Remontée du socialisme aux Etats-Unis

FILE -- In this April 24, 2014, file photo, Seattle City Council Member Kshama Sawant addresses a news conference on a proposal to increase the minimum wage in the city, in Seattle. Sawant said she’ll join the May Day march Thursday, May 1, 2014, for immigrant and worker rights to promote her campaign for a $15 minimum wage. May Day has turned violent recently in Seattle, where last year police arrested 18 people from a crowd that pelted them with rocks and bottles. A year earlier masked marchers dressed in black broke windows and doors on downtown banks and stores and tried to set a fire at a federal building. (AP Photo/Elaine Thompson, File)

“La socialiste la plus connue aux Etats-Unis autre que Bernie Sanders a été réélue”. C’est par ces mots que débute un des nombreux articles publiés après la réélection de notre camarade Kshama Sawant à Seattle. Malgré le silence-radio des médias traditionnels, un tas de sites web d’actualité ont annoncé avec enthousiasme sa réélection au Conseil de ville de Seattle. La chaîne Aljazeera a même conseillé à ses auditeurs de suivre cette campagne, qualifiée comme l’une des 7 plus importante aux Etats-Unis cette année.

Par Bart Vandersteene, participant à la campagne électorale à Seattle

Dans la campagne présidentielle, une question revient régulièrement : un socialiste autoproclamé tel que Bernie Sanders pourrait-il être élu ? Ces dernières années à Seattle ont prouvées qu’un(e) socialist(e) peut non seulement être élu(e), mais aussi réélu(e). Sawant a obtenu 56% des voix à la fin d’une campagne fort contestée, contre une représentante de l’establishment qui n’a ni lésiné ni sur les efforts, ni sur les moyens pour battre Sawant. Mais les réalisations concrètes de Sawant durant son premier mandat couplées à une campagne énergique et combattive l’ont conduit à une victoire impressionnante qui a provoqué l’amertume du ‘‘big business’’ habitué à acheter les élections.

Une équipe de 600 volontaires a participé à cette campagne de réélection. Ils ont frappé à 90.000 portes, ont passé 178.000 coups de téléphone et ont été chercher 3.500 donations pour un total de 450.000 $ permettant de financer la campagne. Trente syndicats ont également soutenu la réélection de Sawant. La force d’une organisation de la base a ainsi pu l’emporter sur celle du ‘‘big business’’. Un auteur sur crosscut.com a écrit : ‘‘La capacité de Sawant à surpasser tout le monde en terme de nombre de dons et sa capacité à s’appuyer sur de nombreux petits dons montre que la vielle garde est en train de vaciller.’’

Ces deux dernières années, Kshama Sawant et son organisation, Socialist Alternative, ont réussi à implémenter une toute nouvelle culture politique à Seattle. Il s’agit de la première grande ville des Etats-Unis à avoir augmenté le salaire minimum jusqu’à 15$ de l’heure (le salaire minimum fédéral étant de 7,5$). Il a été possible de mettre à mal la décision d’augmenter le loyer des logements sociaux de 400%. Des millions de dollars ont été trouvés pour un refinancement des services publics. Un refuge pour femmes victimes de violence domestique a été refinancé. Etc. Un commentateur sur Mic.com a expliqué comment Sawant a pu obtenir de tels résultats sur une aussi courte période : ‘‘La force politique si convaincante de Sawant est due au faite qu’elle ne mène pas seulement des campagnes, elle construit des mouvements. Quand elle veut mettre de la pression sur le processus législatif, elle remplit l’Hôtel de ville d’activistes en colère. Lorsqu’elle veut être réélue, elle mobilise ces mouvements et construit une campagne autour de revendications pertinentes et actuelles, obligeant ainsi les autres candidats à la suivre dans une certaine mesure.’’

Seattle, modèle pour la reconstruction d’un mouvement socialiste américain

Cette campagne à Seattle a été menée dans un contexte de soutien croissant et de plus en plus important pour Bernie Sanders qui construit sa campagne présidentielle en avançant la nécessité d’une révolution politique et en défendant des idées socialistes. Pendant des décennies, le socialisme était une insulte aux Etats-Unis, mais cette page semble définitivement tournée : selon un récent sondage, 69% des jeunes de moins de 29 ans ont exprimé ne pas avoir de réserve quant à voter pour un candidat socialiste. Ce tournant s’explique par la crise profonde dans laquelle est longée la société américaine. Une étude a dévoilé que la moitié de la population américaine vivrait aujourd’hui au bord de la pauvreté. Dans le pays le plus riche de l’histoire de l’Humanité, alors que les richesses se concentrent de plus en plus entre les mains de quelques-uns, il n’est pas étonnant qu’une part de plus en plus large de la population recherche des alternatives et se pose des questions quant à ce que le socialisme peut bien pouvoir offrir.

Le succès de Bernie Sanders n’est donc pas surprenant. Le capitalisme ne permet pas, même aux Etats-Unis, d’offrir un avenir décent à la majorité de la population. Sa campagne contient toutefois une contradiction importante : défendre la classe ouvrière et l’avenir de la jeunesse n’est pas possible avec le Parti Démocrate comme instrument. Or, Bernie Sanders se présente aux primaires de ce parti contre Hillary Clinton. Le seul partenaire stable du Parti Démocrate, c’est la classe capitaliste, celle des milliardaires et de Wall Street, précisément celle contre laquelle Sanders résiste depuis des décennies. Pour réussir à instaurer les revendications qu’il défend, il faut un nouveau parti indépendant du ‘‘big business’’. A petite échelle, Socialist Alternative a montré à Seattle comment cela pouvait être fait. La société américaine est prête à réaliser cela au niveau national.

‘‘The battle of Seattle 2015’’

Les dernières élections à Seattle, en comptant l’ensemble des 9 conseillers qui devait être (ré)élus, ont été les plus chères de l’histoire de la ville. L’élite politique n’a pas seulement libéré d’énormes sommes pour faire élire Pamela Banks – la concurrente directe de Kshama Sawant – elle a également dû consentir à des efforts considérables pour faire (ré)élire ‘ses’ candidats aux autres positions. En effet, une série de candidats ‘‘anti-establishment’’ ont défié les candidats ‘‘pro-establishment’’, mais ils n’ont tout juste pas eu suffisamment de voix que pour commencer une petite révolution politique. L’ancien maire McGinn a déclaré dans une interview : ‘‘On voit des sommes énormes injectées dans cette campagne, y compris pour les autres sièges, parce que s’ils ne peuvent pas gagner contre Sawant, ils veulent au moins essayer construire un mur autour d’elle.’’

Sawant n’a qu’une voix dans un conseil qui en compte neuf. Mais, dans les 4 années à venir, elle va pouvoir construire sur les fondements des années passées. Les principaux sujets de sa campagne sont maintenant au premier plan du débat politique. L’énorme augmentation des loyers doit être arrêtée. Dans ce cadre, sa proposition d’un contrôle des loyers est une importante mesure d’urgence pour bloquer des augmentations de loyer qui peuvent parfois dépasser les 100%. Elle a développé un plan concret pour construire des logements abordables, en poussant la ville de Seattle à prendre ce développement en charge, au lieu de laisser ce marché entièrement entre aux mains du privé. Elle a développé une série de propositions concernant l’introduction de taxes progressives qui oblige les riches de la ville – et il y en a – à contribuer aux investissements nécessaires dans les transports publics et les autres services publics de la ville. Elle a aussi émis une proposition pour un wifi public dans la ville, afin de briser le monopole des opérateurs internet privés qui offrent un service cher et de qualité médiocre.

‘‘Je ne peux pas résoudre vos problèmes pour vous, vous devez vous organiser’’ : voilà la réponse que donne Kshama Sawant à tous ceux qui veulent défendre leurs droits. Si ces revendications se développent à Seattle durant les 4 années à venir, cette ville pourra devenir un laboratoire pour le socialisme du 21ième siècle.

Un périodique local critique de Sawant, le Seattle Met, a dû avouer que la conseillère socialiste a un impact positif. Dans une édition spéciale consacrée aux élections, ils ont ainsi résumé sa campagne: ‘‘Votez Sawant si vous voulez taxer les riches, votez Banks si vous souhaitez que la période la plus fascinante dans l’histoire politique de Seattle se termine prématurément.’’
Socialist Alternative construit en ce moment de nouvelles sections dans tout le pays, avec des centaines d’activistes inspirés par Seattle et qui veulent participer à un nouveau mouvement socialiste. Le PSL a pu un petit peu contribuer à cet important développement aux Etats-Unis, parce qu’un mouvement socialiste fort aux Etats-Unis signifie un pas en avant essentiel pour la lutte globale pour une société socialiste.