Renault : un plan pour augmenter les profits des actionnaires

Le mois dernier le nouveau PDG de Renault, Carlos Ghosn, a annoncé aux salariés le plan 2006- 2009 pour faire de Renault le « constructeur européen le plus rentable ». Mais le passif de Carlos Ghosn inquiète : il a initié la fermeture de l’usine Renault Vilvoorde et le redressement de Nissan s’est soldé par cinq fermetures d’usines au Japon, et 21000 suppressions d’emplois. « Le profit est le seul indicateur pour savoir si on fait bien son travail ». C’est clair, non ?

Article paru dans l’Egalité n°118

Renault, c’est 3,36 milliards de bénéfices en 2005, + 18,7% par rapport à 2004. L’objectif du plan est de porter les dividendes par action à 4,50 euros à la fin de 2009 contre 1,8 en ce moment et +1,6% seulement pour les salaires en 2006.

Le plan 2009 vise une augmentation de la production et surtout une réduction des coûts. L’augmentation de production, notamment celle de la Laguna, qui pourrait mettre fin aux périodes de chômage technique (40 jours chômés à Sandouville pour 2005), masque les dangers du projet de Carlos Ghosn.

La réduction des coûts passe par une augmentation de l’utilisation des capacités de chaque usine de 60 à 80%. Pour que la rentabilité et les bénéfices des actionnaires soient au rendez-vous, ce mouvement ne s’accompagnera d’aucune hausse d’effectif. C’est une dégradation des conditions de travail (augmentation des cadences, réorganisation des équipes…) et un recours massif à la précarité qui vont le permettre. Sans oublier les conséquences sur les usines des sous-traitants sur qui Renault mettra la pression pour réduire le prix des pièces. Pression qui se répercutera une fois de plus sur les travailleurs.

Le spectre bien vivant de la délocalisation

Carlos Ghosn brandit lui aussi la menace de la délocalisation. Soit comme l’ont fait d’autres entreprises pour obtenir une hausse du temps de travail sans compensation salariale. Soit de manière réelle : il vante notamment les mérites de l’usine turque de Bursa qui pourrait fabriquer les voitures destinées à l’Europe de l’Ouest. Un des objectifs du plan 2009 est d’organiser la production en fonction des marchés qui s’ouvrent et de réorganiser toute la production vers l’Europe de l’Est. Mais il déclare aussi que l’essentiel de la production se fera hors d’Europe. La « mondialisation » de la production de la Logan, la voiture la moins chère, (Roumanie, Maroc, Russie, Colombie et Inde,) sert de référence. Et si ça marche pour la Logan en Inde par exemple, il est sûr que des licenciements ou fermetures interviendront en Europe : la seule chose qui compte c’est de maintenir les productions suffisamment rentables.

Ce plan est finalement une vaste opération chargée de faire avaler la pilule de la « restructuration » tout en tirant en attendant un maximum de profit de ces ouvriers.

Ghosn soumet son plan et la « garantie » de l’emploi à la condition d’une augmentation de la production. Ceci laisse perplexes les salariés des usines françaises qui sentent le danger. Mais l’absence de réaction des syndicats suite aux annonces du PDG, ou leur acceptation de ce plan, les laisse totalement démunis. Aucun syndicat n’a cherché vraiment à combattre le show médiatique de Carlos Ghosn, et aucune lutte contre le plan 2009 ne se prépare. Seule la CGT a organisé le rassemblement de 2000 salariés, mais plus pour peser sur les négociations salariales en cours que réellement combattre ce projet. Même si la lutte pour les salaires est importante, cette question est forcément liée à l’application du contrat 2006-2009 et aux réductions de coûts qu’il va entraîner. Les salariés du groupe Renault doivent dès maintenant s’organiser démocratiquement pour débattre de ce projet, et créer des liens entre les différentes usines à travers le monde et les différents secteurs concernés, sans attendre la réaction syndicale. Seule une lutte d’ampleur qui ne laissera personne isolé pourra faire échouer les projets de Carlos Ghosn et garantir l’emploi.

Par Luc de Chivré et Marie José Douet