Le passage au nouveau millénaire dans les rues de Prague a été marqué par une lutte sans précédent de la télévision publique tchèque.
Une grève dure et extrêmement longue, qui a opposé les journalistes à la direction. Une lutte qui pose la question de la différence entre liberté réelle de la presse et notion bourgeoise d’indépendance des médias.
Article paru dans l’Egalité n°85
En République Tchèque, la télévision est un symbole fort, puisque c’est de là que Vaclav Havel, l’actuel président lança la fameuse « révolution de velours ». Média populaire par excellence, la télévision publique offrait une information alternative aux journaux défendant l’économie de marché qui jonchent la Tchéquie comme le reste de l’Europe et qui, financé par la publicité et le « cobranding » (l’échange éditorial entre deux publications à des fins commerciales) n’ont que l’indépendance du laquais.
C’est dans ce contexte qu’en décembre dernier, Jiri Hodac, un homme de droite déclaré, affairiste avéré et tenant d’une politique de bradage du service public, était élu par le CSA local au poste de directeur de la chaîne.
Dès lors, les journalistes et les techniciens, qui favorisaient la solution interne en la personne de Ladislav Paluska, l’actuel directeur financier, décidèrent d’occuper les locaux, alors que la nouvelle direction, épaulée par des nervis, essayait de reprendre les locaux, en maltraitant le personnel physiquement, ou en leur interdisant l’accès au WC (anecdote croustillante : c’est grâce aux manifestations de soutien de la population placée au dehors que les grévistes ont pu obtenir des WC mobiles).
Soutenus aussi bien par la population que par Vaclav Havel, les grévistes ont tenu plus de trois semaines, réalisant eux mêmes leurs journaux, avant de voir les choses changer. De son petit deux-pièces de la banlieue pragoise où il piratait sa propre chaîne avec des journaux « aux ordres » qu’il présentait lui même, Hodac a annoncé qu’il abandonnait la bataille le 10 janvier dernier. Pour autant, Paluska n’est pas encore en place, puisque le sénat tchèque refuse de se dédire.
Une lutte exemplaire qui pourrait donner des idées. En France, 2 groupes de Presse possèdent 80% des journaux papiers. Chirac vient de nommer le très controversé député-maire UDF de Toulouse, Dominique Baudis à la tête du CSA, où il va pouvoir continuer le travail de sape de son prédécesseur, Hervé Bourges, consistant à s’acharner sur les radios associatives pour le compte des grands groupe Radio comme NRJ. La direction de Radio France continue, elle aussi, son bradage en restructurant le réseau local en « France Bleu », coupant ainsi les vivres à grand nombre de journalistes indépendants.
La liberté de la presse n’est pas un combat d’arrière garde, il est nécessaire et vital, mais il ne faut pas que ce soit une liberté formelle, gérée par les milieux d’affaires et ne laissant donc la voix qu’à ceux qui parle le langage de leur maître. Il faut redonner la voix à un grand service public des média et de l’information, détaché des lobbies et des holdings, ainsi qu’à une vraie presse indépendante.
Par Origano Franpiuzi