La Colombie est en guerre civile depuis plusieurs décennie qui implique l’Etat, les guérilla d’extrême-gauche des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et de l’Armée de libération nationale (ELN).
Article paru dans l’Egalité n°86
Cette guerre civile a fait plusieurs dizaines de milliers de morts civils. Parallèlement les groupes paramilitaires fascisants à la solde des grands propriétaires terriens et de firmes étrangères terrorisent les communautés rurales afin qu’ils abandonnent leurs terres et tuent les dirigeants des mouvements sociaux et politiques avec le soutien de l’Etat. Enfin les cartels de la drogue continuent leur trafic.
En 1999, Clinton et le président de la Colombie – Andrés Pastrana – passaient un accord de « lutte contre la drogue », de « renforcement de l’Etat » et de recherche de la paix. Le Plan Colombie prévoit une aide extérieure surtout militaire pour un montant de 7,5 milliards de dollars. Les Etats-Unis seraient appelés à participer pour un montant de 1,3 milliards de dollars en aides militaires. L’Europe est aussi appelée à contribuer à ce plan. Mais derrière ces « belles intentions » se cache un véritable plan de guerre contre le mouvement social et politique du peuple colombien.
La face cachée du plan
Comment oser prétendre que l’on souhaite le renforcement de l’Etat alors que la somme totale prévue par le plan sera prêtée par le FMI en contrepartie d’un nouveau plan d’ajustement structurel qui entraînera de nouvelles privatisations et de nouvelles coupes sombres dans les budgets sociaux. D’ailleurs le texte prévoit « que le gouvernement colombien achève les réformes urgentes visant à ouvrir complètement son économie aux investissements et au commerce extérieur, particulièrement à l’industrie pétrolière […] ». Ceci est en prévision de l’entrée de la Colombie au sein de l’ALENA – le marché commun américain auquel participe pour l’instant les USA, le Canada et le Mexique.
Actuellement les guérillas populaires occupent 13% du territoire. Ces régions sont riches en charbon, bois, pétrole, force hydraulique, en biodiversité et tout simplement en terres pour les plantations. Le gouvernement américain et les firmes telles que United Brands, British Petroleum, Occidental Petroleum, Exxon, Corona Gold Mines, etc, ont des projets pour ces régions. Ils ne peuvent en aucun cas les laisser dans les mains de la guérilla. Or ni l’armée colombienne ni les paramilitaires n’ont réussi à leurs reprendre.
Afin que le plan soit entériné auprès de l’opinion publique mondiale, Pastrana et le gouvernement américains tentent de retirer à la guerre civile tout caractère social et politique en assimilant les guérillas à de vulgaire narcotraficants. Si les FARC ou l’ELN sont effectivement mêlés de près ou de loin à la production et au trafic de coca, il n’en demeure pas moins qu’ils reçoivent un soutien populaire large. Comment expliquer autrement plus de 30 ans d’existence et de guerre contre l’Etat colombien.
Mais la guérilla ne sera pas la seule dans la ligne de mire de l’administration américaine et des multinationales. C’est tout le mouvement social qui sera touché. Les syndicats, les associations qui refusent le libéralisme, les organisations paysannes ou des communautés indiennes et noires luttent contre les expulsions de leurs territoires (déjà plus de deux millions de « déplacés ») au profits des capitalistes qui font de la monoculture pour l’exportation. A terme c’est l’autonomie alimentaire de la Colombie qui est menacée. Aucune contestation ne sera permise.
Non à l’impérialisme !
La politique d’ingérence des Etats-Unis et de soutien aux dictatures dans les pays d’Amérique latine n’est pas nouvelle (Cuba, Chili, Salvador, Guatemala, Nicaragua, Brésil, Argentine, Grenade, etc.). Washington a toujours été dans les mauvais coup dès qu’il s’est agit de détruire dans le sang toute contestation au modèle capitaliste et permettre aux firmes américaines de faire des profits.
Plus largement se plan s’inscrit donc dans un programme plus large d’élimination des points de résistances encore ou de nouveau actifs : Venezuela où il y eut récemment des émeutes populaires contre le FMI qui firent tomber un gouvernement et élire un président populiste. L’Equateur où les organisations indigènes, paysannes et certains syndicats (celui du pétrole notamment) bloquent le plan de privatisation et d’austérité imposé par le FMI au point d’avoir pris momentanément le pouvoir. La Bolivie est sur le fil du rasoir entre insurrection et coup d’Etat. En Avril, une révolte populaire de paysans et citadins a chassé la transnationale Baechtel du pays, bloquant ainsi le programme de privatisation (en l’occurrence de l’eau) dicté par la Banque Mondiale. La mobilisation a repris en septembre. Pendant plus de trois semaines les organisations paysannes et les syndicats (notamment d’enseignants) ont bloqué les routes et paralysé le pays, malgré une répression féroce (des dizaines de morts par balles).
Nous ne savons pas encore si le gouvernement américain est prêt à s’engager de nouveau dans une sale guerre comme au Vietnam. Mais d’ores et déjà nous devons tous nous mobiliser afin que l’Europe refuse ce plan et empêcher les Etats-Unis d’intervenir en Colombie. Non à l’impérialisme américain ou européen.
Par Yann Venier