Les élections nationales auront lieu au Brésil en octobre. Quatre scrutins ont lieu simultanément : depuis les parlements d’Etat jusqu’à la Présidence de la République. Si Lula, candidat à un second mandat, est largement favori, oscillant autour de 50% dès le premier tour selon les sondages, un élèment fondamental est la troisième position d’Heloisa Helena, candidate du Front de gauche, formé du P-Sol, du Pstu et du Pcb, et créditée de 10 % actuellement. Le principal candidat de la droite, Alckmim, est en dessous des 30 %.
Article paru dans l’Egalité n°121
Le 1er mandat de Lula a été marqué par une politique néolibérale. Dernièrement par exemple : la compagnie aérienne Varig, ancienne compagnie publique nationale, a fait faillite et a été rachetée par un fond de pension américano-brésilien pour une bouchée de pain. 8000 travailleurs se sont retrouvés sur le carreau. Lula déclara qu’il n’était pas du «ressort du gouvernement de venir aux secours des compagnies en difficulté»…
Polarisation autour des questions sociales
Pour autant, ce sont bien les questions sociales qui polarisent la campagne. Même la droite fait toute une campagne pour expliquer que s’il y a tant de violence et de délinquance, c’est par manque de moyens dans l’Education !
Parallèlement à cela, le gouvernement a, par exemple, mis en place une bourse familiale dérisoire mais qui représente un mieux pour les plus pauvres. La politique de Lula et du Parti des travailleurs (PT) est basée sur une recherche de croissance économique par l’occupation de certains secteurs de l’économie mondiale, une collaboration rapprochée avec les USA, dont Lula est de plus en plus un représentant en Amérique du Sud. Ainsi, c’est le Brésil qui assume le commandement des forces d’occupation d’Haïti.
Lula bénéficie de l’effet moindre mal. Passée la peur d’un effet boule de neige en cas de victoire de Lula (une vague de lutte suite à un sentiment de victoire qu’auraient eu les travailleurs), la bourgeoisie et l’impérialisme se satisfont grandement de ce candidat. La bureaucratie syndicale de la Cut est sous le contrôle du PT et de son allié PcdoB, et freine toutes les luttes, y compris l’actuelle lutte contre la suppression de 3600 emplois à Volkswagen.
Le PT ayant été normalisé, n’y restent à sa gauche que des courants qui ne s’opposent en rien à sa politique. Exclus pour avoir voté contre la première attaque de Lula (la réforme des retraites), un groupe d’élus, dont Heloisa Helena, a fondé le Parti Socialisme et Liberté (P-Sol) en lien avec de nombreux courants et groupes de militants dont notre section brésilienne : Socialismo revolucionario. Malgré toutes les difficultés de structuration, de fonctionnement et un manque de clarté programmatique renforcé par l’entrée dans le P-Sol de secteurs qui ont rompu plus tardivement avec le PT, le P-Sol a toujours aujourd’hui la possibilité de se construire comme une alternative socialiste au PT et à Lula.
Des élections aux luttes futures : un nouveau parti des travailleurs est nécessaire
L’ampleur des élections et leur enjeu favorisaient un rassemblement des forces “socialistes” refusant la politique de Lula. Le Front de gauche rassemble outre le P-Sol, le Pstu (trotskiste) et le Parti communiste brésilien (Pcb). Un certain manque de cohérence caractérise cette alliance, mais en même temps, c’est une possibilité de pas en avant significative. Le Front de gauche permet une liste unique d’opposition de gauche à Lula, tout en permettant à chaque courant de développer ses positions et de disposer de candidats. Et surtout, le Front pourrait être un point d’appui pour développer ensuite un front commun dans les luttes contre les prochaines attaques de Lula qui vont être nombreuses et plus violentes.
Les élections devraient aussi permettre au P-sol de se structurer vraiment en tant que parti, avec un fonctionnement démocratique, un programme plus clair, une orientation réellement vers les travailleurs et les luttes. Le programme économique défendu par Heloisa Helena et ceux qui l’entourent ne dépasse quasiment jamais le niveau de réformes de gauche, mais à la base du P-sol la discussion est toute autre. Nombreuses sont les villes où ont lieu des réunions de militants souhaitant profiter de la campagne pour améliorer le fonctionnement du Psol, clarifier son programme dans un sens plus socialiste.
Car la question clé est là : une campagne d’Heloisa Helena qui serait trop floue politiquement risquerait de faire de sa candidature une initiative sans lien avec la suite. Même un score de 6 % mais avec une campagne ayant servi à regrouper les travailleurs les plus déterminés à combattre la politique de Lula serait un immense espoir, et représenterait un véritable potentiel pour une alternative socialiste à Lula. C’est ce que défend socialismo revolucionario, dans la campagne, par nos propositions, et dans le cadre des candidatures sur la liste du front de gauche.
Par Alex Rouillard