Victoire de la lutte contre le Cpe : des répercutions internationales

La lutte contre le Cpe a été une lutte particulièrement suivie au niveau international. Lorsque le gouvernement a enfin cédé, les médias bourgeois et de nombreux politiciens nous ont refait le coup de la « France qui se couvre de honte », qui serait incapable de se réformer etc.

Article paru dans l’Egalité n°119

Pensez donc : le Non au référendum, la révolte des banlieues, et maintenant des mobilisations comme la France n’en n’avait pas connu depuis des années… Voilà qui a de quoi laisser les capitalistes très perplexes. Mais pour nous, comme pour de nombreux jeunes et travailleurs du monde entier, cela nous confirme dans l’analyse que la résistance aux politiques néo-libérales et à leurs effets s’exprime de plus en plus. Si cela se fait avec autant de coups désordonnés, c’est parce que le mouvement a du mal à trouver sa voie.

L’impact de la victoire sur le Cpe tant sur les bourgeoisies que sur les travailleurs est réel. Et plus il est négatif pour nos propres classes dirigeantes meilleurs c’est pour nous : cela les rend moins sures d’elles, moins arrogantes. Craignant de subir un nouveau revers et de ne plus recevoir le soutient qu’elles espères par les classes dirigeantes d’autres pays, elles hésitent plus à lancer de nouvelles attaques. L’effet est encore meilleur pour les pays sous l’influence de l’impérialisme français : la politique néo-coloniale de la France en Afrique et ailleurs paraît d’un seul coup moins difficile à combattre, et le mépris avec lequel elle est menée devient de moins en moins acceptable. En plus, ce genre de victoire montre qu’un pays impérialiste comme la France n’est pas un bloc mais bien une société divisée en classes où une grande majorité doit lutter contre les politiques qui sont menées.

Une presse capitaliste déchaînée contre Villepin

La droite a essayé d’utiliser ce discours nationaliste de « l’image » de la France avec autant d’effet que pour le référendum sur la constitution, c’est à dire quasiment aucun. Chirac, relayé à l’époque par la droite et la direction du Ps, disait que si on votait Non, on allait être le « mouton noir » de l’Europe. Et comme on n’est pas les moutons de Chirac, noir ou blanc, on a voté non. Dans toute l’Europe ce fut un concert sur la soit-disante poussée xénophobe, nationaliste ou autre. Peu de temps après, le même Non passait encore plus fortement aux Pays Bas. Ce fut d’un seul coup la crise pour les classes dirigeantes européennes, et une incapacité à se mettre d’accord, via le budget de l’Union européenne, sur les priorités des attaques néo-libérales. Les deux votes Non se sont aidés car il n’était pas l’un contre l’autre mais bien l’un avec l’autre.

une lutte aux répercussions internationales

Cela est encore plus clair pour le Cpe. On prendra comme un compliment cette phrase symptomatique de la crainte des classes dirigeantes du monde entier :  » Vous les Français, êtes décidément toujours un peu à part. Vous vous révoltez quand partout on essaie de s’adapter au modèle libéral » a dit le président du Parlement européen, le « socialiste » Josep Borell. On lui rappellera qu’on n’est pas les seuls. Le processus est seulement plus avancé en ce moment en France.

En fait, c’est aussi un cri d’impuissance face à cette résistance qu’expriment les classes dirigeantes européennes. Leur crainte, c’est que le mouvement anti cpe, ou les autres sujets, ne fasse exemple et incite les travailleurs et les jeunes à lutter. Beaucoup spéculent désormais sur une « fin de règne Chirac » qui serait le facteur accélérant la crise : c’est un appel à peine dissimulé à changer l’équipe dirigeante pour pouvoir relancer les politiques néo-libérales. Durant tout le début du mouvement, les journaux comme El Pais (Espagne), ou New York Times, ou autre, n’ont cessé de s’attaquer aux travailleurs et aux jeunes, pour les présenter tour à tour comme « réactionnaires », « conservateurs » ou « hors du temps ». Le Wall Street Journal allant jusqu’à définir les grévistes comme des tenant de la « religion de la sécurité de l’emploi ».

Lorsque Villepin a du céder, les mêmes se sont alors déchaînés sur le gouvernement, pour notamment souligner sa faiblesse et l’humiliation qu’il a subi, avec bien évidemment l’idée que ce sont les politiques néo-libérales qui ont ainsi été humiliées.

Les travailleurs et les jeunes du monde entier enthousiastes

Ce que ne vont évidemment pas dire ces médias bourgeois, c’est que un courant pro-France s’est largement développé ces dernières semaines. Bien évidemment ce n’est pas un courant qui salue les classes dirigeantes, la magie de la concurrence acharnée entre travailleurs ou autre. Ce sont de simples étudiants et travailleurs, des syndicalistes etc. qui voient dans le mouvement anti-cpe un exemple de ce qui devrait être fait dans leur propre pays. Cela devient même un motif de colère contre les bureaucrates syndicaux de leur propre pays qui freinent les luttes.

Des dizaines de milliers d’actions et de messages de soutien sont venus du monde entier. Des syndicalistes, des travailleurs, des jeunes ont fait le déplacement pour participer à la lutte contre le Cpe, conscient qu’une victoire en France permettrait de développer les luttes dans leurs pays. Des actions de soutien de Chicago à Madrid, à Bruxelles, ont eu lieu. L’impact international de la lutte contre le Cpe est énorme, car les mouvements de grève dans chaque pays sont à chaque fois une source de compréhension que c’est contre une politique globale qu’on se bat. Une partie des travailleurs et des jeunes sait bien que c’est en luttant de manière internationaliste qu’on battra le capitalisme.

Nos propres sections du CIO, malgré les tâches nombreuses dans leur propres pays, ont déployé tous les efforts possibles pour soutenir l’action de la Gauche révolutionnaire : des militants de Belgique, de Suède, d’Irlande sont venus participer à la lutte et construire notre internationale.

Pour beaucoup de travailleurs et de jeunes du monde entier, la défaite de Villepin est perçue comme un encouragement et la démonstration qu’il faut lutter et qu’on peut gagner. Loin des pleurs réactionnaires et nationalistes du patronat et des politiciens français, c’est cela qui nous semble le plus important.

Par Alex Rouillard