La privatisation, machine de guerre contre les travailleurs

La vague de privatisations entamée depuis une vingtaine d’années se poursuit et menace la totalité des services et entreprises publics, sans exception. Les travailleurs, qui en sont les premières victimes, doivent faire de la lutte contre les privatisations un de leurs axes de mobilisation essentiels.

Article paru dans l’Egalité n°106

Le mouvement des privatisations, engagé en France depuis 1986, est poursuivi depuis avec constance par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche. C’est un processus qui s’est développé également à l’échelle mondiale : les ventes d’entreprises publiques dans les pays de l’OCDE ont représenté 643 milliards de dollars entre 1990 et 2001. Les pays en voie de développement ne sont pas épargnés avec près d’un tiers des privatisations dans le monde. En France, les privatisations d’entreprises publiques ont  » rapporté  » près de 50 milliards d’euros à l’Etat depuis 1993, avec au total 2000 entreprises qui ont été privatisées. Mais ces  » bénéfices  » ne peuvent compenser les pertes d’emplois qui accompagnent ces privatisations : de 19,3% en 1986, les entreprises publiques ne représentent plus en 2000 que 7,8% du total des salariés.

Selon l’idéologie libérale qui les accompagne, les privatisations rendraient les entreprises plus performantes, les services moins coûteux et mieux adaptés aux usagers (qui deviennent au passage des  » clients « ). Pourtant, c’est d’abord à la faillite économique que conduit la privatisation, faillite aux frais de l’Etat, des contribuables et des usagers. On assiste au contraire à une concentration des secteurs aux mains de quelques grands groupes, passant ainsi du monopole d’Etat à des monopoles privés, au service des profits. L’essentiel des privatisations a servi avant tout à alimenter le marché spéculatif, mais n’a contribué ni au fonctionnement rationnel de l’entreprise, ni au service des usagers. Par exemple, le secteur des télécommunications a représenté la moitié des privatisations réalisées dans le monde pendant la dernière décennie, puis ce marché s’est effondré, perdant 80% de sa valeur (et des centaines de milliers d’emplois : moins 200 000 rien qu’en 2000 aux Etats-Unis).

Pendant ce temps, depuis 1997, le coût de l’abonnement à France Télécom pour les particuliers a lui été multiplié par trois.  » Oubliant  » leurs objectifs de services, les entreprises privatisées, pour tenter de maintenir un certain niveau de profit, mènent aussi une politique de production effrénée, menant à la surproduction (énergie, téléphonie mobile). Autre conséquence, les économies sur l’entretien et la maintenance, pour préserver les profits, ont des conséquences gravissimes, mettant même en jeu des vies humaines. Ainsi du train en Grande-Bretagne où depuis 1989 huit accidents graves (sans compter tous les autres) ont fait 35 morts et 369 blessés. Tout cela avec un prix du billet supérieur de 60% à la moyenne européenne.

Les méthodes utilisées par les gouvernements successifs pour privatiser sont variables, en fonction des situations et des capacités de riposte des personnels : privatisation totale,  » ouverture du capital  » progressive (France Télécom), éclatement de l’entreprise (RFF pour la SNCF, bientôt RTE à EDF) ou sous-traitance de certaines tâches à des entreprises privées et création de statuts privés au sein de l’entreprise (38% des salariés de La Poste sont sous statut privé). Dans tous les cas, c’est la précarité qui fait son entrée massive dans tous les secteurs, c’est le chômage qui s’accroît, et c’est la qualité des services qui baisse.

L’ensemble des secteurs est aujourd’hui menacé : après le rail, La Poste, les télécoms, c’est EDF-GDF qui va être privatisée, ce sont la Santé et l’Education qui voient leurs moyens réduits et leurs secteurs rentables proposés au marché. Dans cette société inégalitaire, les services publics sont un acquis collectif pour lesquels les travailleurs doivent se battre. Personnels et usagers doivent lutter au coude à coude pour préserver les services publics, seuls garants du droit pour tous à la santé, à l’éducation et à tous les autres droits élémentaires. Seule une riposte commune et de grande ampleur pourra renverser la marche de la privatisation.

Par Pascal Grimbert