Casse du Code du travail, le nouveau chantier de Fillon

Fillon a annoncé fièrement une diminution de 1,1% du taux de chômage. Il a oublié de souligner que cette diminution était essentiellement due à l’augmentation des cas d’absence d’actualisation mensuelle auprès des ASSEDIC de la part des chômeurs suite à la suppression des indemnités pour 180.000 d’entre eux.

Article paru dans l’Egalité n°106

Même la direction de l’ANPE en est consciente, puisque c’était l’info du jour sur le réseau intranet de l’ANPE le 27 février dernier. Si Fillon pense voir une reprise de l’embauche, c’est peut-être parce que lui, son ministère et ses rapporteurs ne chôment pas en ce qui concerne la destruction des acquis des salariés. La preuve en est le rapport de Virville (voir sa biographie).

L’ampleur des attaques proposées par de Virville pour refondre le code du travail est telle qu’une question se pose immédiatement : est-ce que le gouvernement pense réellement mettre en place les préconisations de son rapport ou s’agit-il d’un test pour voir la réaction des syndicats ?

Les 64 préconisations de de Virville reprennent les attaques classiques du patronat et de la bourgeoisie à l’encontre de la classe ouvrière: augmentation du temps de travail, augmentation de l’intensité du travail avec plus de flexibilité et de précarité, diminution des salaires et toujours moins de capacité pour les travailleurs de se défendre collectivement et individuellement face à leurs patrons.. Ce sont les leviers habituels sur lesquels jouent les gouvernements et le patronat pour faire face à la crise structurelle du capitalisme qui met à mal le taux de profit.

Les attaques antisociales

Outre le très médiatique contrat de projet de 5 ans qui précarise totalement les emplois qualifiés et qui vise à terme à faire disparaître les CDI pour ce genre d’emploi, et dont personne ne nous dit qu’ils ne seront jamais élargis à des emplois moins qualifiés, on peut trouver la mise en place du statut de travailleurs indépendants. En effet, ne pouvant supprimer purement et simple le Code du Travail, De Virville propose simplement d’en exclure le maximum de salariés. Le travailleur indépendant pourrait travailler 50 heures par semaine pour une rémunération de 800 euros et être licencié sans compensation. De Virville souhaite l’extension du CDD d’usage, tels que ceux connus dans certaines branches comme l’hôtellerie ou la restauration. C’est la mise en place du licenciement négocié. On voit déjà les pressions que subiront les salariés de la part de leur direction pour qu’ils acceptent le licenciement. L’avantage pour le patron : pas de procédure, pas de motif, pas de risque de procès !

Non content de s’attaquer au droit collectif, De Virville s’attaque aux garanties nées d’un contrat de travail individuel. Seul cinq points seraient des garanties contractuelles obligatoires dans un contrat de travail. Les autres clauses devenant informatives et pouvant être modifiées à tout moment. Et encore les clauses garanties sont piégées : la qualification est garantie mais non l’emploi. Par exemple, embauché comme technicien, on pourra à tout moment devenir OS ! La zone géographique est contractuelle mais pas le lieu précis. Ainsi embauché sur un site, on pourra se retrouver du jour au lendemain sur un autre site. Le salaire est garanti… enfin pas tout le salaire, car les primes, les heures supplémentaires ne semblent plus l’être. La durée de travail est contractuelle mais au sens de « volume de prestation ». Il s’ensuit que les horaires peuvent être modifiés au bon vouloir de la direction. Et ces points garantis ne le sont pas tant que ça, puisque le patron aura la possibilité de les modifier sur simple proposition au salarié qui aura à répondre dans un délai donné. Si le salarié ne répond pas ou s’il est contre, le patron en tirera certainement les conséquences : le licenciement.

De Virville en profite pour en remettre une couche sur la définition du temps de travail avec la mise en place d’équivalences par accord de branche. L’équivalence, c’est dire à un salarié « vous êtes présent 40 heures mais vous ne faites que 35 heures de travail effectif, donc vous n’êtes payé que pour 35 heures ». Autrement dit, 40 heures équivalent à 35 heures. Ceci concerne surtout les métiers avec des temps de voyage ou déplacement professionnel, ou encore avec des temps d’attente comme pour les routiers.

Travaille et tais-toi !

On pourrait citer encore maintes déréglementations du droit du travail, mais il ne faut pas oublier la diminution des capacités de défense des salariés. Citons pêle-mêle : diminution du pouvoir, déjà pas très exorbitant, des CE ; attaque contre la représentativité syndicale, suppression de l’élection des prud’hommes, dessaisissement du Parlement en matière du droit du travail au profit de concertations bidonnées entre prétendus partenaires sociaux, diminution à deux mois du délai pour contester un accord illégal , patronat exonéré des conséquences pécuniaires de leurs fraudes et illégalités et cerise sur le gâteau, suppression de la plupart des sanctions pénales en droit du travail !

Si ces propositions de De Virville devaient être reprises par Fillon, elle constituerait une des attaques majeures contre les salariés. Associées aux propositions de Marimbert, qui visent à précariser un peu plus les chômeurs et à les obliger à accepter n’importe quel emploi, on voit la cohérence des futures lois pour l’emploi promises par Chirac : la flexibilité totale, le retour aux cadres de travail du 19ème siècle. On voit aussi une cohérence avec les lois Perben et Sarkozy : précariser et mater toute volonté de se rebiffer et de lutter.

Nous avons devant nous deux attaques majeures contre nos acquis : la casse de la Sécu et la réforme du Code du travail. C’est dès maintenant qu’il faut se mobiliser contre l’une et l’autre et former un front uni des travailleurs et des salariés en général contre les lois du MEDEF !

Par Yann Venier