Une ère de bouleversements capitalistes – seul le socialisme peut offrir un avenir à l’humanité

Cent camarades du Comité pour une Internationale des Travailleurs (CIO) ont participé à une réunion élargie de son Comité exécutif international du vendredi 9 avril au dimanche 11 avril. En raison des restrictions liées au coronavirus, la réunion s’est tenue en ligne. Les camarades ont rejoint la réunion depuis de nombreux fuseaux horaires du monde entier – Afrique, Asie, Amérique du Nord et du Sud, Moyen-Orient, Australie et Europe.

Suite à ces trois jours d’une excellente et vaste discussion, le Secrétariat international du CIO publie, ci-dessous, une déclaration sur la situation mondiale et les principales tâches auxquelles le mouvement ouvrier est confronté.

Un an après le début de la pandémie de Covid-19 – avec plus de trois millions de morts dont un million en Amérique latine – le capitalisme mondial a été plongé dans une série de crises multiples et interconnectées : sanitaire, économique, politique, sociale, géopolitique et environnementale. Malgré des plans de relance massifs et autres mesures – notamment dans les principales puissances impérialistes – le capitalisme n’a pas réussi à rétablir son équilibre.

Les années 2020 vont être une décennie de bouleversements et d’événements explosifs dans tous les pays. Il n’y a pas un seul pays où la situation n’est pas marquée par la crise politique et sociale, à un degré ou à un autre. La vitesse fulgurante à laquelle les événements se déroulent est caractéristique de cette période. Le capitalisme traverse sa crise la plus profonde depuis les années 30, avec des changements majeurs dans la situation et l’économie mondiales – avec de nombreuses incertitudes. Les classes capitalistes devront gérer les crises, en passant d’une crise à une autre. À l’inverse, la classe ouvrière et les révolutionnaires ont pour tâche de reconstruire le mouvement ouvrier – construire des syndicats combatifs, construire des partis de masse et des partis révolutionnaires pour résoudre la crise de direction qui existe actuellement. C’est une tâche urgente étant donné la dystopie qui représente le capitalisme moderne dans sa longue agonie.

La crise sanitaire mondiale est loin d’être terminée, malgré la distribution importante de vaccins dans certains pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis et Israël, ce qui devrait apporter un certain répit dans ces pays. Cependant, la situation catastrophique qui se dessine, notamment au Brésil, en Inde et dans d’autres pays, ainsi que l’émergence probable de nouveaux variants, signifient que, sous une forme ou une autre, la pandémie de Covid-19 ne va pas s’arrêter à court terme. L’horrible situation en Inde et au Brésil aura des conséquences internationales. La situation dévastatrice dans ces deux pays a été comparée à une réaction nucléaire en chaîne. Les politiques de Modi et de Bolsonaro ont conduit au massacre de centaines de milliers de personnes dans ces deux pays.

Les masses de ces pays, et même la classe dirigeante, paient le prix des politiques désastreuses de gens comme Bolsonaro, Modi ou Trump avant la victoire de Biden. Dans ces pays, les classes capitalistes ont perdu la direction politique, un phénomène que l’on retrouve également dans d’autres pays. Elle reflète la désintégration de certains des partis politiques traditionnels du capitalisme. Au niveau international, les classes capitalistes en général doivent gérer le fait de « vivre avec le virus » et essayer de le maîtriser. Cumulé à l’aggravation de la crise environnementale, tout cela aura un impact sur l’économie, et les conditions de vie des masses. La « guerre pour les vaccins » notamment dans l’UE, en Inde, dans une certaine mesure aux États-Unis, a montré brutalement la nature de la société capitaliste. Les grandes entreprises pharmaceutiques impliquées gagnent des milliards aux dépens des plus pauvres de la société. La crise liée à la distribution des vaccins en Europe a porté un grand coup politique à l’UE.

Les événements explosifs aux États-Unis, où Trump a désespérément tenté de s’accrocher au pouvoir via un élément de tentative de coup d’État, illustrent clairement la période dans laquelle nous sommes entrés. Son ami Bolsonaro pourrait tenter quelque chose de similaire si, comme cela semble probable au moment où nous écrivons ces lignes, il est confronté à la perspective d’une défaite électorale en 2022.

Biden – ce qu’il représente

La victoire de Biden a ouvert un nouveau chapitre dans la crise de l’impérialisme US. Sa victoire a déjà entraîné d’importants changements de politique intérieure et internationale. Le changement de cap de Biden a augmenté le soutien dont il bénéficie et entraînera une phase de « lune de miel ». Toutefois, cela ne durera pas indéfiniment car son programme ne résoudra pas la polarisation sociale et de classe profonde dans la société US. L’économie est toujours amputée de 10 millions d’emplois par rapport à son pic pré-pandémique. 50 % des ménages gagnant moins de 35 000 dollars par an sont en retard dans le paiement de leur logement. 25 % d’entre eux déclarent ne pas avoir assez à manger.

Le plan de relance de 1 900 milliards de dollars, puis le programme d’investissement dans les infrastructures de 2 000 milliards de dollars qui a été proposé, vont avoir un effet, à l’heure actuelle, sont très appréciés. Là, Biden propose un plan supplémentaire, le « American Families Plan » (« Plan pour les familles américaines »), d’une valeur d’environ 1 800 milliards de dollars. Selon le New York Times, une mère célibataire avec un enfant de trois ans au salaire minimum fédéral (environ 16 000 dollars par an) pourrait gagner 4 775 dollars grâce à ce projet de loi. Les travailleurs employés sur ces projets d’infrastructure seront payés un salaire minimum de 15 dollars de l’heure.

Pourtant, comme l’économiste Nouriel Roubini l’a calculé, sur les 1400 dollars directement envoyés aux gens, seul un tiers sera réinjecté dans l’économie en raison des dettes accumulées et des arriérés de paiement pour le logement. Cela réduira bien sûr le niveau des dettes, mais ne conduira pas forcément à un boom immédiat, solide et durable de l’économie.

Ces mesures, de même que les déclarations de Biden soutenant les syndicats, comportent des éléments importants similaires au « New Deal » de Roosevelt, mis en œuvre de 1933 à 1940. Biden, comme Roosevelt, espère que les dirigeants syndicaux le soutiendront, à la fois contre les républicains, et contre la gauche et les travailleurs militants. Selon les sondages, 65 % de la population américaine a actuellement une opinion favorable des syndicats. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 45 % enregistrés après le crash de 2009. Dans le même temps, le nombre de membres dans les syndicats a globalement diminué, ce qui reflète l’incapacité de la bureaucratie syndicale à tirer parti de cette situation potentiellement favorable. Cette situation se retrouve dans de nombreux autres pays. La création de groupes d’opposition combatifs dans les syndicats pour s’opposer à une bureaucratie bien établie est une tâche cruciale à l’heure actuelle.

À ce stade, les mesures proposées par Biden sont en deçà de ce que Roosevelt avait mis en place. Les plans de Biden, d’un montant d’environ 5 000 à 6 000 milliards de dollars, doivent être introduites sur huit ans. C’est bien moins que le plan de Roosevelt qui, au cours actuel, serait de l’ordre de 50 000 milliards de dollars ! Le programme d’infrastructure de Biden consiste essentiellement à agrandir les projets existants. Il sera financé par une augmentation de l’impôt sur les sociétés de 21 à 28 %, ce qui a provoqué les protestations de certaines sections de la classe dirigeante. Pourtant, même cette augmentation est bien inférieure aux niveaux historiques de l’impôt sur les sociétés après 1945, qui dépassaient fréquemment les 50 % ! Trump avait ramené ce taux à 21%, contre 35% sous Obama. Toutefois, ces mesures ne seront pas sans effet. Elles pourraient être suivies d’autres plans de relance. La classe dirigeante et Biden ont été poussés dans cette direction par la situation objective. Mais ces mesures ne résoudront pas la crise de fond qui existe dans la société US et la polarisation sociale qui s’est installée. Même le New Deal de Roosevelt n’a pas suffi à préparer le terrain pour la croissance économique massive qui a suivi la deuxième guerre mondiale. Celle-ci est née du programme d’armement massif dont il y avait besoin pendant la guerre et de la situation internationale qui l’a suivie.

La classe dirigeante aux États-Unis devra faire face à une nouvelle crise politique à mesure que les illusions sur Biden disparaîtront et que de nouvelles luttes émergeront. La consolidation de l’emprise de Trump sur le parti républicain montre que ses forces n’ont pas disparu malgré la défaite électorale. Les projets des Républicains dans de nombreux États visant à restreindre davantage le droit de vote illustrent que la droite se prépare à tenter un retour au pouvoir. Leur objectif est de progresser aux élections de mi-mandat en vue d’un retour en force en 2024. Ils se préparent également à essayer de bloquer certains des programmes de Biden. Selon le déroulement des événements, la crise aux États-Unis peut préparer le terrain pour que Trump ou un Trump bis réapparaisse et fasse un retour. La mort d’un autre jeune Noir à Minneapolis, tué par balle, et les émeutes que cela a déclenchées illustrent les tensions sociales explosives qui demeurent.

Économie mondiale – et maintenant ?

L’économie mondiale s’est contractée de 3,5 % en 2020. Dans de nombreux pays, y compris les principaux pays impérialistes, la contraction a été encore plus importante. Et ce, malgré l’introduction de plans de relance massifs qui s’élevaient globalement à 15 000 milliards de dollars US, soit 17 % de l’économie mondiale de 2020. Même une telle somme n’a pas suffi à « relancer » l’économie, mais ça a permis d’éviter un effondrement total. Cependant, au moins un tiers de cet argent est allé directement aux grandes entreprises. Seul un tiers a été donné aux familles.

Face à cette crise sans précédent, les classes dirigeantes ont abandonné encore plus le néolibéralisme qui avait dominé l’idéologie économique et politique, surtout depuis les années 1990. Dans l’ensemble, les classes dirigeantes sont revenues à une forme de keynésianisme, comme elles l’ont fait en 2007-2008, mais pas à une échelle aussi importante qu’alors. L’abandon du néolibéralisme des années 1990 et le retour aux méthodes keynésiennes ne signifient pas que l’austérité et des privatisations ne seront pas mises en place dans certains pays, vu que la politique de la classe dirigeante oscille en fonction de la situation à laquelle elle est confrontée à chaque étape. On pourra avoir une combinaison des deux approches : un programme keynesien ainsi que des attaques contre les conditions de la classe ouvrière et de la classe moyenne.

L’ampleur de l’effondrement de 2020 veut dire qu’une certaine reprise aura inévitablement lieu, en particulier lorsque les économies sortiront du confinement. Le régime chinois affirme que l’économie a connu une croissance de 18,3 % au premier trimestre de cette année par rapport à l’année dernière. Une reprise de l’économie des États-Unis est également en cours. Toutefois, les estimations pour la Chine indiquent qu’il est peu probable que ce taux de croissance se maintienne ; les prévisions de croissance pour toute l’année 2021 ont été revues à la baisse, à environ 5 %. Les reprises chancelantes dans certains pays ne suffisent pas, dans l’ensemble, à retrouver la situation d’avant même le krach de 2009. En général, il est plus probable qu’elles soient de courte durée avant l’éruption d’une nouvelle crise. Les économistes et les politiciens bourgeois sont largement divisés et débattent des politiques à mener. De nombreux commentateurs recommandent la prudence sur ce que l’avenir nous réserve.

En outre, toute reprise pose la question cruciale de savoir qui en profite. Le fossé entre les riches oligarques et la masse de la population s’est creusé pendant la pandémie. Au niveau international, 493 nouveaux milliardaires ont été créés en 2020, dont 205 en Chine ! Une augmentation massive de la monopolisation de l’économie mondiale a eu lieu. 157 des 200 premières entités économiques existantes (mesurées en termes de revenus) sont des sociétés et non des pays. Des entreprises comme Amazon, Walmart, Shell, etc. ont presque les caractéristiques d’un État de par leur taille et leur mode de fonctionnement. La nécessité de les nationaliser sous le contrôle et la gestion démocratique de la classe ouvrière dans le cadre d’une planification socialiste de l’économie est aujourd’hui plus forte que jamais.

Dans toute reprise, la caractéristique dominante dans la plupart des pays sera la création de nouveaux emplois dans des conditions pires qu’avant et la stagnation des revenus réels. Cette situation s’accompagnera d’un chômage durable pour des millions de personnes, y compris aux États-Unis. La situation désespérée des jeunes sera un élément crucial de la période à venir. En Espagne, le taux officiel de chômage des jeunes est de 40 % et cela a joué un rôle important dans les émeutes et les protestations massives qui ont eu lieu après l’arrestation d’un rappeur radical et très populaire. La situation désespérée des jeunes chômeurs et la crise de l’éducation constituent un cocktail explosif qui peut provoquer l’explosion de grands mouvements de jeunesse et la radicalisation politique dans les mois et années à venir.

L’accumulation d’une dette mondiale massive pendant cette crise est un élément crucial de l’économie mondiale. C’est une bombe à retardement qui peut déclencher une autre crise financière et/ou économique. La dette mondiale dépassera les 300 000 milliards de dollars US en 2021. En 2020, six pays du monde néo-colonial ont été en défaut de paiement ou ont restructuré le remboursement de leur dette. 46 autres ont été autorisés à retarder leurs remboursements. Ces rustines vont se décoller au cours de la période à venir, ce qui va vraisemblablement provoquer une crise budgétaire dans un certain nombre de pays. Le défaut de paiement de la dette est une possibilité dans certains pays, ce qui aura des conséquences politiques et économiques internationales importantes. Une crise majeure sur le remboursement de la dette se développe en Argentine, qui s’apprête à négocier le remboursement de sa dette qui s’élève à 50 milliards de dollars US. La revendication du non-paiement de la dette, et de la nationalisation des banques sous le contrôle démocratique des travailleurs, est un aspect crucial du programme des socialistes révolutionnaires dans le monde néocolonial.

L’intensification des guerres commerciales et douanières qui se sont développées au cours de l’année 2020 se poursuit, reflétant l’aggravation spectaculaire des conflits entre les puissances capitalistes. Si ces conflits s’intensifient, ils peuvent affaiblir ou interrompre toute reprise instable et éphémère dans de nombreux pays ou dans l’économie mondiale.

D’autres instabilités de l’économie mondiale et des marchés financiers peuvent également aggraver de futures crises. L’une des conséquences des mesures prises par Biden a été de faire monter le dollar US. Cela a eu un impact sur le monde néo-colonial, rendant les importations plus chères et contribuant à une forte hausse de l’inflation au Brésil, en Argentine et dans d’autres pays. La perspective de voir se développer des guerres de devises au cours de la prochaine période peut également aggraver les problèmes de l’économie mondiale. Le dollar US reste de loin la monnaie dominante dans le monde. En 1975, 84,6 % des réserves étaient détenues en dollars US. En 2019, ce pourcentage était tombé à 60,8 %, mais il est reparti à la hausse en 2020 en raison de la baisse du commerce mondial. Cette baisse pourra provoquer des guerres monétaires dans lesquelles les monnaies numériques peuvent jouer un rôle. La croissance des monnaies numériques telles que le bitcoin peut contribuer à déstabiliser les marchés financiers mondiaux. Coinbase a récemment rejoint le Nasdaq (la bourse) et a été évalué à 99,9 milliards de dollars US, soit plus que les banques Lloyds et Barclays réunies. Bien que les « monnaies » numériques se soient développées, elles sont plus symptomatiques de la spéculation maniaque (avec des fluctuations extrêmement rapides des prix et de la valeur) de petits investisseurs principalement, mais pas exclusivement, à ce stade. C’est pourquoi l’économiste capitaliste Roubini qualifie le bitcoin de « shitcoin » (« monnaie de merde »). L’établissement d’une monnaie numérique en Chine est quelque peu différent de celles-ci, car elle est gérée par la banque centrale chinoise. Le gouvernement britannique étudie la possibilité que la Banque d’Angleterre établisse également une monnaie numérique. La Réserve fédérale américaine a entamé des discussions avec Facebook sur la possibilité d’en lancer une. Ces développements laissent présager que les monnaies numériques deviendront un élément plus important des marchés financiers et monétaires mondiaux, ce qui pourrait contribuer à une plus grande instabilité.

Biden – « L’Amérique est de retour » – dans un monde en pleine tourmente

Biden a déclaré que « l’Amérique est de retour » sur le plan international après les politiques principalement isolationnistes menées par Trump. Cependant, elle est « de retour » dans une situation mondiale entièrement changée, marquée par le renforcement de la Chine comme puissance mondiale, et la position affaiblie de l’impérialisme US. Si l’impérialisme US sous Biden est déjà « engagé » dans la politique internationale, il n’est plus en mesure de s’imposer comme la puissance mondiale incontestée. Son « engagement » peut en fait aggraver la situation. Ils se sont engagés plus avant dans l’OTAN, l’OMS et l’accord de Paris sur l’environnement. S’il est possible qu’ils tentent de parvenir à un accord avec l’Iran par exemple, Biden a en même temps maintenu les sanctions et le boycott de Cuba et du Venezuela.

Le renforcement de la Chine, qui représente désormais 18% de la production mondiale, a inévitablement entraîné un affrontement continu entre le gouvernement de Biden et la Chine. L’impérialisme US, fidèle à son hypocrisie et à son double langage habituels, cherche à regrouper une « alliance démocratique » contre les régimes « dictatoriaux » de la Chine et de la Russie. Les dénonciations acerbes de Poutine par Biden reflètent les tensions aigres latentes. Toutefois, l’impérialisme US n’est pas capable de revenir à sa position de superpuissance incontestée.

La tendance à la démondialisation conduit à des tentatives de blocs commerciaux régionaux instables et de sphères d’influence. Des pressions massives sont exercées sur les petits pays d’Asie et d’Amérique latine pour qu’ils rejoignent l’un ou l’autre camp. Le « Partenariat régional économique global » (RECEP) en Asie implique 15 pays, dont la Chine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon, qui représentent 30 % de la population mondiale. La formation de nouveaux blocs se met en place alors que les anciennes structures régionales comme l’ASEAN ou ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques) fonctionnent à peine ou sont en crise à des degrés divers, comme l’UE.

L’expansion rapide de l’influence chinoise en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Afrique, ainsi qu’en Europe du Sud et de l’Est, crée des tensions et des problèmes dans les efforts de l’impérialisme US pour attirer ces pays et ces régions dans une alliance anti-chinoise souple. Une pression massive est exercée sur les petits pays pour qu’ils « prennent parti » dans la lutte d’influence qui se déroule entre les principales puissances rivales. Le Sri Lanka est devenu un terrain de bataille entre la Chine et l’Inde pour y exercer une influence en raison de son importance stratégique. Modi, en Inde, a commencé à se faire passer pour le champion des Tamouls afin d’essayer d’accroître son influence dans le pays. L’Inde est courtisée par l’Occident, comme en témoigne le fait qu’elle ait été invitée avec la Corée du Sud et l’Australie à la prochaine réunion du G7. Biden vise à inclure le régime brutal de Modi dans son « alliance démocratique ». L’Asie, en particulier, est une arène explosive dans le conflit qui se déroule entre les puissances concurrentes et aussi en relation avec la lutte des classes.

Les dépenses militaires ont connu une augmentation massive au niveau international ces dernières années. Rien qu’en 2020, elles ont augmenté de 2,6 % pour atteindre environ 2 000 milliards de dollars US. L’impérialisme US consacre désormais plus de 740 milliards de dollars à son budget de défense. Les dépenses militaires de la Chine fin 2021 devraient approcher les 208 milliards de dollars.

Les escarmouches et conflits régionaux et locaux qui se développent actuellement ont de nombreuses caractéristiques qui rappellent les affrontements qui ont éclaté à l’approche de la Première guerre mondiale. Les points chauds sont nombreux. La situation en mer de Chine méridionale, reflétée par la récente escarmouche entre la Chine et les Philippines, tout comme le déploiement de navires de guerre de pays de l’UE et du Royaume-Uni, sont révélateurs de la tension croissante dans la région. Un échange militaire, par accident ou à dessein, ne peut être exclu dans cette zone hautement tendue par les conflits et les luttes d’influence.

Plus récemment, l’important déploiement militaire à la frontière occidentale de la Russie avec l’Ukraine est une nouvelle illustration des tensions et conflits croissants qui se développeront au cours de cette décennie. Poutine, qui a maintenant retiré ses forces, a entamé le renforcement des troupes en partie pour détourner l’attention de la situation en Russie même, et en partie pour affirmer que la Russie est également une puissance internationale. Il s’agissait également d’une réponse à la provocation que représentait la menace d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, ce qui n’est pas prêt d’être accepté à ce stade. Les manifestations qui ont éclaté en Russie à la suite de l’arrestation d’Alexei Navalny et du déclin du soutien à Poutine laissent entrevoir la possibilité que d’autres mouvements et explosions sociales en opposition à Poutine se développent à un certain stade.

Les conflits dans les relations entre États se reflètent également dans la situation politique. Elle est marquée par l’instabilité, la fragmentation, les scissions et les divisions dans tous les pays. Il n’y a pas un seul pays où la classe capitaliste règne sur une base stable ou paisible. La perspective d’une cinquième élection législative en Israël en l’espace de trois ans en est une illustration. Il en est de même de la crise qui s’est ouverte au sein du régime jordanien – auparavant considéré comme le régime le plus solide et le plus stable du monde arabe.

Trump, Modi et Bolsonaro

L’une des caractéristiques de la période récente a été les crises qui ont secoué certains des régimes populistes de droite les plus brutaux et a révélé les limites de la réaction. Trump a été vaincu après avoir tenté de s’accrocher au pouvoir, ce qui comportait un élément de tentative de coup d’État. Aujourd’hui, avec la perte de son ami aux US, le régime autoritaire d’extrême droite de Jair Bolsonaro au Brésil est en proie à une crise massive. La gestion calamiteuse de la pandémie par Bolsonaro l’a conduit à être accusé de génocide dans tout le pays. Il a menacé de ne pas verser de fonds fédéraux aux États qui ont mis en place des mesures de confinement. Le niveau de débâcle se voit avec l’utilisation de monnaies locales dans certaines villes ou communes. L’effondrement du niveau de vie et l’explosion d’une pauvreté désespérée se reflètent dans le fait que six ménages sur dix n’ont pas assez de nourriture pour toute la semaine. Craignant une opposition croissante et face à la menace d’être balayé par le leader du « Parti des travailleurs », Lula, il semble évident que Bolsonaro a tenté d’utiliser les forces armées brésiliennes comme une garde prétorienne pour le défendre.

Comme Trump, Bolsonaro a été un désastre pour la classe capitaliste brésilienne. Il n’a jamais été leur choix préféré de candidat. Cependant, son gouvernement a été plus catastrophique que même eux l’avaient craint. La démission, inédite, des commandants en chef de l’armée, de la marine et de l’armée de l’air, qui se sont opposés à ses velléités de préparer le terrain pour utiliser les forces armées pour se défendre, illustre à quel point la crise s’est développée. Jusqu’à présent, tous les sondages d’opinion indiquent une nette victoire de Lula dans une élection contre Bolsonaro. La plupart donnent plus de 50 % pour Lula et environ 30 % pour Bolsonaro. Si certains travailleurs et jeunes sont sceptiques vis-à-vis de Lula, celui-ci est considéré comme la seule alternative face à Bolsonaro. La bourgeoisie espère utiliser une présidence de Lula pour tenter de stabiliser la situation et éviter qu’elle ne devienne incontrôlable. Il n’est pas exclu que Bolsonaro tente de mobiliser la base de soutien qu’il possède encore parmi certaines sections de l’armée pour essayer de s’accrocher au pouvoir. Cela provoquerait un tollé et une explosion sociale massive. Pourtant, ces événements illustrent, tout comme les bouleversements en Inde, les limites de la réaction.

En Inde, Modi a mené une campagne nationaliste hindoue vicieuse, attisant les sentiments anti-musulmans, et a fait régner une répression brutale. Les horreurs dévastatrices de la pandémie de Covid-19, et l’ampleur du massacre qu’elle provoque dans tout le pays, sont une conséquence directe des politiques de Modi. Cela peut avoir un effet politique dévastateur dans tout le pays et miner et affaiblir le gouvernement dans la période à venir, voire le menacer directement. Il a déjà été confronté à une énorme grève générale de 250 millions de personnes en 2020 et au mouvement actuel des agriculteurs. Comme dans d’autres mouvements de masse, la « gauche » officielle, sous la forme des partis communistes indiens, n’a pas proposé la direction nécessaire pour faire avancer le mouvement, mais l’a au contraire freiné. Le fait qu’ils n’aient pas réussi à offrir à la classe ouvrière et aux pauvres une alternative indépendante et combative signifie que les protestations de masse contre le gouvernement pourraient ne pas se refléter dans les élections. Il est même possible que le Bharatiya Janta Party de Modi devienne le premier parti aux élections au Bengale occidental, un ancien bastion des partis communistes.

Manifestation massive au Myanmar (Birmanie), le 9 février 2021, contre le coup d’État militaire sanglant (Photo : VOA Burmese/Wikimedia Commons)

Soulèvements multiples – quelles leçons et quelles suites ?

Les multiples crises qui ont eu lieu pendant la pandémie ont été accompagnées de multiples soulèvements ou mouvements de masse dans une série de pays : L’Équateur, le Chili, la Bolivie, la Biélorussie, Haïti, le Sénégal, l’Irak, le Liban, Hong Kong, la Thaïlande, le Nigeria et le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis et en Grande-Bretagne, pour n’en citer que quelques-uns.

Les événements spectaculaires qui se sont produits au Myanmar à la suite du coup d’État militaire sont, à bien des égards, allés le plus loin et ont posé toutes les questions centrales de la révolution, de la contre-révolution et de l’insurrection. Le mouvement de masse a pris des allures héroïques et a fait face à une répression brutale de la part des militaires. Un élément de l’écrasement du mouvement sur la place Tiananmen en Chine est présent dans la réponse sanglante des généraux.

La nécessité de créer des comités d’action et de défense démocratiques pour organiser la lutte a été posée avec acuité. Ces assemblées étaient nécessaires pour mettre en place l’approvisionnement en nourriture, la communication, la propagande et, en particulier, pour former des comités de défense en vue d’établir une milice armée. Ces mesures étaient nécessaires pour préparer la voie aux mobilisations de masse et à une grève générale menant à une insurrection armée. Une stratégie et des tactiques visant à s’emparer des armes de l’armée et de la police et à les diviser entre eux étaient nécessaires pour organiser une insurrection et établir un gouvernement des travailleurs et des pauvres, et pour ne pas s’appuyer sur les opposants bourgeois à l’armée, était une question cruciale. Un parti de la classe ouvrière avec un programme socialiste révolutionnaire était essentiel pour que ce mouvement réussisse.
En l’absence des forces consciemment organisées de la classe ouvrière et des pauvres et d’un tel parti, les mouvements qui ont éclaté se sont usés, épuisés ou vaincus. La perspective d’une guerre civile, d’une division et d’une désintégration est une menace sérieuse pour le Myanmar dans les mois à venir.

Ces mouvements ont montré une résistance héroïque et une haine amère envers les régimes en place, les riches, les partis politiques établis et même le système capitaliste. Cependant, une conscience politique socialiste complète ne s’est pas encore développée. L’idée d’une « révolution » contre les régimes en place était très populaire dans nombre de ces mouvements, mais l’idée du socialisme comme alternative au capitalisme n’était pas présente dans la masse des participants. Pourtant, comme l’ont montré les récents bouleversements au Liban, de nouveaux soulèvements et explosions sociales peuvent rapidement émerger. Lorsque les régimes existants ont repris le dessus, ou que de nouveaux gouvernements bourgeois ont pris le pouvoir, cela ne s’est pas fait sur une base stable. Dans l’ensemble, les mouvements qui ont eu lieu n’ont pas subi de défaite sanglante et écrasante.

Ces événements sont une répétition générale de soulèvements sociaux encore plus importants qui peuvent avoir lieu dans la période à venir. La défaite de la révolution russe de 1905 s’est avérée être une préparation au succès de 1917. On retrouve un élément de cela dans les mouvements de la période récente. La différence cruciale est qu’en 1905, c’est la classe ouvrière en tant que classe qui s’est clairement placée à la tête du mouvement et a formé les soviets. Cela n’a pas été le cas dans les soulèvements récents. Ils peuvent cependant préparer la voie à de tels événements dans le futur. La situation sociale, politique et économique qui existe dans de nombreux pays est telle que des événements révolutionnaires ou pré-révolutionnaires peuvent se développer au cours de cette crise. La situation sociale, politique et économique de la Turquie en fait une candidate pour ce type d’explosion sociale. Au cours de tels événements, de nouvelles formes d’organisation peuvent être créées par les masses. Les révolutionnaires doivent s’y préparer et ne pas chercher une simple répétition de ce qui s’est passé dans les mouvements révolutionnaires précédents. Dans de tels événements, même de petits groupes socialistes révolutionnaires, avec un programme, des slogans et des tactiques corrects, peuvent avoir un impact et faire de grands progrès.

Ces processus peuvent avoir lieu dans les pays capitalistes industrialisés ainsi que dans le monde néo-colonial. La Chine, avec sa classe ouvrière industrielle massive, peut également connaître de grands mouvements qui auront des conséquences décisives au niveau mondial. Ces mouvements pourraient être déclenchés par un arrêt et une inversion de la croissance en Chine. Toutefois, d’autres événements que la récession économique peuvent également déclencher des bouleversements sociaux. Nous sommes confrontés à des caractéristiques de révolution et de contre-révolution existant au niveau international sous une forme prononcée et de plus en plus brutale. Les bouleversements qui ont secoué les États-Unis, le Brésil, l’Inde et d’autres pays en ont donné un avant-goût.

La polarisation sociale et le recours à des formes de gouvernement plus autoritaires, y compris des formes de régimes parlementaires bonapartistes, dans les pays impérialistes industrialisés et dans le monde néocolonial montrent que les anciennes formes de gouvernement ne sont pas adaptées à la situation sociale et politique explosive dans la plupart des pays. La défense des droits démocratiques est un élément essentiel du programme de la classe ouvrière et des socialistes.

Il est important de reconnaître la vitesse à laquelle les événements peuvent changer. Cela a été illustré lors des récentes élections au Pérou. Trois présidents sont tombés au cours des douze derniers mois. Lors des dernières élections, c’est Pedro Castillo qui a pris la tête. Lui et son parti, Peru Libre, qui se déclare marxiste, sont sortis de nulle part pour remporter la majorité des voix, même s’il est peu probable qu’il gagne le second tour. Le parti a émergé d’une grève amère des enseignants que Castillo a dirigée.

Europe : en Allemagne, une crise historique

En Europe, le brusque changement de fortune de Mme Merkel et de son gouvernement est extrêmement frappant. Présenté comme un succès dans la gestion de la pandémie, une série de divisions majeures se sont ouvertes avec la gestion bâclée de la distribution des vaccins et à l’augmentation des cas et des décès liés à la Covid-19. Cela a provoqué un profond malaise et une remise en question des gouvernements à tous les niveaux sur la façon dont le pays est géré. Des conflits ouverts ont éclaté entre le gouvernement fédéral et les gouvernements locaux des États. Des divisions sont apparues au sein de l’alliance CDU/CSU au pouvoir, ainsi qu’au sein de la CDU. Le soutien à la CDU s’est effondré, les Verts apparaissant comme les grands vainqueurs à ce stade. Les Verts espèrent faire partie du gouvernement fédéral, peut-être en tant que principal partenaire de coalition après les élections de septembre. Alors que certains sondages récents montrent qu’ils sont le plus grand parti et qu’ils pourraient avoir la possibilité de former une coalition avec le Parti social-démocrate (SPD) et la Gauche (Die Linke), les Verts gardent leurs options ouvertes. Les Verts sont déjà au gouvernement dans 11 des 16 Etats fédérés avec presque tous les partis dans différents Etats – SPD, CDU, Die Linke et le FDP. C’est le principe de « Voici mes principes, si vous ne les aimez pas, je les changerai ». Dans le Bade-Wurtemberg, les Verts ont rapidement proposé de poursuivre leur coalition avec la CDU, bien qu’ils aient la possibilité de former une majorité avec le SPD. La composition exacte du prochain gouvernement reste ouverte à ce stade. Cependant, couplée à d’importants mouvements sociaux tels que la grande campagne à Berlin pour l’expropriation des sociétés immobilières et les manifestations spontanées à Berlin contre la levée du plafonnement des loyers, la pire crise depuis la fin de la seconde guerre mondiale a commencé en Allemagne. Elle précède une nouvelle période de crise économique et ouvre un nouveau chapitre pour la locomotive de l’UE.

L’impopularité persistante de l’arrogant Macron en France a été renforcée par la nature des mesures de confinement, notamment l’instauration d’un couvre-feu. Ceci dans un contexte de protestations et de grèves significatives. Pourtant, l’absence d’une alternative cohérente et combative de la gauche signifie qu’il existe une possibilité que Le Pen remporte la présidence. Ce serait sans aucun doute un choc pour une grande partie de la population, mais il est certain que cela déclencherait une riposte. Cela montre que la menace de l’extrême droite et de la droite populiste demeure dans de nombreux pays. La croissance des résultats électoraux de VOX en Espagne, des Fratelli d’Italia en Italie et de l’AfD en Allemagne, entre autres, en sont des exemples. Même lorsque ces partis souffrent de scissions et d’une possible division comme l’AfD en Allemagne, ils peuvent réapparaître sous une forme différente.

En cette période de fragmentation et d’instabilité, les élections sont moins révélatrices de la véritable situation sociale et politique. Les politiciens et les partis élus un jour peuvent être haïs et détestés en quelques jours ou semaines, tant la situation est volatile. Malgré la gestion catastrophique de la pandémie de Covid-19 par Johnson en Grande-Bretagne, le bon déploiement du vaccin et le rôle pathétique du leader du Labour Party, Starmer, signifient que les Tories sont en tête dans les sondages d’opinion et qu’ils sortiront peut-être renforcés des élections municipales. Il est également possible que le gouvernement soit fortement affecté par une série de révélations de corruption impliquant Johnson, des ministres du gouvernement et l’ancien Premier ministre David Cameron. Pourtant, si Johnson profite des résultats électoraux, cela ne reflétera pas la situation sociale réelle et l’énorme polarisation de classe qui existe. Celle-ci peut exploser à tout moment, comme l’ont montré les récentes manifestations et contre-attaques de la police.

Dans toute l’Europe et sur tous les continents, une amertume bouillonnante existe. Dans les pays capitalistes avancés, la pauvreté, le manque de logements, le recours massif aux banques alimentaires par ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter suffisamment de nourriture et les attaques contre les conditions de travail préparent le terrain pour des bouleversements sociaux massifs.

La « gauche » à l’ère de la crise capitaliste – la nécessité d’une alternative socialiste révolutionnaire

Au moment où le capitalisme mondial traverse la plus grande crise depuis les années 1930, la « gauche » – tant les partis communistes traditionnels établis que les formations plus récentes comme PODEMOS, la France Insoumise, Die Linke, le Bloc de gauche au Portugal, les Corbynistes – s’est avérée inadaptée. Un nouvel effondrement politique et idéologique a eu lieu face à cette crise mondiale gargantuesque. Die Linke envisage d’entrer en coalition et est impliqué dans une lutte de factions à trois, sans défendre une position socialiste de gauche cohérente. En France, Mélenchon, tout en articulant certaines idées de gauche radicale, refuse de construire un parti, souhaite un large mouvement et adopte une posture nationaliste. Entré au gouvernement avec le Parti socialiste (PSOE), le leader de PODEMOS, Pablo Iglesias, en a démissionné pour tenter de diriger le parlement régional de Madrid sans offrir d’alternative politique. Les Corbynistes n’ont pas réussi à offrir un challenge efficace à la contre-révolution que Starmer a menée à bien au sein du Parti travailliste. Alexandria Ocasio-Cortez aux États-Unis a attaqué toute personne critiquant Biden comme le faisant depuis une position de « privilège ». Dans le monde néo-colonial, le même processus est à l’œuvre. En Inde, les partis communistes n’ont pas réussi à diriger le mouvement et ont succombé aux pressions du « moindre mal », sans position de classe indépendante. C’est une question cruciale dans de nombreux pays, en particulier ceux dirigés par des forces populistes de droite. C’est une question importante en Inde, au Brésil et elle émerge au Chili autour de l’idée d’un « tous unis contre Piñera » et d’un « gouvernement provisoire ». Il est important que les socialistes révolutionnaires prennent habilement en compte la tendance à l’unité pour vaincre la droite, mais défendent également la nécessité pour la classe ouvrière de défendre son indépendance politique et son programme comme le meilleur moyen de vaincre la droite, en ne plaçant aucune confiance dans les sections prétendument « progressistes » de la classe capitaliste.

L’avenir de toutes ces forces politiques de gauche est en question. Il est possible que de nouvelles organisations ou partis se forment à partir de certaines d’entre elles. De nouvelles forces pourraient également émerger de nouvelles luttes et de nouveaux bouleversements de la classe ouvrière, comme cela semble être en partie le cas au Pérou avec « Peru Libre ». Ces nouveaux partis ne seront pas purs ou complètement aboutis au cours de leur construction. Il est important que les marxistes et le CIO soient préparés à diverses possibilités dans le processus de construction de nouveaux partis de la classe ouvrière. Des initiatives comme la Coalition des Socialistes et des Syndicalistes (TUSC) en Angleterre, au Pays de Galles et en Ecosse ou le Parti Socialiste du Nigeria (SPN) peuvent constituer un pas dans cette direction. La question cruciale est de soulever avec audace la nécessité de construire des partis de la classe ouvrière, et en même temps de construire des partis et des groupes avec un programme révolutionnaire.

Cela fait partie de la tâche à laquelle la classe ouvrière internationale doit faire face, avec les révolutionnaires, pour reconstruire les partis et les organisations de la classe ouvrière.

Un aspect crucial de cette crise est que la question nationale a émergé de manière plus prononcée et plus aiguë, comme on l’a vu récemment en Irlande, en Catalogne, en Écosse, au Nigeria et dans d’autres pays. Au Nigeria, elle se pose à un niveau beaucoup plus profond, avec des soulèvements et des affrontements armés.

Le CIO défend les droits démocratiques de tous les peuples opprimés et le droit à l’autodétermination, l’unité de la classe ouvrière et l’internationalisme. Le cas échéant, le CIO soutient la lutte pour l’indépendance et la lie à la nécessité du socialisme et de l’unité des travailleurs – par exemple en Écosse et en Catalogne. Pourtant, chaque question a ses propres particularités et est très spécifique. Le soutien à l’indépendance parmi les différentes nationalités et groupes ethniques n’est pas figé et peut fluctuer en fonction de chaque situation. Bien qu’il ne soit pas au même niveau que celui de l’Écosse, on observe un soutien à l’indépendance du Pays de Galles, notamment chez les jeunes. Le capitalisme est incapable de résoudre la question nationale et les autres formes d’oppression. Il est donc essentiel de lier la lutte contre l’oppression nationale et ethnique à la lutte pour le socialisme et l’unité des travailleurs.

La profondeur de la crise qui se déroule actuellement entraîne des éléments croissants de désintégration sociale et de barbarie, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique latine, en raison de l’absence d’alternative socialiste de masse. La guerre brutale en Éthiopie, les affrontements ethniques et les enlèvements au Nigeria, ainsi que les guerres dévastatrices autour de la drogue au Mexique, où les cartels fonctionnent comme une machine étatique rivale dans certaines villes et certains États, sont autant d’indications de la décomposition du système capitaliste pourrissant et du système de grands propriétaires terriens. La nécessité d’une alternative socialiste comme seule solution à la pandémie de pauvreté, de guerre et de conflit est plus grande aujourd’hui que jamais. Une solution globale à la pandémie, aux crises environnementales, économiques et sociales qui s’abattent sur le dos de l’humanité est la seule façon de résoudre ces questions brûlantes. C’est la seule façon d’appliquer pleinement les progrès spectaculaires de la science et de la technique qui sont en train de se produire. Pour y parvenir, il faut mettre fin au système du capitalisme monopolistique. Il doit être remplacé par la planification démocratique et la propriété publique des forces productives par la classe ouvrière pour commencer à construire une alternative socialiste. C’est le seul avenir pour l’humanité pour lequel le CIO est déterminé à se battre.