Septembre 2003 ou comment sauter les obstacles

Les salariés commencent à relever la tête face à la politique antisociale qui sévit depuis plusieurs années en France. Les années de Gauche plurielle au gouvernement avaient sérieusement attaqué la confiance dans les possibilités de lutter et l’idée-même des luttes avait été malmenée. La situation a changé depuis les mobilisations interprofessionnelles sur les retraites et les mouvements de grève reconductible dans l’Education nationale, s’ouvre ainsi une période plus dynamique pour organiser la riposte. Cependant si la situation semble plus favorable qu’au lendemain de l’élection-plébiciste de Chirac en mai 2002, de sérieux blocages apparaissent aussi dans la situation politique pour le développement d’un mouvement antigouvernemental fort.

Article paru dans l’Egalité n°102

Le gouvernement joue les prolongations

La politique gouvernementale est toujours la même aujourd’hui, à la veille de la rentrée sociale : poursuivre le rythme des réformes mais toujours pragmatiquement. L’annonce est déjà faite que la réforme de l’assurance maladie est repoussée à un an voire à 2005. Dans le même temps, les attaques contre les intermittents, les ouvertures de capital d’EDF-GDF, de la Poste sont annoncées. Socialement, le gouvernement ne marque pas de pause mais joue les prolongations. Il sait que la rentrée peut être explosive tant au niveau budgétaire que social avec les licenciements à Alstom, via System, Chupa Chups…Le bras de fer engagé depuis mai 2003 n’est pas fini : l’enjeu pour nos dirigeants est de marginaliser les salariés en lutte, d’en faire des jusqu’au-boutistes.

Pour cela, ils jouent la carte du dialogue méthode Sarkozy ou méthode Fillon avec des syndicats effrayés de perdre leur légitimité de partenaire social et d’être dépassés par leur base. Comme le dit un député UMP « Fillon sait que le syndicalisme est en crise. Sa grande habilité a consisté à feindre de considérer ses interlocuteurs comme représentatifs ».

Engager l’épreuve de force pas à pas

De l’autre côté, les salariés en lutte ce printemps ont décidé de marquer une pause estivale dans la lutte pour repartir à la rentrée. Dans ce sens, malgré le passage de la loi à l’Assemblée et au Sénat, des salariés veulent poursuivre la lutte contre le gouvernement Raffarin, Fillon et Sarkozy.

Dans ce contexte, l’épreuve de force à engager face au gouvernement Chirac-Raffarin exige des moyens d’action et des perspectives précises pour contrecarrer la tactique gouvernementale. Il faut pouvoir élargir la mobilisation au delà de certains secteurs du public, répondre aux différents niveaux de mobilisation et de conscience des travailleurs et des jeunes.

L’emploi et les licenciements : une bataille essentielle

Le principal obstacle à lever est celui qui existe chez des travailleurs du privé et du public, précaires ou en CDD. Si le service public a montré une capacité de réaction et de mobilisation, les limites dues à la précarisation de l’emploi se sont aussi vues. La question de l’emploi et des licenciements dans la campagne de mobilisation est essentielle. Il est bien évident que le secteur privé est beaucoup plus déréglementé. Il connaît les mêmes difficultés de mobilisation mais de manière décuplée. Le travail intérimaire et les CDD limitent de fait l’exercice du droit de grève. La peur du chômage et des licenciements est un frein déterminant dans l’extension de la lutte. Face à cette perspective, la lutte contre les licenciements est indissociable d’une nouvelle mobilisation d’ampleur à l’automne.

Pour ce faire, l’expérience de la grève du printemps dernier est un atout. On ne redémarre pas de rien ! De nombreuses assemblées générales sont déjà programmées pour septembre prochain. L’expérience de travail collectif a amené de nombreux grévistes à expliquer les revendications et les populariser. Cette expérience doit être poursuivie et amplifiée. Des réunions décisives et souveraines peuvent dès la rentrée entamer un programme de reconquête de la mobilisation. Des discussions publiques, des élaborations de matériel d’infos sur les privatisations à venir, la casse de l’assurance-maladie mais aussi sur la récente réforme des retraites seront nécessaires pour gagner de nouveaux salariés à la mobilisation.

Pour contourner l’obstacle du gouvernement dans le calendrier des réformes, il faut organiser cette campagne de mobilisation. Un appel à la grève générale dès la rentrée tomberait à plat sans cette préparation et les efforts d’information.

La campagne pourrait se décliner autour de trois axes : la riposte contre les licenciements, contre la casse des services publics, de la protection sociale (Education, retraites, Sécu, santé, culture) et contre les privatisations.

Pour une lutte organisée, vivante et indépendante

Les directions syndicales ont montré leur faiblesse, coincées entre le partenariat social et une base décidée à en découdre. Cette situation va persister et se clarifier au cours de prochains mois. Le gouvernement, en repoussant la réforme de la Sécurité sociale, espère entraîner les confédérations à une bagarre branche par branche, secteur par secteur. De leur point de vue, il ne faut surtout pas qu’une lutte unifiée autour de revendications interprofessionnelles, comme celles portées par l’Education, se. Malheureusement, les directions syndicales, elles aussi, cherchent à éviter un tous ensemble qu’elles ne maîtriseraient pas.

Les structures d’organisation en Assemblées Générales de secteurs, en comités de grève et en coordinations sont essentielles. Elles sont une garantie d’indépendance. Afin qu’elles ne soient pas plaquées, elles doivent être les plus vivantes possibles. S’adresser à tous les salariés en lutte, élaborer ensemble en A.G. ou commission permet l’apprentissage de l’auto-organisation.

Cependant, on ne peut ignorer les structures syndicales et les syndiqués. Le réflexe de se syndiquer pour se défendre collectivement est essentiel pour reconstruire un mouvement ouvrier indépendant et fort. Aussi, contraindre les directions syndicales à participer à la mobilisation dans les comités de grève est important. Il ne faut pas leur donner les moyens d’esquiver ou de balayer d’un revers de main les structures qui se créent. Pour cela, il faut s’adresser à elles de manière permanente.

Poser les jalons d’une alternative politique

En dehors de l’objectif de faire céder le gouvernement sur les retraites, nombreux ont senti la nécessité d’aller plus loin contre les politiques gouvernementales et patronales. L’autre frein à l’implication de nouveaux salariés réside dans le manque de perspectives des mobilisations. Le mot d’ordre de grève générale a traduit une volonté d’en finir avec les politiques antisociales mais le flou persiste sur les perspectives de changement réel de politique. Beaucoup de slogans ont évoqué une autre société, une autre répartition des richesses. Il faut pouvoir y répondre en proposant des revendications de classe qui amènent à rompre avec le capitalisme telles que : développement et extension de services publics, nationalisation sous contrôle des travailleurs…

La résurgence de la lutte des classes en France amène à reconstruire urgemment le rapport de force dans les syndicats, dans les luttes. Il s’agit aussi de doter les travailleurs d’un programme réellement anticapitaliste et de l’outil indépendant de résistance et de combat, un parti de luttes démocratiquement organisé par les travailleurs et les jeunes. Les mois qui viennent sont cruciaux pour expérimenter et développer les possibilités pour que les salariés reprennent l’offensive.

Par Leïla Messaoudi et Chloé