L’existence de Daech est assez récente mais sa naissance est le fruit de l’explosion de l’Irak et la Syrie. Toute une partie de l’Irak a été ruiné, saccagé par les guerres impérialistes menées par les USA et les Etats européens entre 91 et 2003. L’Irak est devenu un grand espace sans plus aucune structure étatique avec des populations à l’abandon complet, opprimées par le gouvernement corrompu de Bagdad mis en place par les impérialistes. Un monde très vite en proie aux «saigneurs» de guerre.
Cette organisation ultra violente et ultraréactionnaire est apparue sur les cendres encore chaudes de ce désarroi, de la colère et des divisions créées par les impérialistes notamment celles entre sunnites et chiites attisées par les USA. Et en cela, elle a été sérieusement aidée par les financements de l’Arabie saoudite et le soutien de la Turquie, chacun pour des raisons tactiques : Daesh étant le meilleur ennemi de leurs ennemis respectifs : Assad et l’Iran pour l’Arabie saoudite et les Kurdes pour la Turquie !
Qu’est ce que Daech ?
Daech est dirigé par d’anciens membres d’Al Qaeda notamment sa branche en Syrie, le Front Al Nosra et par d’anciens dignitaires et militaires sunnites du régime de Saddam Hussein, ancien dictateur de l’Irak. Beaucoup étaient également des trafiquants (de drogue, d’armes, de trésors archéologiques). Tous y sont venus sur des bases opportunistes pour le pouvoir et assurément pour l’appât du gain. Le salaire mensuel assuré de 10 000 dollars, les esclaves sexuelles à volonté et l’impunité ont vite faits d’attirer également les désoeuvrés de la région. En cela, le parallèle avec les éléments déclassés qui rejoignaient les fascistes et les nazis dans les années 1930 est très net.
Les hommes de Daech sont très organisés et structurés. Le réseau est assez classique d’une organisation semi-clandestine et antidémocratique : des hommes sont à sa tête qui ont eux mêmes des réseaux. Sa nature ne correspond à aucune forme organisée d’Islam politique classique. Elle n’est pas un parti ultra religieux fondamentaliste comme le Hezbollah pro iranien chiite ni autrement tel que le Hamas et les Frères musulmans (sunnites). C’est une organisation criminelle sur le modèle des cartels de la drogue qui édicte ses règles en utilisant des termes religieux.
Composée d’hommes – et de femmes – venant en grande partie du Moyen Orient. Ils sont rejoints par des jeunes nés dans les pays capitalistes dominants, certains issus des quartiers populaires d’autres individuellement intéressés quelque soit leur origine sociale.
Certains jeunes se sont faits avoir par la propagande sur internet qui cherche à faire de Daech des victimes et les seuls vrais musulmans. Mais ce n’est pas la majorité de ceux qui s’embarquent pour la Syrie. Daech attire également à lui une poignée de personnes désespérées par ce monde où l’injustice est permanente et ou la galère est le quotidien de beaucoup. Des candidats au suicide en somme, qu’ils veulent le plus meurtrier possible. Exactement de la même manière que le pilote d’avion de la Lufthansa qui s’était écrasé sur une montagne en mars 2015, assassinant 150 personnes avec lui. Si la société apportait réellement le bien être, une vie enrichissante et agréable, il n’y aurait pas beaucoup de candidats au désespoir, même sous prétexte religieux.
Daech attire aussi une frange de jeunes aventuriers d’Europe, quelque soit leur origine sociale, qui sont fascinés par la violence destructrice et le nihilisme de cette force mi-religieux mi-mercenaire digne des croisés européens du XI et XII ème siècle, des conquistadores ou de toute autre force qui a rémunéré ses membres grâce au pillage.
Une organisation fanatique du crime organisé, similaire au fascisme
Plus profondément, Daech n’a pas de véritable combat ni de programme à proprement parler à part l’objectif de faire un « Califat » et de donner des terres ou des trafics à ses seigneurs et vassaux. Daech utilise les réseaux sociaux dans lesquels il met très peu en avant un projet de monde face au capitalisme. Ils postent des vidéos toujours plus macabres, des enfants tuant des otages, des djihadistes tuant leur propre mère qui s’opposait à eux… dans le style des mises à l’épreuve chères aux gangs. Daech est une organisation née du chaos qui a pris ses contours actuels de manière opportuniste, sans vrai plan. Elle n’a aucune base sociale, ne proposant aucun droit, ni aucune amélioration des conditions d’existence à la population qu’elle domine. Seuls les dirigeants et les bureaucrates de l’organisation vivent dans le luxe. Tout acte de contestation de l’ordre établi par Daesh est un «péché» voire un crime. Il n’y a donc ni grève, ni syndicat, et seule la pratique de l’islam édictée par les membres de Daesh (lesquels n’ont en général aucune connaissance du Coran) est autorisée, comme au Moyen Age à l’époque de l’Inquisition. Certaines exécutions ont ainsi eu lieu pour «sorcellerie» !
Elle n’est pas immortelle et invincible et est en train de s’affaiblir. De plus en plus d’images de populations ayant réussi à fuir sa domination nous arrivent. Des femmes qui se dévoilent, des hommes qui racontent l’horreur au quotidien. La société est ultra surveillée et l’accaparement de toutes les richesses par ces bandes de mercenaires est la loi, contrôlant tout : l’essence permettant de faire tourner les pompes à eau et de créer de l’électricité. Mais si dans un premier temps, des populations ont pu trouver la domination d’organisation comme Daesh (ou Boko Haram au Nigeria) moins insupportables que les atrocités commises par les troupes gouvernementales (ou les milices chiites à l’ouest de l’Irak), cela n’a pas duré. Tôt ou tard, les populations sur place, celles qui n’ont pas fui se révolteront. Mais comment se débarrasser définitivement de phénomène type Daesh ?
Comment les combattre et les vaincre !
Tant que les bases militaires et les raisons de son existence ne seront pas sapées, un type de Daech pourra exister sous un autre nom avec d’autres hommes à sa tête. Et ce tant que dureront les agissements impérialistes ou des gouvernements à leur botte, le pillage de ces régions au profit des multinationales et l’écrasement des droits démocratiques des populations. Seule la construction d’un mouvement de masse, rassemblant les travailleurs, les masses pauvres, les petits paysans de ces régions, sans discrimination religieuse ou nationale mettra en échec Daesh et ce n’est évidemment pas ce que veulent les pays capitalistes comme les USA ou la France.
Les très nombreuses victoires militaires des Kurdes en Syrie dans la région du Rojava et de Kobanê depuis un an montre qu’une autre perspective pouvait naître dans la région. En tentant d’élargir ces forces aux populations arabes, et chrétiennes syriaques au sein des Force démocratiques syriennes, les résistants kurdes permettent peut être d’avancer dans la bonne direction. La victoire de Kobané l’a été militairement par une résistance héroïque et l’armement de tous ceux et celles qui veulent lutter, mais aussi parce que les résistants défendaient un programme instaurant au moins en partie une société plus égalitaire et démocratique, par la création de services publics et l’établissement de droits démocratiques égaux entre tous et toutes sans distinction d’origine ou de culture. C’est en s’armant politiquement d’un tel programme qu’on peut réellement s’opposer aux menées destructrices et dictatoriales de Daech, mais également, et c’est fondamental dans cette région, à celles des impérialistes.
Comme le fascisme dont il est quelque part un jumeau, Daech ne peut pas être vaincu seulement par des victoires militaires. Il faut s’en prendre aux racines de la société capitaliste qui a créée la bête. Les vrais résistants dans les années 30 et 40 portaient haut et fort la perspective d’un monde meilleur pour tous et toutes, débarrassé du capitalisme, du colonialisme et des guerres. Combattre Daech c’est combattre le chaos laissé par les sales menées des impérialistes et organiser une résistance politique et militaire sur des bases de mixité, interconfessionnelles, multi-ethniques, internationaliste pour un monde socialiste.
Par Leïla Messaoudi