Stop à la guerre Israël-Gaza ! Pour l’unité des travailleurs et la lutte contre l’oppression [Déclaration du CIO]

Les images en provenance d’Israël et de la bande de Gaza sont terribles. Des centaines de civils sont morts des deux côtés. Les attaques sans précédent du Hamas en Israël ont suivi la politique d’escalade du gouvernement israélien contre les Palestiniens au cours des derniers mois et des dernières années. Le gouvernement dirigé par Netanyahou, avec le soutien des puissances occidentales, a réagi à son tour par des méthodes de terreur militaire de masse – un bombardement massif et brutal de Gaza. Des zones entières sont détruites par des attaques aveugles et le siège a été renforcé, ne permettant pas de faire circuler électricité, nourriture ou carburant. Une nouvelle guerre a commencé, qui pourrait durer un certain temps, dont les victimes sont issues de la classe ouvrière des deux côtés du conflit et qui ne rapprochera pas les peuples de la région de la paix et de l’autodétermination.

Frappe sur Gaza, 9 octobre 2023

Article par Judy Beishon, Secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI) dont la Gauche Révolutionnaire est la section française, paru le 9 octobre sur www.socialistworld.net

Le blocus militaire israélien de la bande de Gaza ne pouvait qu’amener à un nouveau cycle de conflits sanglants. Plus de deux millions de Palestiniens, dont la plupart sont des réfugiés, sont piégés dans cette bande de terre pauvre et densément peuplée. Ils subissent régulièrement des assassinats et raids brutaux de la part des forces israéliennes, tout comme les Palestiniens de Cisjordanie, où la répression s’est intensifiée cette année – plus de 150 personnes ont été tuées – sous la direction du gouvernement israélien le plus à droite qui ait jamais existé.

C’est la cinquième guerre entre le régime israélien et l’autorité de Gaza dirigée par le Hamas, mais cette fois-ci, les événements ont déjà atteint un niveau sans précédent. En 75 ans d’histoire d’Israël, jamais les scènes de l’offensive du Hamas n’ont eu une telle ampleur. Pour les Palestiniens de Gaza, douloureusement habitués à la mort et à la destruction, le nombre de morts dépassera de loin celui des Israéliens, alors que M. Netanyahou a déclaré que certaines parties de la bande de Gaza seraient réduites en ruines et a même menacé d’en faire une « île déserte ».

Une invasion terrestre est en préparation ; une entreprise militaire majeure qui porterait cette guerre à un niveau encore plus dévastateur si elle était poursuivie. Il est impossible de prédire jusqu’où elle ira à ce stade précoce, mais on ne peut exclure des tentatives de sauvetage d’otages, voire de retrait du Hamas du pouvoir et d’occupation directe, ou d’installation d’un autorité fantoche. De même, une extension de la guerre à d’autres pays ou forces de la région est possible, compte tenu de l’imprévisibilité, de la volatilité et de la nature potentiellement explosive des événements qui se déroulent. L’envoi par l’administration américaine de navires de guerre pour soutenir Israël – un « groupe de frappe » dirigé par le porte-avions Ford – indique le niveau d’inquiétude des puissances capitalistes à l’échelle mondiale face à l’évolution de la situation.

Ceci dans un monde déjà divisé et déstabilisé par la guerre en Ukraine et confronté à des chocs économiques majeurs. Les politiciens capitalistes internationaux n’ont aucune solution à proposer – leur système est pourri jusqu’à la moelle et est la cause fondamentale des guerres qui éclatent. Ils sont incapables de répondre aux besoins et aux aspirations des peuples partout dans le monde. Au contraire, ils sont hypocrites, comme les puissances occidentales qui arment l’Ukraine contre l’occupation russe tout en soutenant le régime israélien qui martyrise les Palestiniens, eux aussi sous occupation.

Il y a quelques semaines, les puissances occidentales ont à peine critiqué l’Azerbaïdjan, avec lequel des accords commerciaux sur le pétrole et le gaz sont en jeu, pour avoir envahi militairement et infligé un nettoyage ethnique au Haut-Karabakh, faisant plus de 200 morts.

Une fois de plus, dans ce nouveau cycle de conflit israélo-palestinien, de nombreux civils ont déjà été tués et blessés. Les dirigeants des deux camps n’hésitent pas à terroriser les civils, qu’il s’agisse de l’État israélien et son histoire au Liban et à Gaza ou des dirigeants du Hamas lors de leur offensive du 7 octobre. L’assassinat d’environ 260 jeunes samedi lors d’une « rave » ne fera pas progresser la lutte pour la libération, mais constituait une tentative de terroriser la population israélienne, ce qui peut faire le jeu du gouvernement israélien d’ultra-droite. Mais les condamnations du gouvernement israélien sont totalement hypocrites compte tenu du bilan de certains de ses ministres. Pendant des années, l’actuel ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a glorifié Baruch Goldstein, le terroriste israélien qui a massacré 29 Palestiniens dans une mosquée en 1994. En mars de cette année, le ministre des finances, Bezalel Smotrich, a demandé que Huwara, une ville palestinienne, soit « anéantie » après que deux colons israéliens y ont été tués.

Crise en Israël

L’État d’Israël est confronté à sa plus grande crise sécuritaire depuis sa fondation en 1948. Il y a deux semaines à peine, Netanyahou s’adressait à l’Assemblée générale des Nations unies, droit dans ses bottes, brandissant une carte du Moyen-Orient sur laquelle les territoires palestiniens n’existaient pas. Aujourd’hui, il représente une élite dirigeante dont le prestige a été mis à mal par le gouvernement du Hamas à Gaza, qu’elle croyait à tort effectivement anéanti. En outre, les capitalistes israéliens se prévalaient d’un statut mondial de leaders dans le développement et l’utilisation de technologies et d’équipements militaires et de surveillance. Cette image a été sérieusement écornée et il a été démontré qu’elle a contribué à un faux sentiment de sécurité en Israël même – un sentiment d’invincibilité dû à un appareil policier et militaire puissant.

Une vague d' »unité nationale » due à la guerre pourrait temporairement renforcer la position de Netanyahou. Son faible gouvernement de coalition, qui comprend des partis d’extrême droite, a été soumis à une forte pression par un mouvement de masse de neuf mois contre son programme de réforme judiciaire, y compris une grève générale qui a paralysé le pays le 27 mars. L’offensive du Hamas, qui a fait de nombreuses victimes civiles – y compris le massacre systématique de familles entières – a manifestement eu un impact colossal sur le peuple juif israélien, renforçant le sentiment d’insécurité. Il ne fait donc aucun doute que le déclenchement de la guerre aura un impact sur ce mouvement particulier. Mais même à ce stade précoce, une grande colère s’exprime en Israël contre le gouvernement. Les survivants des attentats et les parents des personnes tuées ou disparues s’expriment à la télévision israélienne en ces termes : « Où était le gouvernement ? » et « Où était l’armée ? », exprimant un sentiment d’abandon de la part d’un État dont ils pensaient qu’il avait été construit pour protéger ses citoyens juifs. Dimanche, un présentateur de la chaîne d’information israélienne 12 a commencé par dire : « Le sentiment de chacun pour soi, alors que l’État nous a abandonnés, est le sentiment de chaque Israélien au cours des deux derniers jours ». L’éditorial du journal israélien Haaretz a été titré lundi : « Netanyahou porte la responsabilité de cette guerre Israël-Gaza ». L’humeur est donc polarisée, et la colère est susceptible de se développer et de s’étendre davantage à mesure que le choc s’estompe dans la société et que la guerre et son cortège de morts se poursuivent.

Les partis d’opposition au parlement israélien pourraient alors temporairement en tirer profit, mais ils réduisent leur capacité à le faire en exprimant leur volonté de former un gouvernement d’urgence « d’unité nationale » avec Netanyahou. De plus, comme tous les partis pro-capitalistes, ils n’ont plus beaucoup d’attrait après leurs échecs au gouvernement ; et ils n’ont pas de propositions alternatives pour empêcher l’aggravation future de ces conflits sanglants, juste un programme similaire de répression militaire, ponctué de concessions occasionnelles et minimales.

Toutes les ailes de l’establishment israélien craignent sans aucun doute l’instabilité que la guerre pourrait apporter au cœur d’Israël. En 2021, des violences communautaires avaient éclaté dans un certain nombre de villes mixtes judéo-arabes d’Israël, attisées à l’époque par des foules de juifs israéliens racistes et ultranationalistes déchaînés. Le nouveau déclenchement de la guerre avec Gaza pourrait conduire à d’autres affrontements de cette nature, augmentant ainsi l’instabilité en Israël.

Face à de tels dangers, les travailleurs et les syndicalistes israéliens doivent s’organiser pour les contrer, en s’efforçant de construire une solidarité basée sur la classe ouvrière à travers des communautés d’origines différentes. Ceci, ainsi que d’autres actions et luttes de travailleurs, peut aider à préparer le terrain pour la construction d’un nouveau parti politique en Israël basé sur les intérêts de la classe ouvrière – et avec un programme socialiste qui peut constituer une véritable alternative aux cycles de terribles effusions de sang.

La lutte des Palestiniens

Le Hamas, parti fondé sur l’islam politique de droite, s’est positionné comme chef de file de la résistance au blocus et à l’occupation, contrairement à l’Autorité palestinienne (AP) en Cisjordanie, dirigée par le Fatah, qui collabore avec la répression militaire israélienne. Les sondages indiquent que le Hamas ne bénéficie généralement que d’un soutien minoritaire à Gaza, mais son offensive du 7 octobre est susceptible d’accroître ce soutien, du moins pendant un certain temps. L’offensive visait sans doute aussi à accroître le soutien et le financement que le Hamas reçoit de ce qu’il décrit comme des organisations de « résistance islamique » ailleurs au Moyen-Orient. Pour justifier son action, le Hamas invoque tous les griefs pressants des Palestiniens : le blocus de Gaza, les raids de l’armée israélienne dans les villes de Cisjordanie, la violence des colons juifs d’extrême droite, l’expansion des colonies, la répression des Palestiniens à la mosquée Al Aqsa de Jérusalem et les 5200 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.

Le moment choisi pour l’offensive est probablement lié aux pourparlers de rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite, parrainés par les États-Unis, le Hamas cherchant à rendre ces pourparlers intenables, probablement en s’appuyant sur la pression du régime iranien. Le Hezbollah au Liban, également lié à l’Iran, a fait directement référence aux pourparlers avec l’Arabie saoudite en qualifiant l’opération du Hamas de « réponse décisive à la poursuite de l’occupation israélienne et de message à ceux qui cherchent à se normaliser avec Israël ». Le Hezbollah a manifesté son soutien à l’action du Hamas en tirant quelques missiles sur une base militaire israélienne, un front de la guerre qui pourrait prendre de l’ampleur.

Les socialistes ne peuvent cependant pas soutenir le Hamas et le Hezbollah, des partis qui s’appuient sur un islam politique de droite. Ils sont opposés aux droits des travailleurs, aux droits des LGBT+ et à l’égalité hommes/femmes ; et leurs stratégies militaires n’apporteront ni la libération des Palestiniens, ni des conditions de vie décentes, ni la fin du conflit – rien de tout cela n’est possible sous le capitalisme. La voie à suivre pour les Palestiniens passe par l’organisation démocratique d’une lutte de masse – une intifada socialiste – basée sur les intérêts des travailleurs et des pauvres, indépendamment de ceux des élites riches.

Par ailleurs, la guerre actuelle entre Israël et Gaza montre pourquoi les militants socialistes du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI) ont toujours mis en garde contre le ciblage des civils israéliens dans le conflit national et s’opposent à de telles attaques. Les attaques contre les civils en Israël renforcent les craintes d’être « chassés vers la mer », poussent les travailleurs juifs israéliens à ne pas se sentir solidaires de la cause des Palestiniens et à soutenir les représailles brutales de l’État israélien, au lieu d’essayer de les dissuader de s’identifier aux intérêts de la classe capitaliste israélienne. Les prisonniers civils détenus à Gaza devraient être libérés, de même que tous les prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.

En plus de s’engager dans une lutte de masse, les travailleurs palestiniens doivent construire leur propre parti de masse, indépendant des intérêts capitalistes. L’élite palestinienne et les partis politiques pro-capitalistes des territoires occupés ne seront jamais en mesure de mettre fin au conflit. Seul le renversement du système capitaliste, le remplacement de la propriété privée des principales entreprises par la propriété publique et le contrôle démocratique par la classe ouvrière et les masses pauvres peuvent jeter les bases de la fin de l’oppression et de la guerre. La construction d’organisations de travailleurs de masse, armées de programmes socialistes, de part et d’autre de la frontière nationale, est le seul moyen de parvenir à cet objectif, ainsi qu’à un niveau de vie décent et à des droits garantis pour tous. Un appel aux masses de tous les pays pour qu’elles se joignent à la lutte pour les droits nationaux démocratiques et pour mettre fin à l’exploitation des masses par toutes les élites et tous les régimes capitalistes au pouvoir est la voie à suivre.

  • Stop à la guerre Israël-Gaza ! Pour le retrait immédiat de l’armée israélienne des territoires occupés
  • Pour des comités de défense démocratiquement organisés dans les communautés locales
  • Pour une lutte de masse des Palestiniens, sous leur propre contrôle démocratique, pour lutter pour la libération
  • Pour la construction de partis ouvriers indépendants en Palestine et en Israël et pour l’établissement de liens entre eux
  • Pour un État palestinien indépendant et socialiste, aux côtés d’un Israël socialiste, avec deux capitales à Jérusalem et des droits démocratiques garantis pour toutes les minorités, dans le cadre de la lutte pour un Moyen-Orient socialiste !