Che Guevara : un symbole de la lutte anti-impérialiste

« Tire, lâche, tu vas juste tuer un être humain » ce sont les derniers des mots de Che Guevara, selon la légende, juste avant son exécution par l’armée Bolivienne, de mèche avec la CIA, le 9 octobre 1967.

Article paru dans l’Egalité n°98

35 ans après sa mort, le Che vit toujours à travers ces jeunes qui luttent contre les mêmes inégalités qu’il avait combattues toute sa vie durant : la pauvreté, le racisme, et par la suite, contre le capitalisme et l’impérialisme.

Il est assez ironique de voir les compagnies capitalistes utiliser la popularité du Che pour vendre des produits. Mais, en fait, qui était Che Guevara, et surtout quelles leçons pouvons nous tirer de sa vie dans les luttes pour un monde socialiste, pour lequel lui et tant d’autres révolutionnaires ont dédié leur vie ?

Ernesto Guevera est né en 1928 en Argentine dans une famille de classe moyenne. C’est durant ses études de médecine qu’il étudia la littérature et la philosophie, et lut Marx et Engels. A cette époque, il n’était membre d’aucun groupe politique. Ce sont ses voyages à moto à travers l’Amérique Latine qui l’ont confronté aux effets dévastateurs du capitalisme sur la vaste majorité de la population, la pauvreté, le manque d’éducation, et la dégradation générale des conditions de vie.

La révolution cubaine

L’événement historique le plus associé à Che Guevara est sans nul doute, la révolution cubaine. C’est l’une de ces aventures en Bolivie et au Guatemala qui a changé sa vie et l’a décidé à devenir un combattant révolutionnaire. Au Guatemala, un gouvernement de gauche dirigé par Jacobo Arbenz a nationalisé la United Fruit Company, une multinationale américaine qui avait saigné le pays à blanc. C’en était trop pour les Etats-Unis, la CIA a fomenté un complot pour faire tomber Arbenz.

Parmi les témoins de cette lutte contre l’impérialisme américain, il y avait des révolutionnaires et militants politiques exilés cubains impliqués dans la lutte contre le gouvernement pro-américain de Batista à Cuba. Mais, avec l’aide des américains et l’aide de la CIA, Castillo Armas renversa Arbenz, forçant le Che et les autres militants de gauche à l’exil. De là, le Che se retrouva au Mexique, où il rencontra Fidel Castro en 1955.

Le Mouvement du 26 juillet

Che rejoint un groupe appelé « Mouvement du 26 juillet » qui était dirigé entre autre par Fidel Castro et dont le but était de renverser le gouvernement de Batista. Mais que faire après le renversement du gouvernement ? Quel régime mettre à la place ?

A cette époque, le Che était un socialiste convaincu, mais il était minoritaire dans ce mouvement, la plupart des membres, y compris Castro, étaient des intellectuels et des étudiants dont le programme pour un Cuba  » démocratique « ne sortait pas du cadre du capitalisme.

Le 2 décembre 1956, ce petit groupe de 82 combattants mal organisés débarqua à Cuba pour y entamer une guérilla contre le régime de Batista. Après de nombreux échecs, cette guérilla gagna de plus en plus de soutien parmi les paysans, et cela associé à la colère grondant dans la classe ouvrière urbaine, signifiait que le régime de Batista était en danger.

Dans cette lutte contre le gouvernement soutenu par les américains, Che apparaissait comme un combattant courageux et discipliné. « La maxime du Che était de montrer l’exemple, de ne jamais demander à ceux sous son commandement des choses qu’il ne ferait pas lui même […] Il refusait aussi tout privilège. » (Symbol of Struggle, Tony Saunois, p.31)

Pendant ce temps, les débats faisaient rage dans le mouvement entre les libéraux démocrates et les dirigeants socialistes plus radicaux comme le Che et Raul Castro, le frère de Fidel un jeune communiste.

Qui devait diriger le mouvement ? Quel rôle jouerait la classe ouvrière urbaine, en relation à la guérilla rurale et aux paysans ? Devrait-il y avoir une alliance (un front populaire) avec les capitalistes libéraux ?

Le « Mouvement du 26 Juillet » a tiré son nom du jour de 1953 où il y eut un assaut raté contre des baraquements militaires à Santiago. Le parti communiste (PSP) dénonça cet acte comme « un putsch bourgeois ». En fait, le PSP qui avait soutenu Batista en tant que « capitaliste progressiste » était toujours en faveur d’une politique d’alliance revenant à subordonner la classe ouvrière à une classe capitaliste nationale dans une  » lutte anti-impérialiste « . Cette politique des  » deux étapes  » (d’abord une société démocratique capitaliste, et plus tard une lutte socialiste) qui a été désastreuse pour le mouvement ouvrier en Espagne et en Allemagne dans les années 30, a relégué le PSP a un rôle mineur dans la révolution cubaine.

Cette situation inquiétait les Etats-Unis. Avant la révolution, Cuba était un terrain de jeux pour milliardaires américains avec casinos, prostitution et drogue. C’était aussi un marché économique-clé, surtout pour le sucre.

Malgré les tentatives de l’impérialisme américain de renverser la nouvelle Cuba « socialiste » (avec le fiasco de la Baie des cochons d’Avril 1961, quand une invasion armée de mercenaires cubains soutenus par les Etats-Unis a été repoussée), ils n’ont pas réussi à déloger Castro.

La révolution cubaine s’est développée dans une série d’attaques et contre attaques contre l’impérialisme américain. Le Che a joué un rôle assez mineur au sein de l’Etat cubain, voyageant et s’impliquant beaucoup à l’étranger, comme au Congo avec P. Lumumba ou en Algérie. Le régime cubain est entré, dans le même temps, dans l’orbite de l’Union soviétique en opposition à l’impérialisme, prenant de plus en plus de mesures contre le capitalisme établissant finalement une économie planifiée nationalisée.

L’illettrisme, qui était répandu sous le régime précédent, a été éradiqué, l’éducation et les services de santé ont été rendus gratuits et accessibles à tous. L’espérance de vie a vite augmenté et les cubains ont gagné de grandes avancées sociales.

Malgré ces avancées, nous sommes critiques à l’égard du régime cubain. Malgré la nationalisation et la planification de l’économie, le pays était dirigé par une couche de bureaucrates du parti communiste, même si leur privilèges n’atteignaient en rien ceux de la bureaucratie soviétique.

« Nul doute qu’il y avait des éléments de contrôle ouvrier dans les usines au début de la révolution et il y avait des « comités de défense de la révolution » dans tous les quartiers. Mais en même temps, les masses n’avaient aucun contrôle sur l’Etat. » (Cuba, socialism and democracy, Peter Taafe, p.105).

Contrairement à la Révolution russe de 1917, la force dominante à Cuba était la paysannerie qui avait été dirigée par les guérillas, la classe ouvrière a donc joué un rôle secondaire. L’autre facteur important est l’absence d’un parti ouvrier révolutionnaire de masse armé d’un programme socialiste, et qui aurait pu introduire un système de démocratie ouvrière.

En 1967, c’est en Bolivie que le Che tenta d’établir un autre « Cuba », mais il échoua car son mouvement n’était pas basé sur la classe ouvrière et il ne réussit pas à réellement gagner la confiance des paysans. Il fut capturé par l’armée bolivienne, aidée par la CIA. Les défauts du socialisme du Che étaient qu’il avait sous estimé le rôle de la classe ouvrière dans le changement de la société. Il a été très influencé par les mouvements nationalistes, comme celui de Bolívar au XIXème siècle et les armées paysannes de Zapata et Pancho Villa pendant la révolution mexicaine de 1910-18. Cela était peut-être aussi dû à ses origines sociales et au fait qu’il n’était membre actif d’aucun parti politique ouvrier.

Le Che était un révolutionnaire, mais sans programme marxiste conséquent ce qui l’a mené à une approche erronée de la construction des forces révolutionnaires.

Il est mort en héros révolutionnaire, et des milliers, voire des millions de personnes le considèrent comme un symbole de lutte contre l’impérialisme. Les leçons à tirer de sa vie et de sa lutte sont la nécessité de baser nos luttes sur la classe ouvrière et la nécessité d’un parti ouvrier de masse, pour mener à bien la tâche à laquelle le Che a dédié sa vie : la victoire de la révolution socialiste.

Suite au numéro 99, Cuba est-elle socialiste aujourd’hui ?