre nous, dans les AG de la nécessité d’un parti des travailleurs qui ne serait pas une machine électorale mais un vrai outil pour les luttes. Un parti qui se battrait concrètement contre le capitalisme et pour une alternative à ce système. Pour une économie contrôlée par les jeunes et les travailleurs eux-mêmes et qui organiserait la société en fonction des besoins de tous et non d’une poignée d’actionnaires et de patrons privilégiés.
Seul le socialisme nous permettra de construire une Ecole formant des individus libres et capables d’une réflexion et d’une analyse autonomes. Un système où les jeunes pourront décider eux-mêmes, avec les autres personnels, du contenu des programmes, de l’organisation de l’enseignement…
C’est pour un tel système que la Gauche révolutionnaire se bat. Rejoignez-nous !
Par Virginie Prégny et Luc de Chivré