Le capitalisme français tente de maintenir sa place

Le mouvement anti-Cpe s’est caractérisé par un refus de la précarité. Sous des milliers de formes, les slogans ont repris ce que cela pouvait signifier. Dans Cpe, le E s’est décliné avec exploiter, expulser, esclavage,… Comme la révolte des banlieues en Novembre, ce mouvement avait pour fond une immense colère contre la situation qu’on nous fait et l’avenir qu’on nous promet.

Article paru dans l’Egalité n°119

Ces politiques ne viennent pas par hasard, et ne sont pas un phénomène isolé. D’une part au même moment en Corée du Sud, en Indonésie, en Allemagne, des gouvernements ouvraient le débat sur une plus grande flexibilité des règles de licenciement. Plus on peut vous licencier facilement, plus vous avez un emploi… Une rhétorique qui veut cacher les causes réelles de ces politiques. On les voit mal en effet nous donner les vrais raisons : il faut plus de précarité car c’est un moyen aujourd’hui d’augmenter les profits patronaux.

Au sein de l’Union européenne, ce genre de questions se discutent tout le temps. L’agenda 2010 (mis en place sous le gouvernement de la « Gauche » plurielle) a programmé de manière simultanée la libéralisation des services et donc leur privatisation : transport public, énergie, poste etc. il en va de même sur les législation du travail ou sur celles contrôlant les travailleurs immigrés.

Une politique dictée par le capitalisme

Le gouvernement nous a refait le coup du « patriotisme économique », c’est à dire d’une intervention de l’Etat lorsque les intérêts d’un grand groupe capitaliste sont menacés. Ainsi il a poussé à la fusion des groupes Suez et Gdf pour empêcher une Offre publique d’achat (OPA) de l’italien Enel. Outre le fait que ce n’est pas sur que telles étaient les intentions d’Enel, cette manœuvre a permis d’accélérer la privatisation de Gdf. Ceux qui croyaient la promesse du gouvernement qu’il n’irait pas plus loin dans la privatisation en sont pour leurs frais. La machine capitaliste ne s’arrête pas à ces quelques considérations, elle n’avance qu’en suivant une loi, celle du profit.

Ce patriotisme économique que ce soit dans le cadre de l’Opa d’Enel ou dans celui des fusions comme Alsthom-Areva ou autre, se fait toujours sur le dos des travailleurs. Il est le produit de la structure assez concentrée du capitalisme français (chaque multinationale a des parts dans la multinationale d’à coté), et aussi de son recul sur le marché mondial. Le climat de quasi crise que connaît le capitalisme à l’échelle mondiale a des aspects propres à la situation économique française.

Un capitalisme en panne de croissance

D’un coté les grands groupes annoncent des profits sans cesse augmentant. Ce premier trimestre, Renault a encore annoncé +5,8% de profits. Total +16%… La rémunération annuelle de l’ex-Pdg de l’Oréal, Lindsay Owen-Jones a été en 2004 de 6,596 millions d’euros en salaires et de 16,035 millions d’euros en actions : soit un total annuel de 22,631 millions d’euros : soit l’équivalent de 23 822 emplois payés au smic !

De l’autre, la croissance ne décolle pas : au mieux 1,5% pour 2006. Le chômage reste à un niveau très élevé, et la consommation stagne. La dette est de 1 125 milliards d’euros, soit 66,4% du Pib. Cette dette freine complètement les possibilités pour le gouvernement de mener une politique fortement interventionniste dans l’économie. Le Pib de la France, est de 2002 milliards de dollars pour l’année 2004 (selon la Banque mondiale) talonné par la Chine à 1971 milliards. Mais la Chine connaît une croissance moyenne de 9% et risque donc de ne pas en rester là. Et l’entrée en scène de la Chine s’est traduite par une concurrence accrue des différentes multinationales entre elles, chacune devant courir pour aller s’implanter sur le marché chinois, et donc y transférer des capitaux. Enfin, le très haut cours du pétrole ne réjouit que les groupes pétroliers : il augmente la facture de toutes les autres branches de l’industrie, de même qu’il pénalise sérieusement les possibilités de consommation.

La précarité : produit de la crise du capitalisme

Ce sont donc ces éléments fondamentaux qui dictent les politiques en France. la stratégie d’un Sarkozy, qui veut maintenir une dizaine de secteurs clefs, dans lequel les groupes français seraient de véritables géants, vise à rationaliser les possibilités d’investissement.

C’est pour répondre à ces questions que des mesures comme le CPE ont été décidées. Il s’agissait, en facilitant le licenciement, de faciliter l’exploitation. Soit directement en profitant du statut précaire du jeune travailleur pour lui imposer des cadences infernales, des heures supplémentaires non payées, soit en profitant de la facilité de licencier : on embauche le temps nécessaire à faire telle ou telle tâche et on peut débaucher ensuite pour ne plus avoir à payer le salaire.

Les moyens que trouvent les capitalistes pour amoindrir les effets de la crise de ce système se font toujours sur le dos des travailleurs, que ce soit ceux de France ou ceux d’autres pays. C’est également en s’attaquant aux richesses collectives de ceux-ci (les services publics, les logements sociaux, la protection sociale) que les capitalistes tentent de récupérer une marge de profit. La stagnation de l’économie due à la crise fait que les capitalistes ne réussissent toujours pas à retrouver les taux de profits dont ils ont besoin.

Pour en finir avec la précarité, il faut le socialisme

Ce qui dicte la politique de chaque gouvernement ce sont les nécessités économiques, la concurrence que se livrent les différentes économies mais également les possibilités d’exploitation des travailleur dans chaque pays. C’est pour cela que de manière continue, les gouvernements français ont attaqué les travailleurs : il s’agit de pouvoir les exploiter le mieux possible pour le bénéfice des patrons français, mais aussi pour les rendre concurrentiels et donc attractifs en termes d’investissement de la part d’autres pays. Et comme chaque pays fait de même car il y est obligé, c’est une spirale sans fin jusqu’à une crise majeure du capitalisme.

Ce système nous promet donc une précarité toujours croissante, une sorte de vaste retour en arrière. La mobilisation contre le Cpe a, à juste titre, dénoncé la précarité que nous subissons tous. Mais il manquait un élément à cette dénonciation : celle de la cause réelle, le capitalisme et sa loi du profit.

Aucun gouvernement qui acceptera les règles du capitalisme ne mènera une autre politique., C’est par une politique résolument anti-capitaliste, et non faite d’aménagement, qu’on pourra s’attaquer à la précarité. Une telle politique ne peut être menée que sur la base d’un mouvement de masse des travailleurs, organisés dans la perspective d’en finir avec le capitalisme. Ce qu’il faut c’est une analyse claire des causes de la politique actuelle pour en tirer la bonne conclusion : notre tâche, c’est de préparer dès nos luttes actuelles, le renversement du capitalisme. C’est par une révolution de masse, qui nationalisera sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs les principaux secteurs de l’économie, que pourra se mettre en place un système basé sur la satisfaction des besoins. Débarrassés de la loi du profit, et donc récupérant collectivement ces masses énormes de richesses que nous volent les capitalistes, on pourra mettre en place une politique authentiquement socialiste donnant des logements décent, des services publics gratuits, un emploi… à tous et toute. Cette société, le socialisme, nous pouvons nous battre dès aujourd’hui pour la construire.

Par Alex Rouillard