Les menaces d’une attaque américaine sur l’Irak se font de plus en plus précises. Le transport de matériel militaire américain dans la région s’est accéléré depuis le mois d’août, de quoi équiper près de 50 000 soldats. Dans sa volonté d’entrer en guerre contre l’Irak, Bush est cependant relativement isolé. Seul le premier ministre britannique Tony Blair a proposé sa participation à une opération militaire. En fait, les raisons pour lesquelles Bush veut sa guerre ne demande pas une large coalition, mais l’absence de soutien international risque de le gêner. Et surtout, cela est révélateur d’une évolution rapide dans les relations internationales, une plus grande instabilité.
Article paru dans l’Egalité n°97
« L’Amérique a l’intention de montrer la voie pour être sûre que le régime de Saddam Hussein n’a plus les moyens de menacer quiconque dans le monde avec les armes les plus dévastatrices du monde » (G. Bush, lettre au Congrès américain, 4 septembre). Voilà le prétexte. Chacun sait pourtant que le premier budget militaire mondial est celui des Etats Unis qui est égal à celui des 8 pays suivants, et que les USA représentent 30 % de la production militaire mondiale. Leur armement, notamment nucléaire, représente de quoi détruire plusieurs fois la planète. Si l’Irak possède certainement des armes de destruction massive, biologiques et chimiques, il est loin d’égaler les Etats Unis. La question de l’armement de l’Irak est avant tout un prétexte auquel s’accrochent de nombreux pays (France, Russie, Chine, pays de la Ligue arabe…) pour se cacher derrière une résolution de l’ONU.
La crainte de ces pays est autant de voir le monde encore un peu plus déstabilisé que de voir les USA apparaître encore un peu plus comme les maîtres du monde. Blair joue de son coté au chien fidèle qui obéit à tout ce que dit le maître, malgré un sondage du Daily Mirror auprès de 21 000 personnes qui montre que 91 % des gens sont opposés à guerre. Le scénario envisagé est d’une guerre commençant en Octobre, impliquant 250 000 soldats américains, et 25 000 britanniques. Le plan de Bush, et des multinationales qui sont derrière lui, est avant tout une opération où il a les mains les plus libres possible et rien à partager en terme de « fruits » de l’opération, c’est ce qui certainement ce qui agace le plus des gouvernement comme celui de la France.
Cette fois-ci, c’est vraiment pour le pétrole
Contrairement à la guerre sur l’Afghanistan qui était avant tout une affaire de prestige et de positionnement géopolitique dans la région, la guerre qui menace de se faire contre l’Irak est avant tout pour s’accaparer les immenses réserves de pétrole de la région. On estime en effet que l’Irak serait la deuxième réserve pétrolière mondiale. Au moment où les études indiquent qu’à partir de 2020 la production de pétrole commencera à décroître et qu’en 2050 les réserves risques d’être épuisées, le sous sol de l’Irak devient un véritable trésor.
En 1991, lors de la première guerre du Golfe, les USA n’avait pas voulu renverser Saddam Hussein, de peur que le pays n’explose, et que d’incontrôlables forces n’en surgissent, ou que l’Iran devienne le pays dominant dans la région. De plus, l’embargo contre l’Irak avait pour utilité de l’empêcher, pendant plusieurs années, ce pays d’exporter le précieux or noir.
Mais l’embargo, puis l’accord « pétrole contre nourriture », adopté par l’ONU en 1996, n’ont pas eu raison de Saddam Hussein. L’accord pétrole contre nourriture est certainement le plus odieux, car il fixait le niveau de production que l’Irak était en droit d’effectuer, de même que le prix auquel il pouvait vendre son pétrole. Cette politique, particulièrement agressive, n’a rien coûté à Saddam Hussein, mais par contre a entraîné la mort, en 10 ans, d’environ 1 million d’enfants (surtout des bébés) irakiens, faute de médicaments. Et si les USA pensent arriver à Bagdad en libérateur, de tels chiffres, auxquels il faut ajouter les 200 à 300 000 morts, principalement civils, lors de la guerre en 1991 qu’ils se trompent. L’entraînement que suivent actuellement les troupes américaines (combat de rue, guérilla urbaine) montre cependant qu’ils envisagent, quand même, que rien ne sera facile.
Pour Bush, l’utilisation de l’anniversaire des attentats du 11 septembre est une des raisons qui fixe le calendrier des opérations. Mais également, s’il est encore assez haut dans les sondages, il sait que cette popularité est menacée à tout moment par son implication dans les scandales financiers comme Enron. De même, les restrictions des budgets sociaux, la crise boursière, ont fait monter la colère parmi les travailleurs américains. Les élections au congrès fin novembre exigent pour Bush que son prestige soit rehaussé, car il se voit mal composer avec une majorité démocrate au congrès. Une guerre hasardeuse ?
Le plus insupportable dans les décisions des pays impérialistes est cette légèreté avec laquelle ils disposent des gouvernements des pays du « tiers monde ». Le grand allié Saddam Hussein est devenu le grand ennemi. Que ce dernier ait multiplié les meurtres politiques, les massacres. n’a ému personne jusqu’à l’invasion du Koweit en 1990, que les USA avait initialement encouragée. Les guerres impérialistes sous prétexte de la démocratie se multiplient avec l’aide des régimes les plus dictatoriaux : Pakistan pour la guerre contre l’Afghanistan, Arabie Saoudite pour la guerre du Golfe. Les impérialistes peuvent ensuite déférer les dictateurs qui ne leur servent plus devant des tribunaux dépossédant les populations de ces pays du jugement de leurs anciens dictateurs.
Aujourd’hui, les Etats-Unis font croire qu’ils ont un gouvernement de rechange dans le fantomatique « Congrès national irakien », formés de dissidents du régimes, officiers et politiciens corrompus que Saddam a évincé. Ce « congrès » n’a aucune force significative en Irak et aucune autorité dans la population. Un renversement du régime irakien, demandera certainement un maintien plus important encore qu’en Afghanistan des troupes américaines, ce qui ne sera pas sans risques pour elles. De plus, la région et les régimes autour sont particulièrement instables.
Le royaume archi-corrompu d’Arabie saoudite a des risques de crise interne. Il est tiraillé entre une population opposée à la guerre, et ses intérêts de grand allié des USA. La Turquie en proie à une crise politique et économique profonde est très réticente à prêter ses bases aériennes comme en 91 par peur d’une population exaspérée par les plans ultra-libéraux du FMI, et la corruption du régime. La sale guerre de Sharon contre le peuple palestinien n’a rien changé à la passivité honteuse des régimes de la région a exacerbé la colère des masses et a creusé un peu plus le fossé entre les peuples et les gouvernements.
Mobilisons contre la guerre
Malheureusement, aucune date n’est encore prévue pour organiser une manifestation préventive contre la guerre qui menace l’Irak. Dans d’autres pays, comme la Grande Bretagne, celles ci s’organisent (Londres, le 28 septembre par exemple). Il faut pourtant se préparer à mobiliser. Les manifestations seront un premier pas dans la construction d’une lutte contre la guerre. Et notamment, elles montreront aux peuples de la région que les pays impérialistes ne sont pas des monolithes, mais que leurs gouvernements et leurs agissements sont largement contestés. Cela contredirait tous ceux qui, dans le monde arabo-musulman ou à la tête des pays impérialistes, rêvent d’une guerre opposant sur des bases quasi racistes, les peuples ou les » civilisations « .
Dans la lutte contre la guerre, nous devons mettre en avant la solidarité entre les peuples. Ce n’est pas un mot creux : les syndicats et organisations du mouvement ouvrier pourraient prendre des initiatives de solidarité concrète.
A aucun moment nous n’apporterons un quelconque soutien à Saddam Hussein, mais nous ne faisons confiance à aucun des gouvernements actuels, ni aux institutions internationales à la botte des impérialistes comme l’ONU pour apporter une solution qui se préoccupe du sort des populations et des travailleurs.
C’est sur des bases anti-impérialistes mais également anti-capitalistes que devra se construire la mobilisation. Car il y a un lien direct entre politique ultra-libérale et antisociale et guerre. Sous prétexte d’unité nationale, les gouvernements exigent toujours plus des travailleurs, pour le plus grand profit des grandes multinationales. En liant la lutte contre la guerre à celle contre les politiques des gouvernements, on prépare les luttes d’ensemble nécessaires pour stopper les politiques des gouvernements capitalistes et commencer à construire une alternative à ce système et à ses gouvernements.
Parce que le capitalisme n’apporte que guerre, misère et oppression, c’est avec ce système qu’il faut en finir !
Par Alex Rouillard