La droite est-elle K.O. ?

Pendant la lutte contre le CPE, Laurence Parisot, présidente du MEDEF, est intervenue pour demander son retrait. Ce volte face montre l’inquiétude des capitalistes devant la mobilisation massive des jeunes et des travailleurs.

Article paru dans l’Egalité n°119

C’est plus la peur d’une grève générale qui aurait débouché sur des revendications plus importantes et plus politiques et unissant travailleurs et jeunes qui a effrayé les patrons, que les pertes économiques des journées de grève. L’incertitude de la classe dirigeante est d’autant plus forte que le gouvernement qui met en application sa politique est très fragilisé. De Villepin et Chirac sont au plus bas dans les sondages, Sarkozy ne serait plus vainqueur des élections présidentielles. D’un côté, pour continuer à contenter son électorat et le patronat qui la soutient, la droite gouvernementale doit continuer à précariser les travailleurs et à casser le droit du travail pour maintenir et augmenter les profits. D’un autre côté le conflit du CPE a réveillé chez les autres représentants de la droite les appétits électoraux : Bayrou a martelé que le gouvernement se trompait, Sarkozy a voulu apparaître comme le sauveur de la France avec « sa » méthode et comme le « protecteur » des manifestants, tout en jouant la carte de la répression policière et le pourrissement du conflit.

Le gouvernement n’a plus droit à l’erreur

Toutes ces querelles interviennent au moment où le poids politique des jeunes et des travailleurs est au plus haut. Les dernières manifestations qui ont réuni à deux reprises trois millions de personnes ont remis la question sociale au centre des préoccupations. La population rejette en bloc la précarité et réclame des solutions au chômage. Pour les étudiants et les lycéens, cette longue lutte a permis de se politiser et de remettre en cause la politique capitaliste qui a toujours été menée ; pour les travailleurs cette défaite du gouvernement va redonner confiance pour réclamer des augmentations de salaire, des améliorations des conditions de travail…et pour lutter contre toutes les mesures anti-jeunes et anti-travailleurs.

Une porte de sortie dangereuse

La droite est actuellement prise entre deux feux : les syndicats avec qui il faut composer pour qu’ils puissent eux mêmes garder le contrôle de la masse des jeunes et des travailleurs et éviter que la grève ne remette en cause le système (raison pour laquelle le front uni des syndicats a crié victoire très vite sans chercher à pousser l’avantage plus loin en exigeant le retrait de la loi « égalité des chances » et du CNE) ; et les capitalistes qui ont besoin de flexibiliser et de précariser le monde du travail pour faire face à la crise. Le gouvernement ne sait plus sur quel pied danser. On parle d’erreur de méthode, de la « peur » des français, alors que la préoccupation majeure de Villepin est de savoir comment mener la politique capitaliste des patrons, sans déclencher un nouveau conflit qui serait le début d’une explosion sociale. Sans oublier que les appétits présidentiels pousse Sarkozy à tirer dans les pattes du premier ministre dès que celui-ci est en difficulté.

La droite est elle encore une carte pour les patrons en 2007 ?

L’affaire Clearstream vient révéler à quel point l’équipe gouvernementale est divisée. L’ensemble de la presse bourgeoise prend chaque prétexte pour parler de démission de Villepin. Les explications confuses de Villepin ne sont crues par personne. Si la droite est à ce point divisée c’est parce qu’elle sait que la crise politique n’est peut être pas loin.

Pour reprendre l’avantage la droite doit recentrer le débat sur ce qui lui permet généralement de remonter dans les sondages : la lutte contre l’insécurité et l’immigration. La loi raciste qui doit durcir les conditions pour être un immigré « en règle » peut redonner la main à Sarkozy et soulager les patrons français en faisant oublier la casse du droit du travail. Mais avec une jeunesse très radicalisée et six mois après les émeutes des quartiers populaires, l’opération est risquée. Nul doute cependant que la droite tentera le coup en laissant Sarkozy appliquer sa méthode : les « discussions » avant projet et la casse du front syndical pour s’assurer le calme des travailleurs. En cas d’échec capitalistes et politiques pourront toujours jouer la carte des élections et le faux espoir que pourrait incarner Ségolène Royal qui se dit déjà adepte du blairisme.

Par Luc de Chivré