Emploi-Jeune : La rentrée est elle soluble dans les heures de formations ?

La rentrée 2001 sera la dernière pour des milliers de jeunes qui s’étaient lancés dans le dispositif emploi-jeune en 1997. Lancé par la doublette Jospin-Aubry à l’orée de la cohabitation, le dispositif avait, selon la Gauche plurielle, pour but d’offrir une première expérience professionnelle aux jeunes en échec scolaire post-bac. Même s’il n’y avait pas grand monde pour être dupe, le système a quand même été un cheval de Troie pour déréglementer la législation du travail et casser le statut de la fonction publique.

Article paru dans l’Egalité n°87

Au départ, les contrats emplois-jeune, réglementés au Smic, devaient concerner surtout l’éducation nationale. C’est d’ailleurs le premier ministère qui procéda à une embauche massive, et c’est aujourd’hui l’administration qui compte le plus de contrats emploi-jeune. Un emploi jeune, au départ, est censé servir à créer un nouveau corps de métier si possible pérennisé. Il fallait donc inventer un nouveau terme, ce fut « Aide-éducateur », terme fourre-tout, qui permettait toutes les corvées possibles et imaginables.

De plus, ce contrat devait permettre au salarié de bénéficier d’une formation ou d’un complément de formation dans la branche de son emploi, ou dans une branche en rapport avec ses activités passées. Au bout de quatre ans, la principale leçon à laquelle auront eu le droit les emploi-jeunes est sans aucun doute celle de la fumée et des foutaises. D’absolument rien, on est passé très vite à des formations au rabais dans des branches sclérosées comme l’animation. Quant à tenter d’obtenir de vraies formations, n’en parlons pas. Même quand celles-ci sont reconnues, le temps alloué à la formation ne permet pas de les suivre sauf en démissionnant. Ce qui équivaut dans bien des cas à une interdiction de fait, vu sa sanction économique !

De plus, ils sont souvent ballotté d’autorité en autorité, ce qui entraîne des ordres parfois contradictoires. Prenons l’exemple d’un aide-éducateur employé dans une école primaire : il dépend théoriquement de son chef d’établissement, mais son véritable patron est le chef du collège de rattachement, qui lui même doit des comptes au rectorat. A moins que le collège n’ait signé un partenariat de cession avec la commune ; dans ce cas précis, l’aide éducateur est sous les ordres de la mairie durant les heures de cessions. Un univers Kafkaïen qui permet principalement une chose : rendre l’aide éducateur corvéable à merci, et rendre son travail inutile la plupart du temps. Car le langage de l’administration est double : d’une part l’apport des aides-éducateurs est inestimable, d’autre part, ils n’ont aucun droit à prétendre à une utilité pédagogique. Le leitmotiv, c’est « emploi-jeune c’est un tremplin, une fenêtre sur la vie active, mais pas une finalité en soi ».

Lutter pour la pérennisation

La vérité, c’est que les emplois, censés être pérennes, selon un mensonge entretenu à tous les degrés de l’administration, ne seront pas titularisés à moins d’une lutte sans précédent. La réalité, c’est que maintes écoles et collèges ne peuvent décemment plus se passer de leurs aides éducateurs, qui ont tant apporté dans le multimédia, le livre, les activités artistiques ou plus prosaïquement pour le café et les photocopies. La contradiction de la situation fait certainement blanchir les dernières mèches du premier ministre. Car la contestation qui gronde n’aura certainement d’égale dans la jeunesse salariée que celle du CIP, le Smic-jeune de Balladur (qui concernait d’ailleurs la même génération), le jumeau avorté des contrats emplois jeune.

Car s’il ne concernait que l’Education nationale, ce ne serait finalement qu’un épiphénomène. Mais les emploi-jeunes sont partout. Dans les bus, à La Poste, dans les mairies, à la SNCF… Et ce phénomène a tendance à s’étendre de manière délétère : alors que le dispositif n’accueillait au départ que les bac à bac+2, on voit de plus en plus fleurir à l’ANPE, souvent d’ailleurs dans des administrations publiques, des offres pour des boulots tenus par des bac+5, comme des documentalistes ou des urbanistes, et réclamant des jeunes diplômés payés au SMIC horaire, dans le plus grand mépris des grilles salariales.

La rentrée de Septembre risque d’être décisive pour des centaines de jeunes salariés sous ce contrat. Plus que jamais, il faudra être à leurs côtés pour exiger du gouvernement la titularisation de ces emplois dans des contrats de droit public sous responsabilité directe du ministère, dans des cadres d’emplois et des statuts précis, et avec un salaire en rapport avec ce statut. La lutte des emploi-jeunes est celle de tous, car c’est celle de salariés précaires pour acquérir de nouveaux droits.

Par Origano Franpiuzi