Loi de modernisation sociale : poudre aux yeux pré-électorale

La loi dite de « modernisation sociale », initiée par Aubry et finalisée aujourd’hui par Guigou, est un fourre-tout d’une cinquantaine d’articles qui concernent de nombreux sujets : accès à l’emploi des handicapés, harcèlement moral, formation et reclassement des salariés, précarité ou encore les licenciements…

Article paru dans l’Egalité n°87

Ce projet de loi n’est en fait que poudre aux yeux pour répondre aux milliers de licenciements que le pays connaît aujourd’hui. Il a débuté sa longue carrière fin 99, lorsque Michelin annonçait son plan de restructuration qui mettait à la porte des milliers d’ouvriers et faisait exploser les scores de Bibendum à la bourse. Après que « l’amendement Michelin » ait été invalidé par le conseil constitutionnel, le projet de loi a pris une pause ; pour mieux ressortir au moment de l’annonce de milliers de licenciements par Marks and Spencer, LU, AOM-Air Liberté, Moulinex, Valéo, … et avant les échéances électorales de 2002.

La réponse du gouvernement aux plans de licenciements massifs est, en gros, de dépoussiérer le Code du travail (d’où la « modernisation »), vous savez ce vieux gros livre qui donne quelques droits aux travailleurs et que les patrons voudraient bien voir jeter aux orties (même si ce n’est pas le code de la collectivisation des moyens de production). En clair, « il ne s’agit pas d’interdire les licenciements, mais de demander aux chefs d’entreprises de faire des efforts supplémentaires en matière de reclassement, de réindustrialisation et de donner la parole aux représentants des salariés » (Guigou dans « Les Echos » du 21 mai 2001). Ce qui ne risque pas d’empêcher le patronat de dormir…

Adopté en première lecture à l’assemblée nationale en janvier 2001, et ce par tous les députés de la « gauche plurielle » (y compris ceux qui ont des états d’âmes aujourd’hui), le projet de loi est alors entré dans sa deuxième vie. Avec la grande actualité des charrettes de licenciés, la « gauche plurielle » se déchire actuellement au moment du passage en deuxième lecture. Une partie du PS (la gauche socialiste), le MDC, le PC et les Verts ruent dans les brancards car ils pensent que le texte ne va pas assez loin sur la question des licenciements.

Aujourd’hui, le PC menace de voter contre le texte, ce qui aurait pour effet de le faire passer à la trappe. Emoi dans les rangs de la majorité, batailles d’amendements au parlement et exploitation médiatique de ce déchirement politique à quelques mois des présidentielles et des législatives. Voter contre, mais sur quelles bases ? Sur celles des salariés menacés qui ne veulent que conserver leur emploi, celles des manifestations anti-licenciements auxquelles on assiste depuis plusieurs mois ? Ou sur les bases d’une volonté de reconquête d’un électorat qui se délite (notamment au profit de l’extrême-gauche) en vue des prochaines échéances électorales ? Robert Hue nous apporte la réponse en déclarant, en comité national : « nous ne réclamons pas le retour à l’interdiction administrative de licenciement » (qui n’empêchait pas 85 % des licenciements d’être acceptés). Quant au groupe des députés PC, il nous propose « la mise en place d’un système incitatif de modulation des cotisations patronales d’assurance chômage en fonction de la politique d’emploi appliquée par l’entreprise » (communiqué du 15 mai 2001). Le PC pourrait également s’abstenir, comme il l’a déjà fait pour de nombreux textes dits « inacceptables » ou « invotables » au départ, mais méritant l’abstention après l’enrichissement par les amendements communistes. On le voit, le PC (en tout cas sa direction) est bien plus proche de la politique du gouvernement que des revendications qui émanent des luttes. Gageons enfin que nous nous retrouverons avec les militants de base du PC dans les luttes pour garder nos emplois.

Par Bazin