Les attaques contre les retraites en Europe

En France comme dans toute l’Europe, le patronat et les gouvernements cassent les retraites par répartition et avancent sur le système par capitalisation !

Article paru dans l’Egalité n°102

Lors d’un colloque organisé en juin 2002 par l’EFR ( European Financial services Round table), auquel participaient notamment deux banques, la B.N.P. et AXA, Peh Gyllenhammar, son président, déclarait : “ La commission européenne plaide en faveur de davantage d’épargne retraite privée. Pour favoriser cela, les politiques européennes doivent mettre en œuvre un marché unique des retraites qui élargira le choix des consommateurs, réduira le coût, encouragera le développement de l’épargne privée et permettra de parer au désastre des retraites auquel l’Europe doit faire face. ”

Sur fond de crise économique, l’ordre des banquiers et du patronat est clair : faire des économies sur le dos des travailleurs et augmenter leurs profits. Le marché des retraites est si juteux ! Aux gouvernements de faire le boulot pour que passent les “ réformes ”

Malgré le non des salariés d’EDF, malgré la formidable mobilisation de millions de salariés qui a duré pour certains pendant des semaines, Raffarin- Fillon ont réussi à faire voter leur réforme. Le 2 juillet, le parlement a adopté :

-l’alignement du public sur le privé et l’allongement des années de cotisations : 40 ans en 2008, 41 en 2012, 42 en 2020

-la mise en place d’une décote : 5% par annuité manquante, une surcôte de 3% par annuité supplémentaire

-le report de l’âge légal de la retraite de 60 à 65 ans- voté le 10 juin avec l’appui de députés PS

-Pour ceux qui gagnaient le SMIC : 85% du salaire.. une misère

-pour les femmes, une retraite au rabais, la bonification pour l’éducation des enfants, liée à l’interruption de l’activité

-l’indexation sur les prix et non plus sur les salaires

Cette réforme est un rude coup porté aux travailleurs. Préparée depuis une dizaine d’années, annoncée comme nécessaire par le candidat Jospin, elle a de plus été critiquée du bout des lèvres par les directions syndicales, notamment la plus importante, celle de la CGT, qui ne défendait plus 37,5 annuités pour tous mais 40 désavouant ainsi nombre de sections CGT qui, elles, réclamaient 37.5 pour tous public-privé.

Enfin, les derniers articles votés vont dans le sens de ce que veulent la commission européenne et les patrons : ouvrir la porte aux fonds de pension. Certes, le gouvernement prend un peu de gants et jure ses “grands dieux” qu’il ne s’agit pas de créer des fonds de pension. Cela se fera dans un cadre associatif ? Le PEIR (plan d’épargne individuelle pour la retraite ), est ouvert à tous en vue de constituer un complément de retraite sous forme de rente viagère. Le gouvernement ouvre cette épargne-retraite à tous les salariés en arguant que les fonctionnaires y avaient seuls droit avant. Cependant le cadre est tout de même différent. La retraite au rabais entraîne une quasi obligation de complémentaire pour pouvoir escompter une retraite décente. De plus, pas question de participation des entreprises à ces systèmes de retraite, seul le salarié paie.

L’article 80 propose même un plan partenarial d’épargne salariale volontaire et le suivant pose les grandes lignes de futures déductions fiscales destinées à favoriser cette épargne. elles seront précisées dans les projets le la loi de finance pour 2004, examinée en automne… Aucune exonération de cotisations patronales qu’ils disaient !

La réforme des retraites est une affaire européenne et l’allongement de la durée des fonds de pension fait partie des grandes orientations politiques adoptées par le conseil européen (réunion des 15 chefs d’état). En décembre 2001, à Barcelone les 15 se sont fixés l’augmentation de 5 ans de l’âge moyen de cessation d’activité professionnelle.

Les attaques contre les retraites dans les autres pays d’Europe

Si l’Union européenne n’a pas le pouvoir d’harmoniser les systèmes de pensions des états membres d’un seul coup, les gouvernements passent à l’offensive et font le choix de la réforme pour réduire les déficits publics et respecter les critères du pacte de stabilité européen.

Certains pays comme l’Angleterre ou l’Espagne ont commencé la casse des systèmes de retraite dans les années 1985. D’autres, un peu plus tard, l’Autriche s’attaquant comme le gouvernement français cette année. En Belgique et aux Pays Bas, il est question aussi de relever l’âge de la retraite et les différents gouvernements discutent pour trouver la façon dont ils vont s’y prendre pour battre en brèche le droit à une retraite décente.

L’Angleterre est un exemple éloquent. La situation des travailleurs anglais est dramatique. Laminés par la défaite face à Thatcher et consorts, le patronat a avancé rapidement. Pour l’instant, les femmes ont la retraite à 60 ans mais en 2010, ce sera comme pour les hommes : 65 ans. Le système des retraites est à deux niveaux. Le régime général garantit une couverture minimale à la totalité de la population active. Les prestations sont uniformes et faibles : 480 euros par mois. Depuis 1986 le régime de base est complété par un deuxième, obligatoire pour les salariés constitué soit de fonds de pension, soit d’un régime complémentaire public garantissant 20% du salaire moyen. Les plus de 65 ans doivent gérer leur retraite eux-mêmes. C’est un système complètement inégalitaire. Et Blair veut reculer l’âge de la retraite à 70 ans !

L’Italie de Berlusconi privatise : l’âge de la retraite est de 60 ans pour les femmes et 65 pour les hommes. Avec le patronat, Berlusconi a décidé de retoucher la réforme de 1995. S’il n’allonge pas encore la durée de cotisations, le gouvernement veut remplacer les pensions par un système contributif avec des comptes individuels. Il vient de mettre en place les fonds de pension et d’abaisser les contributions (- 5 points) patronales pour des nouvelles embauches.

L’Allemagne pousse vers le privé : l’âge de la retraite est 65 ans et le gouvernement veut le retarder à 67 ! Le 1er janvier 2002, le système par répartition a été “ consolidé ” au prix d’une diminution du taux de remplacement tandis que qu’une retraite par capitalisation pouvant aller jusqu’à 4% du salaire brut était instauré. Ce complément par capitalisation est financé par le salarié avec l’aide de l’état. Pour bénéficier des primes de l’état sous forme de diminutions directes ou d’impôts, le salarié doit verser 1% de ses revenus dans la prévoyance privée sous forme d’assurance retraite, de plans d’épargne en fonds ou bancaires. Puis en 2004, il versera 2%, en 2006 3% et en 2008 4 % : la cotisation complémentaire d’un célibataire passera de 38 euros à 154 euros en 2008 ! Il n’y a pas eu de luttes sur cette question car les syndicats ont refusé de mobiliser en 2001, ils gèrent eux-mêmes de nombreuses assurances-maladies privées !

Autriche : Les salariés se sont mobilisés sur la question des retraites trois fois, en même temps que les salariés français en mai et juin. Cela n’était pas arrivé depuis 50 ans !

A l’appel de la confédération syndicale ÖGB, il y a eu une grève de quelques heures contre le projet de retraite. Le nombre d’années pour toucher une retraite complète passeraient de 40 à 45 ans. L’âge légal pour partie serait porté à 65 ans. Usines, hôpitaux, police, enseignants se sont mobilisés. La réduction du montant des retraites pouvant aller jusqu’à 40% pour certains. Le 13 mai, ils étaient 200 000 à Vienne. Le 3 juin, il y a eu une journée de grève générale. 1 million de grévistes ont bloqué 18 000 entreprises. A plus ou moins court terme, il s’agit de mettre en place des systèmes par capitalisation contraires au système par répartition qui nécessiterai une politique économique de croissance et d’emploi puisque le montant dépend du volume des cotisations prélevées sur les actifs. Bien entendu, les capitalistes aujourd’hui n’en veulent pas, la crise économique ne leur permet plus. Au contraire, les fonds de pension dépendent du bon fonctionnement des entreprises donc de l’exploitation des travailleurs actifs. Le scandale d’Enron aux Etats-Unis a souligné la fragilité de la garantie des fonds de pension !

Partout en Europe, la politique de l’Union Européenne, du patronat et des gouvernements à leur solde est la même : briser les acquis de la classe ouvrière, les emplois , les retraites, les assurances maladies et faire payer la crise aux travailleurs, aux jeunes et aux retraités. En France et en Autriche, les travailleurs se sont battus. Le combat est rude mais face à ces attaques majeures, nous ne pouvons faire confiance qu’à nos luttes.

Par Marie-José Douet